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thême, encore tout nouvellement dans le concile de Trente; c'est une plaie à la discipline que l'Eglise ne souffrira pas.

CHAPITRE II.

Autre preuve démonstrative du semi-pelagianisme de M. Simon, dans l'approbation de la doctrine du cardinal Sadolet.

IL se déclare encore plus ouvertement dans l'examen des Commentaires sur saint Paul du cardinal Jacques Sadolet, évêque de Carpentras. On ne peut pas refuser à ce cardinal, je ne dirai pas la louange de la politesse, de l'éloquence, de l'esprit, qui sont de foibles avantages dans un docteur de l'Eglise tel qu'il étoit par sa charge, mais encore celle d'un zèle désintéressé pour le renouvellement de la discipline. Néanmoins, ce n'est pas sans raison qu'un cardinal plus savant que lui (1), a averti les modernes qui croyoient mieux réfuter les hérétiques, en s'éloignant des principes de saint Augustin, du péril extréme où ils se mettoient. Ce péril, dont les avertit Baronius, est celui de tomber dans un manifeste semi-pelagianisme, ainsi que M. Simon fait voir qu'il est arrivé au cardinal Sadolet. Il semble, dit notre critique (2), en parlant de son Commentaire sur l'épître aux Romains, que ce cardinal n'ait eu en vue que de s'opposer aux sentimens durs de Luther, et de quelques autres novateurs sur la pré

(1) Bar. tom. vi. 490. p. 449. — (2) P. 550.

destination et le libre arbitre. C'est lui donner un dessein digne d'un évêque et d'un cardinal; mais il le tourne un peu après d'une autre manière : L'on croiroit, dit-il (1), qu'il n'auroit eu d'autre dessein que de combattre la doctrine de saint Augustin, que Luther et Calvin prétendoient leur étre favorable. On voit d'abord l'affectation d'unir le dessein de s'opposer à Luther, à celui de s'opposer à saint Augustin. Ce malin auteur met en vue ces deux choses comme connexes. Il n'en est pas moins coupable, pour le faire artificieusement sous le nom de Sadolet; puisqu'enfin c'est lui qui parle, c'est lui qui fait ces réflexions, où l'on met en comparaison saint Augustin et Luther; et nous lui pouvons adresser ces paroles que le même Père adressoit à Julien (2): Vous accusez les plus grands et les plus illustres docteurs de l'Eglise, avec d'autant plus de malice, que vous le faites plus obliquement: ECCLESIÆ CATHOLICE MAGNOS, CLAROSQUE DOCTORES TANTO NEQUIUS QUANTO OBLIQUIUS CRIMINARIS.

Il s'imagine qu'il s'est préparé une excuse en disant, non pas que saint Augustin est favorable à Luther et à Calvin, mais seulement qu'ils le prétendoient. Mais pourquoi ne dit-il donc pas qu'ils le prétendoient à tort? Pourquoi a-t-il si bien évité de défendre saint Augustin, qu'en rapportant en trente endroits la prétention de Luther et de Calvin, il n'a pas dit en un seul qu'elle étoit injuste? Ne devoit-il pas du moins une seule fois, leur ôter un tel défenseur? Mais loin de le faire, il fait le contraire, et tâche de persuader à son lecteur que (1) P. 553. — (2) Op. imp. lib. v1. c. xx. pag. 1330.

ces hérétiques ne réclamoient pas en vain saint Augustin, puisqu'il affecte de faire voir qu'un cardinal n'a pu attaquer ces impies, sans en même temps combattre ce saint.

Mais que lui a-t-il fallu faire pour le combattre, et que nous en dira M. Simon? C'est, dit-il ̊ (1), qu'il tient comme le milieu entre l'opinion sévère de saint Augustin et celle de Pélage. C'est le personnage qu'il fait faire à ce cardinal; c'est-à-dire, qu'il lui fait faire manifestement le personnage de semipélagien; l'Eglise n'ayant connu aucun milieu entre saint Augustin et Pélage, que le semi-pelagianisme.

Et ce qu'il ajoute de ce cardinal est manifestement de ce caractère : il rejette, dit-il (2), en méme temps ceux qui font Dieu le premier et le seul auteur de tous les efforts que nous faisons pour le bien, en sorte que ce ne soit pas nous, mais Dieu qui excite et qui émeuve les premières inspirations de nos pensées. On voit où tendent ces paroles, et il n'y a pas moyen de les excuser.

Quand saint Augustin a combattu les semi-pélagiens, qui nioient que le commencement de la piété vînt de Dieu, il n'a rien eu de plus fort à leur opposer, que le passage où saint Paul enseigne que nous ne sommes pas capables de bien penser de nous-mêmes, comme de nous-mêmes. Car, disoit-il, n'y ayant point de bonne œuvre qui ne commence par un bon désir, ni de bon désir qui ne soit précédé de quelque bonne pensée; quand saint Paul nous ôte la vertu de bien penser pour l'attribuer à Dieu, il remonte jusqu'à la source, et attribue à sa (1) P. 554. — (2) Ibid.

grâce jusqu'au premier commencement; ce qui est entièrement détruit, s'il nous est permis de croire que les bonnes pensées viennent de nous, et non de Dieu, et que Dieu, non-seulement n'est pas le seul auteur de tout notre bien, mais qu'il n'est pas même le premier.

C'est pourtant ce que semble dire ce cardinal. M. Simon le prend en ce sens et nous veut donner cette idée, que selon le cardinal Sadolet, le commencement vient de nous. Mais afin qu'on ne pense pas qu'il est simple récitateur et non pas approbateur de son sentiment, il dit en termes formels (1), que cardinal suit exactement, pour ce qui est de la prédestination, de la grâce et du libre arbitre, l'ancien sentiment des docteurs qui ont vécu avant saint Augustin, quoiqu'il fût persuadé que saint Thomas et ses disciples l'eussent combattu.

ce

On voit par-là que ce n'étoit pas sans raison que le cardinal Baronius nous avertissoit du péril où se jetoient ceux qui vouloient défendre l'Eglise, en attaquant saint Augustin. Ils devenoient semi-pélagiens sans y penser. On sait combien de catholiques se laissoient emporter à ces excès, en haine des excès contraires de Calvin. Le cardinal Bellarmin a été contraint de les réfuter; et c'est aussi pour cette raison que le concile de Trente ayant à condamner les erreurs de Luther et de Calvin, jeta d'abord le fondement d'une si juste condamnation en condamnant les erreurs semi-pélagiennes, et encore par les propres termes de saint Augustin, de peur qu'en repoussant une erreur on ne tombât dans une autre. Le cardinal Sadolet, avec quelques autres, qui

(1) P. 554 et 555.

écrivoient avant le concile, ne surent pas prendre leurs précautions contre tous les piéges de la doctrine semi-pélagienne. Si quelques-uns les ont suivis, on ne doit ni l'imputer à l'Eglise, qui a réprouvé leur sentiment, ni faire une loi de leur erreur. Ainsi M. Simon est inexcusable de se déclarer semi-pélagien, sous prétexte que quelques auteurs plus éloquens que savans ont donné devant lui dans cet écueil.

CHAPITRE III.

Répétition des preuves par où l'on a vu que M. Simon accuse saint Augustin de nier le libre arbitre.

LE procès que M. Simon continue à toutes les pages de faire à saint Augustin, à la vérité est scandaleux et d'un pernicieux exemple; mais aussi l'auteur est-il puni sur le champ de son audace, et nous le voyons aussitôt livré à l'esprit d'erreur. C'est ce qui paroît principalement dans la matière du libre arbitre.

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D'abord donc il est certain qu'encore que saint Augustin ait très - bien défendu le libre arbitre non - seulement contre les manichéens, ainsi que tout le monde en est d'accord, mais qu'il l'ait même toujours soutenu contre Pélage, comme cent passages et des livres entiers de ce Père en font foi; et encore qu'il soit loué par les papes, et en particulier par le pape Hormisdas, pour avoir bien parlé, non-seulement de la grâce, mais même du libre arbitre, de gratia et libero arbitrio; néanmoins

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