Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE XVII.

Pourquoi saint Augustin et les anciens ont dit que l'eucharistie étoit nécessaire, et qu'elle l'est en effet; mais en son rang et à sa manière.

MAIS d'où vient donc que saint Augustin a établi la nécessité de l'eucharistie? La question n'est pas difficile. Il en a établi la nécessité, parce qu'en effet elle est nécessaire. Jésus-Christ n'a pas dit en vain : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous (1). L'eucharistie est donc nécessaire, mais à sa manière. La chose (*) de ce sacrement, qui est l'incorporation au corps mystique de Jésus-Christ, est nécessaire de nécessité de salut; mais saint Augustin nous a fait voir qu'on la trouve dans le baptême; et le sacrement de l'eucharistie, établi pour signifier plus expressément une chose si nécessaire, est nécessaire aussi, mais toujours comme on a dit, à sa manière, de nécessité de précepte, et non pas de nécessité de moyen, ainsi que parle l'Ecole; ou, si l'on veut s'expliquer en termes plus simples, l'eucharistie sera nécessaire comme nourriture dans la suite pour conserver la vie chrétienne; mais elle suppose auparavant une autre première nécessité, qui est celle de naître en Jésus-Christ par le baptême. On peut être quelques momens sans manger, mais on ne peut être un seul moment sans être né;

(1) Joan. VI. 54.- (*) Ou l'effet.

car ce seroit être avant que d'être. Ainsi la première nécessité est celle de recevoir la vie avec la naissance; et la seconde, qui en approche, qui est de même ordre, mais toutefois moindre et inférieure, est celle de recevoir des alimens, afin de conserver la vie. Appliquez cette comparaison à l'eucharistie, vous trouverez la difficulté très-clairement résolue. Il faudra seulement penser que, comme les comparaisons des choses naturelles avec les morales ne sont jamais parfaitement justes, la nécessité de recevoir le céleste aliment de l'eucharistie aura une latitude que la nourriture naturelle n'aura pas; et la connoissance en dépend des principes constitutifs de l'homme spirituel régénéré par le baptême, à qui l'Eglise, qui lui est donnée pour mère et pour nourrice tout ensemble, doit prescrire les temps convenables pour recevoir cette divine

nourriture.

CHAPITRE XVIII.

La nécessité de l'eucharistie est expliquée selon les principes de saint Augustin par la nécessité du baptéme.

AINSI il ne falloit pas abuser des passages où l'eucharistie est posée comme nécessaire. Saint Augustin a donné lui-même les ouvertures pour les expliquer. Il a dit en cent endroits (1), et nous di

(1) De pecc. mer. et remis. lib. 1. c. xx. l. 111. c. XII. contra Jul. lib. v. c. 111. de ani. et ej. orig. lib. 1. c. 1x. l. 11. c. XII. de civit. Dei, lib. xi. c. vii. de Baptis. contra Donat. 1. c. XXII.

sons tous après lui, que le baptême est nécessaire. En disons-nous moins pour cela, et lui et nous, qu'on est sauvé sans baptême en certains cas; par exemple, par le martyre, et par la seule conversion du cœur? Que si cela n'empêche pas que le baptême ne soit jugé nécessaire, parce qu'il en faut du moins avoir le vou, n'en peut-on pas dire autant de l'eucharistie, dont le vœu est en quelque façon renfermé dans le baptême? Car quiconque est baptisé en Jésus-Christ, reçoit avec le baptême, nonseulement un droit réel sur le corps et sur le sang de Jésus-Christ, mais encore une tendance secrète à cette viande céleste, et une intime disposition à la désirer.

Elle est donc dans le baptême par le désir, comme le baptême est par le désir dans la conversion du cœur et dans le martyre; et ainsi la nécessité de l'eucharistie est comprise en quelque façon dans celle du baptême même.

Ainsi, au lieu de chercher querelle à l'Eglise, de propos délibéré, et de la faire errer dans ses plus beaux jours, dès son origine, et encore dans le temps de saint Augustin, sur une matière si claire, il n'y avoit qu'à dire en trois mots, que le baptême et l'eucharistie à la vérité sont nécessaires, mais non pas en même degré, ni de la même manière, parce qu'au défaut de l'eucharistie, les petits enfans ont le baptême, qui les incorpore à JésusChrist; au lieu que si le baptême leur manquoit, comme il n'y a point de sacrement précédent qui en supplée le défaut, le baptême sera pour eux d'une première et inévitable nécessité; ce qui ne

peut convenir à l'eucharistie, qui aura été prévenue par la sanctification du baptême.

CHAPITRE XIX.

Raison pour laquelle saint Augustin et les anciens n'ont pas été obligés de distinguer toujours si précisément la nécessité de l'eucharistie d'avec celle du baptéme.

APRÈS cela on n'a plus besoin de rendre raison du changement qui est arrivé dans l'Eglise sur la communion des enfans. Tout le monde voit de soi-même, que l'Eglise a pu, et la leur donnér dans leur enfance, comme un bien dont le baptême les rendoit capables, et ensuite, sans leur rien ôter de nécessaire au salut, la leur différer pour un temps plus propre, selon les vues différentes que sa prudence lui peut inspirer. Qu'y avoit-il de plus aisé à M. Simon que de conclure de là, que c'étoit ici une affaire, non de créance, comme il dit, mais de discipline, où la dispensation des mystères peut varier ? Il pouvoit voir à la fois et avec la même facilité, que dans le temps où la discipline portoit qu'on donnât ensemble les deux sacremens, il n'étoit pas nécessaire d'en distinguer toujours si précisément la vertu, non plus que la nécessité: il ne falloit qu'un peu de lumière, ou, au défaut de la lumière, un peu de bonne intention pour concilier par ces moyens les premiers et les derniers temps, l'ancienne Eglise avec la moderne. Mais les critiques à la mode de M. Simon, qui ne sont que des grammairiens, n'ont point de

lumière; et l'esprit de contradiction qui domine en eux contre l'Eglise et les Pères, leur ôte cette bonne intention.

CHAPITRE XX.

Que M. Simon n'a pas dú dire que les preuves de saint Augustin et de l'ancienne Eglise contre les pélagiens ne sont pas concluantes.

Au reste, tout ceci fait voir le but qu'il a eu de dire que les preuves de saint Augustin et de l'Eglise sur le péché originel ne sont pas concluantes, puisque celle du baptême prise en elle-même, ne souffre aucune réplique, et que celle de l'eucharistie, qui a sa difficulté particulière, ne laisse pas de conclure ce que vouloit saint Augustin, et avec lui l'ancienne Eglise. Leur dessein étoit de détruire la chimérique distinction que les pélagiens vouloient introduire entre le royaume des cieux, que Jésus-Christ promet par le baptême en saint Jean, ch. ш, ỳ. 5, et la vie éternelle qu'il promet en saint Jean, ch. vi, par le moyen de l'eucharistie. Mais étant d'une vérité incontestable que la vie, que l'eucharistie, qui est notre nourriture, nous conserve, est la même que celle que le baptême, qui est notre renaissance nous avoit donnée; par conséquent ces deux passages que les pélagiens opposoient l'un à l'autre, ne tendent visiblement qu'à la même fin, et nous promettent sous différens noms la même vie éternelle; d'autant plus qu'au même endroit de l'Evangile, où le royaume des cieux nous est promis dans

« PrécédentContinuer »