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tous les endroits où il traite cette matière, fait voir qu'il ne sait pas les premiers principes.

CHAPITRE VIII.

On réduit à deux chefs les erreurs que M. Simon attribue à saint Augustin sur le libre arbitre : premier chef, qui est l'efficace de la gráce.

Pour le montrer avec une évidence qui ne puisse laisser aucun doute, réduisons d'abord à deux chefs les erreurs qu'il attribue à saint Augustin sur le libre arbitre le premier chef regarde la manière dont ce Père fait agir Dieu dans les bonnes œuvres : le second regarde celle dont il le fait agir dans les mauvaises.

:

Dans les bonnes œuvres, ce que M. Simon, le censeur des Pères et l'arbitre de la doctrine a trouvé mauvais, c'est que saint Augustin ait établi une grâce qui nous fasse croire effectivement et à laquelle nul ne résiste, à cause qu'elle est donnée pour ôter l'endurcissement et la résistance. Mais c'est précisément une telle grâce que toute l'Eglise demande; et c'est par où il faut montrer à M. Simon qu'il ne peut ici s'opposer à saint Augustin, sans renverser le fondement de la piété avec celui de la prière.

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CHAPITRE IX.

On commence à proposer l'argument des prières de l'Eglise : quatre conséquences de ces prières, remarquées par saint Prosper, dont la dernière est que l'efficace de la grâce est de la foi.

DONNONS donc un peu de temps à rappeler dans la mémoire des lecteurs les prières ecclésiastiques, telles qu'elles se font par toute la terre, et en Orient comme en Occident, dès l'origine du christianisme, puisque c'est là ce qui établit, non-seulement l'efficace de la grâce chrétienne, mais encore d'article en article, et de conclusion en conclusion, avec tout le corps de la doctrine de saint Augustin sur la prédestination et sur la grâce, toute la consolation des vrais fidèles.

C'est aussi le principal argument dont saint Augustin appuie toute sa doctrine; et on le trouve proposé très-nettement dans les Capitules attachés à la lettre de saint Célestin, où saint Prosper, qu'on en croit l'auteur, expose quatre vérités (1): la première que les pasteurs du peuple fidèle, en : s'acquittant de la légation qui leur est commise envers Dieu, intercèdent pour le genre humain, et demandent, avec le concours de toute l'Eglise, que la foi soit donnée aux infidèles; que les idolâtres soient délivrés de leur impiété; que le voile soit ôté de dessus le cœur des Juifs, et que la vérité leur paroisse; que les hérétiques et les schismatiques re(1) Cap. 11.

viennent à l'unité de l'Eglise; que la pénitence soit donnée à ceux qui sont tombés dans le péché, et que les catéchumènes soient amenés au baptême. Dans toutes ces prières de l'Eglise, il est clair que c'est l'effet qu'on demande. On demande donc une grâce qui fasse croire effectivement, qui convertisse effectivement le cœur, qui est celle que M. Simon a osé nier.

La seconde vérité qu'expose saint Prosper ou l'auteur des Capitules, quel qu'il soit, c'est que ces choses, c'est-à-dire, la foi actuelle, la conversion actuelle des errans ou des pécheurs, ne sont pas demandées en vain et par manière d'acquit, perFUNCTORIE NEQUE INANITER, puisque l'effet s'ensuit, RERUM MONSTRATUR EFFECTIBUS; et que Dieu daigne attirer à lui toutes sortes d'errans, qu'il retire de la puissance des ténèbres, et qu'il fait des vases de miséricorde de vases de colère qu'ils étoient; ce qui prouve que le propre effet de cette grâce, tant demandée par toute l'Eglise, étoit de faire croire effectivement et de changer les cœurs.

La troisième vérité de saint Prosper est, que l'Eglise est si convaincue de cet effet de la grâce, qu'elle en fait à Dieu ses remercimens comme d'un ouvrage de sa main, reconnoissant de cette manière, que le propre ouvrage de Dieu est de changer actuellement les cœurs, et que tout ce bon effet vient de sa grâce; QUOD ADEO TOTUM DIVINI MUNERIS ESSE SENTITUR UT HÆC EFFICIENTI DEO GRATIARUM

SEMPER ACTIO REFERATUR.

Et enfin, la quatrième vérité que nous montre ce saint docteur, c'est que ce sentiment, par le

quel on reconnoît une grâce qui fait croire, qui fait agir, c'est-à-dire, qui convertit effectivement le cœur de l'homme, n'est pas une opinion particulière, mais la foi de toute l'Eglise ; puisque ces prières, venues de la tradition des apôtres, sont célébrées uniformément par toute l'Eglise catholique; d'où ce grand homme conclut, que sans aller chercher loin la loi de la foi, on la trouve dans la loi de la prière: UT LEGEM CREDENDI LEX

STATUAT SUPPLICANDI.

Le principe dont il appuie cette vérité, ne pouvoit pas être plus sûr; puisqu'il est certain que la foi est la source de la prière, et qu'ainsi ce qui anime la prière, ce qui en fait le motif, ce qui en dirige l'intention et le mouvement, est le principe même de la foi, dont par conséquent la vérité se déclare manifestement dans la prière.

CHAPITRE X.

Que les prières marquées par saint Prosper se trouvent encore aujourd'hui réunies dans les oraisons du Vendredi saint; et que saint Augustin, d'où saint Prosper a pris cet argument, les a bien connues.

CETTE preuve de la grâce qui fléchit les cœurs subsiste toujours dans l'Eglise, comme on le peut voir dans les prières qu'elle adresse continuellement à Dieu; et sans avoir besoin de les recueillir de plusieurs endroits, nous trouvons celles dont parle saint Prosper ramassées dans l'office du Vendredi saint, où l'on demande à Dieu la conversion actuelle

et effective des infidèles, des hérétiques, des pécheurs, non-seulement dans le fond, mais encore dans le même ordre, du même style, et avec les mêmes expressions que ce saint homme a remarquées; et saint Augustin, dont il a pris cet argument, y ajoute une circonstance : c'est qu'afin de mieux marquer l'effet de la grâce, et y rendre le peuple plus attentif, la prière étoit précédée d'une exhortation que le prêtre faisoit à l'autel à tout le peuple, afin qu'il priát, pour les incrédules, que Dieu les convertit à la foi; pour les catéchumènes, qu'il leur inspirât le désir de recevoir le baptême, et pour les fidèles, qu'ils persévérassent par sa grâce dans le bien qu'ils avoient commencé (1); qui sont les exhortations qu'on fait encore aujourd'hui au Vendredi saint, où le prêtre commence ainsi la prière qu'il va faire au nom du peuple : OREMUS PRO CATECHUMENIS, etc. OREMUS ET PRO HÆRETICIS, etc. Prions, mes bien-aimés, pour les catéchumènes, que Dieu ouvre les oreilles de leurs cœurs, afin qu'ils viennent au baptême : prions pour les hérétiques, qu'il les retire de leur erreur: prions pour les idolâtres, que Dieu leur ôte leur iniquité, et les convertisse à lui, etc. Ces exhortations suivies des prières que nous faisons aujourd'hui tout de suite à un certain jour, qui est le Vendredi saint, étoient alors ordinaires dans l'Eglise, comme elles le sont encore dans l'Eglise grecque, avec cette différence qu'elles se font par le diacre, au lieu que saint Augustin remarque qu'elles se faisoient par le prêtre même à l'autel, ainsi qu'on le voit encore dans l'of(1) Epist. ad Vital. ccxvn. al. CVII.

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