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Occident; et saint Prosper a raison de dire avec saint Augustin, que la loi de prier établissoit ce qu'il falloit croire.

M. Simon reprend ce saint homme de ce qu'il établit la grâce efficace par cette manière secrète, dont on entend au dedans le Père céleste, et dont on y apprend sa vérité. Mais saint Chrysostôme l'explique de même, en montrant que ceux-là apprennent et sont véritablement enseignés de Dieu (1), à qui il a mis dans le cœur, selon l'expression du prophète, une oreille qui écoute; puisqu'alors ce n'est point des hommes, ni du mattre qui est sur la terre qu'on apprend, mais on est enseigné de Dieu, et l'instruction vient d'en-haut; ce qu'il prouve par ce qu'on ajoute dans la prière : et que Dieu répande au dedans la parole de vérité : au dedans, dit-il, parce qu'on n'a point véritablement appris jusqu'à ce qu'on ait appris de cette sorte; qui est aussi précisément ce qu'enseigne saint Augustin, et ce qu'il prouve par les mêmes passages, tant des prophètes que de l'Evangile, le confirmant par ce bel endroit de saint Paul (2): Je n'ai pas besoin de vous instruire sur la charité fraternelle, puisque vous avez déjà appris de Dieu à vous aimer les uns les autres, car vous le faites; ce qui montre, dit saint Augustin, le effet de cette grâce spéciale, par laque propre quelle Dieu nous enseigne, est qu'on en vienne à l'effet; et c'est aussi ce que la prière apprenoit à saint Chrysostôme.

Et tant s'en faut que ce saint docteur soupçonnât que cette prière, et la vertu de la grâce qu'on

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y demandoit, affoiblissent le libre arbitre, qu'il s'en sert au contraire pour l'établir; puisqu'il trouve tout ensemble dans la prière, et l'instruction de ce qu'on doit faire librement pour plaire à Dieu, et le secours qu'on doit demander pour l'exécuter. On verra dans tout le discours de saint Chrysostôme, qu'il fait toujours marcher ensemble ces deux choses; et saint Augustin n'a pas un autre esprit, lorsqu'il enseigne que le commandement et la prière sont unis ensemble; puisque nous ne devons demander à Dieu que ce qu'il commande, comme il ne commande rien que ce dont il nous ordonne de lui demander l'actuel accomplissement; en sorte, ditil, que le précepte n'est qu'une invitation à prier, comme la prière est le moyen sûr d'obtenir l'accomplissement du précepte.

CHAPITRE XIV.

Abrégé du contenu dans les prières, où se trouvent de mot à mot toute la doctrine de saint Augustin, et la foi de toute l'Eglise sur l'efficace de la grâce.

Il n'y a donc plus qu'à recueillir, en peu de paroles, les prières de l'Eglise pour y voir ce qu'elle a cru de l'efficace de la grâce. On demande à Dieu la foi et la bonne vie, la conversion, qui comprend le premier désir et le commencement de bien faire; la continuation, la persévérance, la délivrance actuelle du péché; par d'autres façons de parler, toujours de même sens et de même force, on lui demande qu'il donne de croire, qu'il donne d'aimer,

qu'il donne de persévérer jusqu'à la fin dans son amour: on lui demande qu'il fasse qu'on croie, qu'il fasse qu'on aime, qu'il fasse qu'on persévère. L'effet qu'on attend de cette prière, n'est pas seule⚫ment qu'on puisse aimer, qu'on puisse croire; mais que Dieu agisse de sorte qu'on aime, qu'on croie. Or c'est un principe certain de saint Augustin, mais évident de soi-même, qu'on ne demande à Dieu que ce qu'on croit qu'il fait; autrement, dit le même Père, la prière seroit illusoire, IRRISORIA: faite vainement et par manière d'acquit, PERFUncTORIE, INANITER. On croit donc sérieusement et de bonne foi que Dieu fait véritablement tout cela, et ces demandes sont fondées sur la foi. On les fait en Occident comme en Orient et dès l'origine du christianisme; c'est donc la foi de tous les temps, comme celle de tous les lieux: QUOD UBIQUE QUOD SEMPER, et en un mot, la foi catholique.

CHAPITRE XV.

Conséquence de saint Augustin: la discussion des Pères peu nécessaire: la prière suffisante pour établir la prévention et l'efficace de la gráce.

On voit maintenant la raison qui a fait dire à saint Augustin qu'il n'étoit pas nécessaire d'examiner les écrits des Pères sur la matière de la grâce, sur laquelle ils ne s'étoient expliqués que brièvement et en passant, TRANSEUNTER ET BREVITER (1). Mais ils n'avoient pas besoin de s'expliquer davantage, (1) De præd. SS. c. xiv. n. 27.

non plus que nous d'entrer plus profondément dans cette discussion, puisque sans tout cet examen, les prières de l'Eglise montroient simplement ce que pouvoit la grâce de Dieu; ORATIONIBUS AUTEM EcCLESIÆ SIMPLICITER APPAREBAT DEI GRATIA QUid vaLERET (1). Remarquez ces mots : quid valeret, ce que la grâce pouvoit; c'est-à-dire, que ces prières nous en découvroient, non-seulement la nécessité, mais encore la vertu et l'efficace; et ces qualités de la grâce, dit saint Augustin, paroissent fort nettement et fort simplement dans la prière, SIMPLICITER. Ce n'est pas qu'elles ne paroissent dans les écrits des saints Pères, où le même saint Augustin les a si souvent trouvées; mais c'est que cette doctrine du puissant effet de la grâce ne paroissoit si pleinement, si nettement, si simplement nulle part que dans les prières de l'Eglise. Quand on prie, on sent clairement et dans une grande simplicité, non-seulement la nécessité, mais encore la force de la prière et de la grâce qu'on y demande pour fléchir les cœurs. Dans la plupart des discours des Pères, comme ils disputent contre quelqu'un qui n'est attentif qu'à prendre ses avantages, ils craignent de dire ou trop ou trop peu; mais dans la prière, ou publique ou particulière, chacun est entre Dieu et soi : on épanche son cœur devant lui, et sans craindre que quelque hérétique abuse de son discours, on dit simplement à Dieu ce que son esprit fait sentir.

(1) De præd. SS. c. xiv. n. 27.

CHAPITRE XVI.

Erreur de M. Simon de louer saint Chrysostome de n'avoir point parlé de grâce efficace. Les prières la prouvent sans disputer.

Ç'a donc été à M. Simon une erreur grossière et une pernicieuse ignorance d'avoir loué saint Chrysostôme de ne parler point de grâce efficace. Quand il n'en auroit point parlé dans ses discours, ce qui n'est pas, il en a parlé dans ses prières. Il a très-bien entendu, comme on vient de voir, qu'il en parloit, et il en parloit simplement, puisqu'il en parloit à Dieu dans l'effusion de son cœur. Ce n'est pas ici une matière où l'Eglise ait besoin de laborieuses disputes, et comme dit saint Augustín, elle n'a, sans disputer, qu'à être attentive aux prières qu'elle fait tous les jours: PRORSUS IN HAC RE NON OPEROSAS DISPUTATIONES EXPECTET ECCLESIA, SED ATTENDAT QUOTIDIANAS ORATIONES SUAS (1).

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CHAPITRE XVII.

Erreur de s'imaginer que Dieu ôte le libre arbitre en le tournant où il lui plaít: modèle des prières de l'Eglise dans celle d'Esther, de David, de Jérémie, et encore de Daniel.

NOTRE auteur croit bien raffiner lorsqu'il dit que ces expressions que Dieu donne et que Dieu fait, (1) De don. pers. c. vii. n. 15.

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