Images de page
PDF
ePub

CHAPITRE XXI.

La prière vient autant de Dieu que les autres bonnes

actions.

Er pour achever de donner à Dieu la gloire de tout le bien, il faut ajouter que la prière, qui nous fait voir que tout vient de Dieu par cette grâce qui fléchit les cœurs, nous fait voir en même temps qu'elle-même est un des fruits de cette grâce. Saint Augustin l'a prouvé par des preuves incontestables; et saint Ambroise disoit, avant lui, que prier étoit encore un effet de la grâce spirituelle, qui, selon lui, fait pieux qui elle veut (1). L'Ecriture y est expresse. Il est écrit dans le prophète (2): En ces jours je répandrai dans la maison de David, et sur les habitans de Jérusalem l'esprit de grâce et de prière; et quel sera l'effet de cet esprit? qu'ils me regarderont, moi qu'ils ont percé, et se frapperont la poitrine, et s'affligeront comme on fait pour la mort d'un fils unique. Toute la terre sera en pleurs, famille à famille : la famille de David d'un côté : la famille de Nathan de l'autre : la famille de Lévi et des autres; tant est tendre, tant est efficace cet esprit de gémissement, de prière et de componction que Dieu répandit sur son peuple, ou celui qu'il y répandra un jour, lorsque les Juifs tourneront les yeux vers ce Dieu qu'ils ont percé.

L'efficace de cet esprit paroît encore bien claire(3) Zach. XII. II.

(1) Ambros. ap. Aug. de dono pers. c. XXII.

ment dans ces paroles de saint Paul: L'esprit prie pour nous avec des gémissemens inexplicables (1). Qu'on l'entende comme on voudra, ou avec saint Augustin et les autres Pères, du Saint-Esprit, dont l'apôtre venoit de dire: L'esprit aide notre foiblesse (2), ou d'une certaine disposition que le SaintEsprit met dans les cœurs, à quoi saint Chrysostôme semble pencher, la preuve est égale; puisque c'est toujours, ou le Saint-Esprit qui forme la prière dans ceux qui la font, ou le même Saint-Esprit qui met dans les cœurs la disposition d'où elle suit. La première interprétation est la meilleure; puisque c'est du Saint-Esprit dont parle l'apôtre dans tous les versets précédens, et en particulier dans celui où il est dit que nous avons reçu l'esprit d'adoption, en qui nous crions, Abba, Père (3); ce que le même saint Paul explique ailleurs, en disant (4) Parce que vous êtes enfans de Dieu, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'esprit de son Fils, qui crie Abba, Père. L'esprit du Fils, est le SaintEsprit qui crie en nous, Abba, Père; c'est-à-dire, qui nous fait pousser ce cri salutaire ; ce qui montre l'efficace de son impulsion. Car de même que lorsqu'il est dit: Ce n'est pas vous qui parlez, mais l'esprit de votre Père qui parle en vous (5), cette expression signifie l'efficace du Saint-Esprit, qui nous fait parler, ou comme Jésus-Christ l'explique dans le même endroit, qui dans l'heure même, et sans que nous ayons besoin d'y penser, nous donne ce qu'il nous faut dire; de même lorsqu'il est dit

[blocks in formation]

que l'esprit crie, qu'il prie, qu'il gémit en nous la force de cette expression dénote le divin instinct, qui nous inspire ces cris et ces pieux gémissemens; et comme raisonne très-bien saint Augustin (1): « Qu'est-ce à dire que l'esprit crie, si ce n'est qu'il » nous fait crier; ce que l'apôtre explique en un >> autre endroit lorsqu'il dit : Nous avons reçu l'es» prit d'adoption en qui nous crions, et par lequel >> nous crions: là il dit que l'esprit crie; ici que >> nous crions par lui, déclarant par-là que lorsqu'il a dit qu'il crie, il veut dire qu'il fait crier ; » d'où nous concluons que cela même est un don » de Dieu de crier à lui et de l'invoquer d'un cœur » véritable : par où sont condamnés ceux qui pré» tendent que c'est de nous-mêmes que nous de» mandons, que nous cherchons, que nous frappons, » afin qu'il nous ouvre, et ne veulent pas entendre » que cela même est un don de Dieu de prier, de » chercher, de frapper; puisque c'est l'effet de l'esprit par qui nous crions à Dieu, et par qui nous » le réclamons comme notre Père ».

[ocr errors]

On nous dira que quelques Pères grecs, comme saint Chrysostôme et Théodoret, entendent cet esprit, non d'une grâce ordinaire, mais d'un don extraordinaire de prier, qui étoit infus à certaines personnes à qui il étoit donné, par un instinet particulier, de faire dans les assemblées ecclésiastiques certaines prières, que le Saint-Esprit leur dictoit pour l'instruction de toute l'Eglise; grâce que Théodoret assure qui duroit de son temps. Mais tout cela ne diminue rien de notre preuve; puisqu'il (1) De dono persever. c. xx111. n. 64. Ep. cxciv. al. cv. ad Sixt.

sera toujours vrai que le Saint-Esprit n'ôtoit point le libre arbitre à ceux à qui il dictoit intérieurement ces prières, il ne l'ôte donc pas non plus à ceux à qui il inspire la volonté d'y consentir. Le même saint Chrysostôme nous enseigne que les diacres succèdent à ceux qui faisoient ces prières, et qu'ils en font la fonction, lorsqu'ils exhortent les fidèles à prier pour telles et telles choses; de sorte que ce don extraordinaire, quand on voudroit présupposer que c'est d'un tel don que parle saint Paul, auroit tourné en grâce ordinaire; en sorte qu'il demeureroit également véritable que le Saint-Esprit dicte les prières de l'Eglise, et dicte en particulier l'exhortation du diacre, qui est, comme on a vu, un commencement de la prière ecclésiastique. Enfin, cette autre parole de saint Paul: Parce que nous sommes enfans de Dieu, Dieu a envoyé en nous l'esprit de son Fils qui crie: Notre Père, n'est pas un don extraordinaire et une de ces grâces gratuites qui tiennent quelque chose du miracle, mais comme on voit, une suite naturelle de l'esprit d'adoption, qui est la grâce commune à tous les fidèles; en sorte que tous ceux qui prient ont, en qualité d'enfans de Dieu, un don efficace de prier, par lequel don, comme parle saint Augustin (1), Dieu leur imprime dans le cœur, avec la foi et la crainte, non-seulement l'affection, mais encore l'effet de prier; c'est-à-dire, sans difficulté, l'acte même de la prière, IMPERTITO ORATIONIS af

FECTU ET EFFECTU.

(1) Epist. ad Sixt. mox cit.

CHAPITRE XXII.

On prouve par la prière que la prière vient de Dieu.

CEs témoignages de l'Ecriture sont démonstratifs; mais la prière elle-même nous fournit un argument plus abrégé pour établir la puissance de la grâce qui nous fait prier. C'est qu'on demande l'esprit de prière, l'esprit de componction par lequel on prie. Comme on dit à Dieu, faites-nous croire, faites-nous aimer, faites-nous mener une vie sainte, on lui dit aussi: faites-nous prier, faites-nous demander ce qu'il vous plaît; FAC EOS QUÆ TIBI SUNT PLACITA POSTulare. L'Eglise grecque le demande comme la latine (1): Faites-nous la grâce, ó Seigneur, d'oser vous dire avec confiance, et sans crainte d'être condamnés, notre Père qui êtes dans les cieux. Dans la messe de saint Basile, et dans celle de saint Chrysostôme (2) Faites-nous dignes de vous invoquer par la vertu du Saint-Esprit, et avec une pure conscience; et encore: Accordez-nous cette grâce que nous vous invoquions avec confiance, et vous disions: Notre Père, etc.

La même chose paroît presqu'en mêmes termes, dans la messe de saint Jacques, et dans celle de saint Marc (3) on voit partout ce terme mystique, qui de tout temps en Occident comme en Orient, précède l'Oraison dominicale: AUDEMUS DICERE, nous osons dire; mais l'Orient a marqué plus expressé

(1) Basil. Miss. p. 57. — (2) P. 72. — (3) P. 18, 38.

« PrécédentContinuer »