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ment que cette pieuse audace, d'appeler Dieu notre Père, nous vient de la grâce du Saint-Esprit, dont saint Paul disoit tout à l'heure, que c'est lui qui crie en nous; c'est-à-dire, qui nous fait crier que Dieu est notre Père.

On trouve aussi dans la messe de saint Chrysostôme (1): Vous qui nous donnez ces prières communes et unanimes, daignez aussi les exaucer; par où paroît encore cette excellente doctrine, que ce qui fonde l'espérance que nous ressentons en nos cœurs d'être exaucés, c'est que nous n'offrons à Dieu que les prières qu'il nous fait faire, ce qui est précisément la même chose que demande l'Eglise, en disant: Seigneur, ouvrez les oreilles à nos prières, et afin que nous obtenions ce que vous nous promettez, faites-nous demander ce qui vous plaît: PATEANT AURES, etc.

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C'est donc la foi de l'Eglise catholique, qu'il faut demander à Dieu tous les actes de notre liberté, jusqu'à la prière, par où l'on obtient tous les autres; et par conséquent qu'il les forme tous, et qu'il forme en particulier et par une grâce spéciale l'acte de prier dans ceux qui le font. C'est pourquoi on lui en rend grâces conformément à cette parole de saint Paul (2) Je rends grâces à Dieu de ce que nuit et jour je me souviens continuellement de vous. Qui rend grâces à Dieu de ce qu'il prie nuit et jour, lui rend grâces du premier moment comme de la suite, puisque sans doute ce premier moment est le commencement de ces jours et de ces nuits si heureusement passés dans la prière.

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(1) P. 67. — (2) II. Tim. 11. 2.

CHAPITRE XXIII.

L'argument de la prière fortifié par l'action de graces.

Er en effet, cette preuve de l'efficace du secours divin paroît encore plus forte, si l'on joint l'action de grâces, qui est une des principales parties de la prière, avec les demandes qu'on y fait. Voici comment saint Augustin a formé en divers endroits cet argument. On ne demande pas à Dieu un simple pouvoir de bien faire, mais l'effet et l'acte même, et on est si persuadé qu'il ne se fait rien de bien sans ce secours, qu'on, se croit obligé, quand le bien s'est fait, d'en rendre grâces à Dieu. Je le prouve par ce passage de saint Paul aux Ephésiens (1): Entendant parler de votre foi et de l'amour que vous avez pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâces pour vous, me souvenant de vous dans mes prières; et à ceux de Thessalonique: Nous ne cessons de rendre grâces à Dieu de ce qu'ayant reçu de nous sa parole, vous l'avez reçue, non comme la parole des hommes, mais comme celle de Dieu, ainsi qu'elle est en effet. S'il ne s'est rien fait de particulier dans ceux qui ont cru, pourquoi en offrir à Dieu des actions de grâces particulières? Ce seroit là, dit saint Augustin (2), une flatterie ou une dérision plutôt qu'une action de grâces: adulatio vel IRRISIO POTIUS QUAM GRATIARUM ACTIO. Il n'y a rien de plus vain, poursuit ce Père, que de rendre grâces

(1) Ephes. 1. 15. — (2) De præd. SS. c. xix.

à Dieu de ce qu'il n'a point fait. Mais parce que ce n'est pas sans raison que saint Paul a rendu graces à Dieu, de ce que ceux de Thessalonique avoient reçu l'Evangile, comme la parole, non des hommes, mais de Dieu, il est sans doute que Dieu a fait cet ouvrage. C'est lui donc qui a empéché que les Thessaloniciens n'aient reçu l'Evangile comme une parole humaine, et qui leur a inspiré (par cette grâce qui fléchit les cœurs) la volonté de le recevoir comme la parole de Dieu.

CHAPITRE XXIV.

La méme action de graces dans les Grecs, que dans saint Augustin: passages de saint Chrysostome.

L'EGLISE grecque, comme la latine, a rendu à Dieu ces pieuses actions de grâces pour tout le bien que faisoient les hommes. « Rendons grâces à Dieu, » dit saint Chrysostôme (1), non-seulement pour notre » vertu, mais encore pour la vertu des autres : ren>> dons-lui grâces pour la confiance que les autres » ont en lui; et ne dites pas, pourquoi le remercier » de cette bonne action qui n'est pas mienne? Vous » lui devez rendre grâces de ces bons sentimens » d'un de vos membres ». C'est donc une œuvre de Dieu que nos frères fassent bien; nous devons lui. en rendre grâces comme d'un bienfait qui vient de lui, et compter parmi ses ouvrages ce que nous faisons, puisque c'est lui qui le fait en nous. Le même

(1) Hom. u. in 11. ad Cor.

saint Chrysostôme parle ainsi en un autre endroit : Je sais, dit-il (1), un saint homme qui prioit de cette » sorte Seigneur, nous vous rendons grâces pour » les biens que nous avons reçus de vous, sans que » nous l'ayons mérité, depuis le commencement de » notre vie, jusqu'à présent: oui, Seigneur, pour » ceux que nous savons, et pour ceux que nous ne >> savons pas; pour tous ceux qu'on nous a faits par » œuvres ou par paroles, volontairement et invo>> lontairement; pour les afflictions, pour les rafraî>> chissemens qui nous sont venus; pour l'enfer (^), » pour le royaume des cieux. Remarquez comment » il rend grâces de tout le bien que les hommes » lui ont fait, ou par œuvres, ou par paroles, vo>>lontairement ou involontairement », en comptant cette bonne volonté des autres, quoique sortie bien certainement de leur libre arbitre, comme un don de Dieu qui les meut. Il montre donc que Dieu fait en nous-mêmes le libre mouvement de nos cœurs; et finit ainsi sa prière : « Nous vous prions, Sei» gneur, de nous conserver une ame sainte, une » bonne conscience et une fin digne de votre bonté : >> vous qui nous avez tant aimés, que vous nous » avez donné votre Fils; rendez-nous dignes de votre

(1) Hom. x. ad Coloss. n. 3.

(a) Le mot grec que l'illustre auteur rend par celui d'enfer, n'est pas susceptible, comme le mot latin infernus, de différentes interprétations, et signifie précisément le lieu où souffrent les damnés. Ainsi, l'on doit dire que le saint homme, qui rendoit grâces à Dieu pour l'enfer et pour le royaume des cieux, se proposoit uniquement de glorifier la justice et la miséricorde de Dieu. On ne pourroit concevoir sans cette explication, ce que signifient ces actions de graces rendues pour l'enfer. Edit. de Paris.

» amour, ô Jésus-Christ, Fils unique de Dieu; faites>> nous trouver la sagesse dans votre parole et dans » votre crainte, etc. » C'est ainsi qu'on demande à Dieu ce qu'on fait soi-même, et qu'aussi on lui en rend grâces comme d'une chose qui vient de lui. Il ' y a un instinct dans l'Eglise pour demander à Dieu, chacun pour soi, et tous pour tous, non pas le simple pouvoir, mais le faire : il y a encore un instinct pour lui rendre une action de grâces particulière du bien que font ceux qui font bien. On ressent donc qu'ils ont reçu un don particulier de bien faire. On ne croit pas pour cela que leur libre arbitre soit affoibli, à Dieu ne plaise, ni que la prière. lui nuise. Cet instinct vient de l'esprit de la foi, puisqu'il est dans toute l'Eglise. C'est donc un dogme constant et un article de foi, que sans blesser le libre arbitre, Dieu le tourne comme il lui plaît, par les voies qui lui sont connues.

CHAPITRE XXV.

Ni les semi-pelagiens, ni Pelage méme ne nioient pas que Dieu ne pút tourner où il vouloit le libre arbitre; si c'étoit le libre arbitre méme qui donnoit à Dieu ce pouvoir, comme le disoit Pélage: excellente réfutation de saint Augustin.

La doctrine qui reconnoît Dieu pour infaillible moteur du cœur humain, est si constante dans l'Eglise, que les semi-pélagiens, tout attachés qu'ils étoient à élever le libre arbitre au préjudice de la grâce, ne l'ont pas nié; au contraire, ils l'outrent

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