Images de page
PDF
ePub

On voit par-là que les auteurs, qui sont le moins soupçonnés d'outrer l'efficace de la grâce, la reconnoissent dans le fond leurs sentimens sont unanimes sur cela, et ils concourent, comme nous verrons, à les trouver dans saint Augustin. Ce Père, en effet, n'en a jamais demandé davantage; c'est-àdire, comme on a vu, qu'il n'a jamais demandé que ce que l'Eglise demande elle-même, dans tous les temps et dans tous les lieux; et ainsi la manière toute-puissante dont Dieu agit dans le bien, selon la doctrine de ce Père, quoi qu'en ait pu dire M. Simon, est reçue de toute l'Eglise catholique. Mais nous avons encore à démontrer que cet auteur n'est pas moins aveugle, lorsqu'il blâme la manière dont ce saint docteur fait agir Dieu dans le mal.

38

BOSSUET. V.

LIVRE ONZIÈME.

Comment Dieu permet le péché selon les Pères grecs et latins: confirmation par les uns comme par les autres, de l'efficace de la grâce.

CHAPITRE PREMIER.

Sur quel fondement M. Simon accuse saint Augustin de favoriser ceux qui font Dieu auteur du péché : passage de ce Père contre Julien.

POUR accuser saint Augustin de faire Dieu auteur du péché (1), notre critique se fonde principalement sur un passage de ce saint, au livre v contre Julien, chap. III, et voici comment il en parle. << Il paroît je ne sais quoi de dur dans l'explication » qu'il apporte de ces paroles de saint Paul : TRA» DIDIT ILLOS DEUS, etc. Dieu les a livrés à leurs » désirs, etc., et de plusieurs autres expressions » semblables, tant du vieux que du nouveau Testa>> ment: il semble insister trop sur le mot de TRA>> DIDIT, comme si Dieu étoit en quelque manière la >> cause de leur abandonnement et de l'aveuglement » de leur cœur ». Sur ce fondement, notre auteur commence à faire des leçons à saint Augustin sur ce qu'il devoit accorder ou nier aux pélagiens. « Il » pouvoit, dit-il, recevoir l'adoucissement que les

(1) P. 299.

[ocr errors]
[ocr errors]

pélagiens donnoient à cette façon de parler, qui >> est assurément ordinaire dans l'Ecriture. Lors» qu'ils sont livrés, disoit Julien, à leurs désirs, il >> faut entendre qu'ils y sont laissés par la patience » de Dieu, et non poussés au péché par sa puis»sance, relicti per divinam patientiam intelligendi » sunt, et non per potentiam in peccatum compulsi. >> Il parloit en cela le langage des anciens Pères, » comme on l'a pu voir dans leurs interprétations qu'on a rapportées ci-dessus. Saint Augustin, au >> contraire, leur a opposé plusieurs passages dont » les gnostiques et les manichéens se sont servis » contre les catholiques; mais il n'en tire pas les » mêmes conséquences. Peut-être eût-il été mieux » de suivre en cela les explications reçues, que d'en » inventer de nouvelles ». Avec toutes les dissimulations et les tours ambigus dont il tâche de couvrir sa malignité, il résulte deux choses de son discours : l'une, que la doctrine de Julien reprise par saint Augustin étoit celle des anciens Pères; et l'autre, que ce saint docteur a inventé de nouvelles explications, par lesquelles sont favorisés ceux qui font Dieu auteur du péché, et cause de l'aveuglement et de l'abandonnement des hommes (1). Il porte encore les choses plus loin en d'autres endroits, et il n'oublie rien pour faire d'un si grand docteur, aussi bien de saint Thomas, un fauteur du lutheranisme.

que

Il ne s'agit pas ici de déplorer la malignité ou l'aveuglement d'un homme, qui, sous prétexte d'insinuer de meilleurs moyens de soutenir la cause de l'Eglise, que ceux dont se sont servis ses plus illus(1) P. 475.

tres défenseurs, ose donner un patron de l'importance de saint Augustin à ceux qui blasphêment contre Dieu. Laissant à part ces justes plaintes, il faut montrer à M. Simon que saint Augustin n'a rien dit que de vrai, que de nécessaire, rien qui lui soit particulier, et que les autres saints docteurs n'aient été obligés de dire, et avant et après lui.

CHAPITRE II.

Dix vérités incontestables par lesquelles est éclaircie et démontrée la doctrine de saint Augustin en cette matière : première et seconde vérités : que ce Père avec tous les autres ne reconnoît point d'autre cause du péché le libre arbitre de la créature, ni d'autre moyen à Dieu poury agir, que de le permettre.

que

PREMIÈREMENT donc, il est certain que saint Augustin convient avec tous les Pères qu'on ne peut dire sans impiété que Dieu soit la cause du mal. Personne n'a mieux démontré que la cause du péché, si le péché en peut avoir, ne peut être que le libre arbitre, et c'est le sujet de tous ses livres contre les manichéens; ce qui est si certain, que ce seroit perdre le temps que d'en entreprendre la preuve.

Secondement, saint Augustin a conclu de là avéc tous les Pères, que Dieu permet seulement le péché. Aucun docteur n'a mieux démontré ni plus inculqué cette vérité, même dans ses livres contre les pélagiens. C'est contre les pélagiens qu'est écrite la lettre à Hilaire, où il parle ainsi (1); « Ne nous in(1) Ep. CLVI. al. LXXXIX. n. 5.

» duisez pas en tentation, c'est-à-dire, ne permet» tez pas que nous soyons induits en nous abandon»> nant, NE NOS INDUCI DESerendo permiTTAS », ce qu'il prouve par ce passage de saint Paul (1): Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces. C'est contre les pélagiens qu'est écrit le livre du Don de la Persévérance, où il rapporte et approuve cette interprétation de saint Cyprien (2): « Ne nous induisez pas en tenta» tion; c'est-à-dire, ne souffrez pas que nous soyons » induits, NE PATIARIS NOS INDUCI; ce qu'il confirme » en ajoutant lui-même : Que voulons-nous dire en » disant ne nous induisez pas en tentation, NE nos INFERAS, si ce n'est : Ne permettez pas que nous y » soyons induits, NE NOS INFERri sinas » ?

[ocr errors]

CHAPITRE III.

Troisième vérité, où l'on commence à expliquer les permissions divines: différence de Dieu et de l'homme : que Dieu permet le péché, pouvant l'empécher.

Pour expliquer plus à fond cette doctrine des permissions divines, il faut observer en troisième lieu, qu'il n'en est pas de Dieu comme des hommes, qui sont souvent contraints de permettre des péchés, parce qu'ils ne peuvent les empêcher; mais ce n'est pas ainsi que Dieu les permet. Qui peut croire, dit saint Augustin, qu'il n'étoit pas au pouvoir de Dieu d'empêcher la chute des hommes et des anges? Sans doute il le pouvoit faire, et peut encore (1) I. Cor. x. 13.. (2) De dono persev. c. VI.

« PrécédentContinuer »