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empêcher tous les péchés que font les hommes, et même sans blesser leur libre arbitre; puisque nous avons vu qu'il en est le maître. Saint Chrysostôme en convient avec saint Augustin, et l'Orient avec l'Occident; puisqu'ainsi que nous avons remarqué, tout l'Orient lui demande qu'il fasse bons les mauvais, qu'il fasse demeurer les bons dans leur bonté, et qu'il nous fasse tous vivre sans péché. Il pourroit donc empêcher tous les péchés, et convertir tous les pécheurs, en sorte qu'il n'y eût plus de péché; et s'il ne le fait pas, ce n'est pas qu'il ne le puisse avec une facilité toute-puissante; mais c'est que, pour des raisons qui lui sont connues, il ne le veut point.

CHAPITRE IV.

Quatrième vérité, et seconde différence de Dieu et de l'homme que l'homme péche en n'empêchant pas le péché lorsqu'il le peut; et Dieu, non: raison profonde de saint Augustin.

De là suit une quatrième vérité qui n'est pas moins incontestable, ni moins importante; qu'il y a encore cette différence entre Dieu et l'homme, que l'homme n'est pas innocent, s'il laisse commettre le péché qu'il peut empêcher, et que Dieu, qui le pouvant empêcher sans qu'il lui en coutât rien que de le vouloir, le laisse multiplier jusqu'à l'excès que nous voyons, est cependant juste et saint; quoiqu'il fasse, dit saint Augustin (1), ce que, si l'homme le

(1) Oper. imp. l. 111. cap. xx, XXIV, XXVII.

faisoit, il seroit injuste. Pourquoi, dit le même Père (1), si ce n'est que les règles de la justice de Dieu et celles de la justice de l'homme sont bien différentes? Dieu, poursuit-il, doit agir en Dieu, et l'homme en homme. Dieu agit en Dieu, lorsqu'il agit comme une cause première, toute-puissante et universelle, qui fait servir au bien commun ce que les causes particulières veulent et opèrent de bien ou de mal; mais l'homme, dont la foiblesse ne peut faire dominer le bien, doit empêcher tout le mal qu'il peut.

Telle est donc la raison profonde par laquelle Dieu n'est pas obligé d'empêcher le mal du péché : c'est qu'il peut en tirer un bien, et même un bien infini; par exemple, du crime des Juifs, le sacrifice de son Fils, dont le mérite et la perfection sont infinis. Comme donc il ne peut s'ôter à lui-même ni le pouvoir d'empêcher le mal, ni celui d'en tirer le bien qu'il veut, il use de l'un et de l'autre par des règles qui ne doivent pas nous être connues, et il nous suffit de savoir, comme dit encore saint Augustin (2), que plus sa justice est haute, plus les règles dont elle se sert sont impénétrables.

(1) Oper. imp. 2. 111. cap. XXVII. —

(2) Ibid.

cap, XXIV.

CHAPITRE V.

Cinquième vérité : une des raisons de permettre le péché est que sans cela la justice de Dieu n'éclateroit pas autant qu'il veut, et que c'est pour cette raison qu'il endurcit certains pécheurs.

Les hommes veulent bien entendre les permissions du péché qui tournent à leur avantage; par exemple du péché des Juifs, pour leur donner un Sauveur, du péché de saint Pierre, pour le rendre plus humble, de tous les péchés, quels qu'ils soient, pour faire davantage éclater la grâce. Mais quand on vient à leur dire que Dieu permet leurs péchés pour faire éclater sa justice; comme cette permission tend à les faire souffrir, leur amour-propre s'y oppose. Il n'en faut pas moins reconnoître cette cinquième vérité : que Dieu permet le péché, parce que sans cette permission il n'y auroit point de justice vengeresse, et qu'on ne connoîtroit pas la sévérité de Dieu, qui est aussi adorable et aussi sainte que sa miséricorde. C'est donc pour faire éclater cette justice qu'il endurcit le pécheur, et qu'il a dit à celui qui est un si grand exemple de cet endurcissement: Je vous ai suscité, pour faire éclater en vous ma toute-puissance (celle que j'exerce dans la punition des crimes), et pour que mon nom soit renommé par toute la terre (1). C'est Moïse qui a rapporté le premier cette parole que Dieu adressoit à

(1) Exod. Ix. 16.

Pharaon, et l'on sait avec quelle force elle a été répétée par l'Apôtre (1).

CHAPITRE VI.

Sixième vérité établie par saint Augustin comme par tous les autres Pères, qu'endurcir du côté de Dieu n'est que soustraire sa gráce: calomnie de M. Simon contre ce Pére.

Il est vrai que saint Augustin a été plus obligé que les autres Pères à combattre pour cette justice qui endurcit et qui punit les pécheurs; mais c'est à M. Simon une calomnie de lui imputer pour cela de faire Dieu comme la cause de cet endurcissement et de l'abandonnement des pécheurs; puisqu'au contraire il enseigne (2) « que la mauvaise volonté de >> l'homme ne peut avoir d'autre auteur que l'homme » en qui elle se trouve »; et pour expliquer l'endurcissement, il avance dans la lettre à Sixte une sixième vérité (3), qui sert de principe et de dénouement à toute l'Ecole dans cette matière. « Il en» durcit, non en donnant la malice, mais en ne >> donnant la miséricorde : OBDURAT NON IMPER

pas

» TIENDO MALITIAM, SED NON IMPERTIENDO MISERICOR

» DIAM ». Saint Augustin, non content de répéter en cinq cents endroits cette vérité, a fait des discours entiers pour l'établir; et l'on voudroit cependant nous faire accroire qu'il enseigne une autre doctrine que celle des Pères.

(1) Rom. 1x. 17. — (2) Op. imp. lib. v. cap. XLII. — (3) Ep. CXCIV. al. cv. ad Sixt.

CHAPITRE VII.

Septième vérité également établie par saint Augustin, que 'en durcissement des pécheurs du côté de Dieu est une peine et présuppose un péché précédent : différence du péché auquel on se livre soi-méme d'avec ceux auxquels on est livré.

Ce ne seroit pas une moindre erreur de présupposer que le même Père n'ait pas reconnu comme les autres, cette septième vérité, qui est une suite de la sixième, que si Dieu aveugle, s'il endurcit, s'il abandonne les hommes, c'est en punition de leurs péchés précédens; car c'est ce qu'il ne cesse de répéter. Le savant P. Deschamps prouve par cent passages, que Dieu n'abandonne jamais que ceux qui l'abandonnent les premiers. Cet axiome, qui sert de règle à toute l'Ecole, et qui en a servi aux Pères de Trente, NON DESERIT NISI Deseratur, est tiré de saint Augustin en cent endroits; et pour se convaincre du sentiment de ce Père sur ce sujet, il ne faut que lire le chapitre troisième du livre cinquième contre Julien, qui est celui dont M. Simon prend occasion de blâmer ce saint; puisqu'il y répète cent fois, que l'aveuglement, l'endurcissement, l'abandonnement ne peut jamais être que la peine de quelque péché, POENA PECCATI, POENÆ PRÆCEDENTIUM PECCATORUM: peine à laquelle on est livré par un jugement caché de Dieu, mais toujours très-juste, parce qu'on y est livré pour les péchés précédens. C'est ce qui est très-clairement expliqué

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