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par ce passage de saint Paul (1): Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs, aux vices de l'impureté et à un sens réprouvé; en sorte qu'ils ont fait des actions déshonnêtes et indignes; d'où saint Augustin conclut (2), qu'il y a eu un désir qu'ils n'ont pas voulu vaincre, auquel ils n'ont pas été livrés par le jugement de Dieu, mais par lequel ils ont été jugés dignes d'être livrés aux autres mauvais désirs. Les mauvais désirs de cette dernière sorte sont, comme on voit, ces actions déshonnêtes, auxquelles saint Paul dit qu'ils ont été abandonnés. A cette occasion saint Augustin fait une distinction que M. Simon n'a pas aperçue, et cette inattention est la cause de son erreur. C'est que parmi les mauvais désirs des pécheurs, c'est-à-dire, comme on a vu, parmi leurs péchés, il y en a où ils sont tombés avec une pleine volonté parce qu'ils n'ont pas voulu les vaincre, VINCERE NOLUERUNT; et pour ceux-là, poursuit-il, ils n'y ont pas été livrés par le jugement de Dieu; mais ils commencent euxmêmes à s'y livrer par leur volonté dépravée. Outre ces péchés auxquels on se livre soi-même, il y en a d'autres auxquels on est livré en punition de ces premiers; c'est-à-dire, que lorsqu'on est livré à certains péchés, tels que sont dans cet endroit de saint Paul, les monstres d'impureté, où il représente les idolâtres, il y a un premier péché auquel on n'a pas été livré, mais auquel on s'est livré soimême en ne voulant pas le vaincre, tel qu'a été dans ceux dont parle saint Paul, le péché de n'avoir pas voulu reconnoître Dieu, Non probaverunt DEUM (1) Rom. 1. 24, 28. — (2) In Psal. xxxv.

HABERE IN NOTITIA (1), et d'avoir adoré la créature au préjudice du Créateur dont ils connoissoient si bien la divinité par les œuvres, qu'ils étoient inexcusables de ne le pas servir.

Ainsi, par tous les péchés auxquels les hommes sont livrés, il faut remonter à celui auquel ils se sont livrés eux-mêmes; non qu'il ne soit vrai qu'ils se livrent encore eux-mêmes aux excès auxquels ils sont livrés, mais à cause qu'il y en a un premier auquel ils se sont livrés avec une franche volonté, avec un consentement et une détermination plus volontaire. Saint Augustin enseigne au fond la même doctrine, et dans l'ouvrage parfait et dans l'ouvrage imparfait contre Julien, et en beaucoup d'autres endroits. Or il n'en faut pas davantage pour confondre M. Simon; parce que ce premier péché, qui est ici regardé comme le premier, a néanmoins été permis de Dieu, mais par une simple permission qui n'est point proposée ici comme pénale; au lieu que la permission par laquelle on est livré à certains péchés, en punition d'autres péchés précédens étant pénale, elle sort, pour ainsi parler, de la notion de la simple permission, puisqu'elle est la suite de la volonté de punir.

CHAPITRE VIII.

Huitième vérité : l'endurcissement du côté de Dieu n'est pas une simple permission, et pourquoi.

PAR-LA donc est établie, en huitième lieu, la doctrine de la permission du péché. Il y a la simple per

(1) Rom. 1. 8.

mission où le péché n'est pas regardé comme une peine ordonnée de Dieu en un certain sens, mais comme le simple effet du choix de l'homme; et il y a la permission causée par un péché précédent, qui est la pénale, qui par conséquent n'est plus une simple permission; mais une permission avec un dessein exprès de punir celui, qui s'étant livré de luimême avec une détermination plus particulière à un certain mauvais désir, mérite par-là d'être livré à tous les autres.

C'est de quoi nous avons un funeste exemple dans la chute des justes. Le premier péché où ils tombent n'est pas un effet, ou, pour parler plus correctement, n'est pas une suite de la justice de Dieu qui punit le crime; puisqu'on suppose que celui-ci est le premier; mais quand après ce premier crime, l'homme que Dieu pouvoit justement livrer au feu éternel, par une espèce de vengeance encore plus déplorable, est livré, en attendant, à des crimes encore plus énormes, et que d'erreur en erreur, et de faute en faute, il tombe enfin dans la profondeur et dans l'abîme du mal où il est abandonné à lui-même, à l'ardeur de ses mauvais désirs, à la tyrannie de l'habitude, en un mot, où il est vendu au péché, selon l'expression de saint Paul, et qu'il est entièrement son esclave, selon celle de Jésus-Christ même; alors, dit saint Augustin (1), il est subjugué, il est pris, il est entraíné, il est possédé par le péché. VINCITUR, CAPITUR, TRAHITur, POSSIDETUR. La permission du péché, qui s'appelle dans cet état endurcissement de cœur et aveuglement d'esprit, n'est (1) Cont. Jul. l. v. c. 111,

plus alors une simple permission, mais une permission causée par la volonté de punir; et il arrive à celui qui a mérité d'être puni de cette sorte, en 、tombant d'abîme en abîme, de se plonger dans des péchés qui sont tout ensemble, comme dit le même Père, et de justes supplices des péchés passés, et mérites des supplices futurs. Er PECCATORUM SUP

PLICIA PRÆTERITORUM ET SUPPLICIORUM MERITA FUTURORUM.

CHAPITRE IX.

Comment le péché peut étre peine, et qu'alors la permission de Dieu, qui le laisse faire, n'est pas une simple permission.

Il ne s'agit pas ici d'examiner comment les péchés, qui sont toujours volontaires, peuvent en même temps être une peine, n'y ayant rien de plus opposé qu'un état pénal et un état volontaire. Grégoire de Valence répond qu'il y a toujours dans le péché quelque chose qu'on ne veut pas, comme le dérégle ment et la dépravation de la volonté, et les autres choses de cette nature, à raison desquelles, dit-il, le péché peut tenir lieu de peine; à quoi on peut ajouter avec saint Augustin, qu'en péchant volontairement on demeure nécessairement et inévitablement coupable, que l'habitude devient une espèce de nécessité, une sorte de contrainte, et enfin, que l'aveuglement qui empêche le criminel de voir son malheur est une peine d'autant plus grande, qu'elle paroît plus volontaire en un mot, que

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tout ce qui est péché, est en même temps malheur, et le plus grand malheur de tous, par conséquent de nature à devenir pénal en ce sens. Quoi qu'il en soit, le fait est constant. Il est constant, par le témoignage de l'apôtre et par cent autres passages de même force, que le péché est la peine du péché, et que Dieu alors ne le permet pas par une simple permission, comme il a permis le péché des anges et du premier homme, mais par un jugement aussi juste qu'il est caché.

CHAPITRE X.

Neuvième vérité : que Dieu agit par sa puissance dans la permission du péché: pourquoi saint Augustin ne permet pas à Julien de dire que Dieu le permet par une simple patience, qui est le passage que M. Simon a mal repris.

Il est certain, en neuvième lieu, qu'en Dieu, permettre le péché n'est pas seulement le laisser faire; autrement les pécheurs feroient en péchant tout ce qu'ils veulent, ce qui est si faux, que nonseulement ils ne peuvent éviter leur damnation, ni s'empêcher de servir malgré eux à faire éclater la gloire et la justice de Dieu; mais encore dans tout ce qu'ils font par leur volonté dépravée, la volonté de Dieu leur fait la loi, et sa puissance les tient tellement en bride, qu'ils ne peuvent ni avancer, ni reculer qu'autant que Dieu veut lâcher ou serrer la main. Il n'y a point de volonté plus puissante dans le mal, et en même temps plus

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