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sens naturel des paroles de l'Evangile; ils inspirent un mépris secret de la doctrine des Pères. Cajetan, qui ne savoit guère la tradition, et qui écrivoit devant le concile de Trente, peut être excusé; mais M. Simon qui a tout vu, et qui après avoir reconnu le consentement des saints Pères, ne laisse pas d'insinuer avec ses adresses ordinaires, le sens opposé au leur, n'en sera pas quitte pour dire que cela n'est pas hérétique. L'amour de la vérité doit donner de l'éloignement pour tout ce qui l'affoiblit; et je dirai avec confiance qu'on est proche d'être hérétique, lorsque, sans se mettre en peine de ce qui favorise l'hérésie, on n'évite que ce qui est précisément hérétique et condamné par l'Eglise.

LIVRE SECOND.

Suite d'erreurs sur la tradition. L'infaillibilité de l'Eglise ouvertement attaquée. Erreurs sur les Ecritures et sur les preuves de la Trinité.

CHAPITRE PREMIER.

Que l'esprit de M. Simon est de ne louer la tradition que pour affoiblir l'Ecriture. Quel soin il prend de montrer que la Trinité n'y est pas établie.

M. SIMON se plaindra qu'on l'accuse à tort d'affoiblir la tradition, puisqu'il en établit la nécessité dans sa préface, et qu'il l'appelle partout au secours de la religion, principalement en deux endroits du chap. vi de son livre 1. J'avoue qu'en ces deux endroits il semble favoriser la tradition; mais je soutiens en même temps qu'il le fait frauduleusement et malignement, et que le but de sa critique en ces endroits et partout, est d'employer la tradition pour faire tomber les preuves qu'on tire de l'Ecriture. Et afin de mieux connoître son erreur, il faut supposer que tous les Pères et tous les théologiens, après Vincent de Lerins, demeurent d'accord que parmi les lieux théologiques, c'est-àdire, parmi les sources d'où la théologie tire ses argumens pour établir ou pour éclaircir les dogmes de la foi, le premier et le fondement de tous les

autres, est l'Ecriture canonique, d'où tous les théologiens, aussi bien que tous les Pères, supposent qu'on peut tirer des argumens convaincans contre les hérétiques. La tradition, c'est-à-dire la parole non écrite, est un second lieu d'où on tire des argumens: Primo divinæ legis auctoritate, tum deinde Ecclesiæ catholicæ traditione (1), comme parle Vincent de Lerins. Mais ce second lieu, ce second principe de notre théologie, ne doit pas être employé pour affoiblir l'autre, qui est l'Ecriture sainte. C'est pourtant ce qu'a toujours fait notre critique; et le chap. vi où il semble vouloir établir la tradition, en est une preuve. Il y étale au long la dispute qu'on a supposée entre saint Athanase et Arius sur la sainte Trinité, et voici à quelle fin: C'est afin, dit-il (2), de mieux connoltre la méthode des catholiques et des anciens ariens. Cette dispute particulière est donc un modèle du procédé des uns et des autres, et des principes dont ils se servoient en général dans la dispute: c'est pour cela que M. Simon produit celle-ci; et l'on va voir que le résultat est précisément ce que j'ai dit, que l'Ecriture, et ensuite la tradition ne prouvent rien de part et d'autre.

Je pourrois avant toutes choses remarquer que cette dispute n'est point de saint Athanase, M. Simon en convient. Elle n'approche ni de la force ni de la sublimité de ce grand auteur; et c'est d'abord ce qui fait sentir la malignité de notre critique, qui pour nous donner l'idée de la foiblesse des argumens qu'on peut tirer de l'Ecriture contre Arius, (1) Comm. init. p. 325. (2) P. 92, et seq.

choisit, non point saint Athanase, qui ne poussoit point de coup qui ne portât, mais le foible bras d'un athlète incapable de profiter de l'avantage de sa cause. Voilà déjà un premier trait de sa malignité. Voici la suite. Et d'abord il fait dire aux deux combattans qu'ils ne se veulent appuyer que sur l'Ecriture: moi, dit Arius, je ne dis rien qui n'y soit conforme; et moi, répond le faux Athanase : J'ai appris de l'Ecriture divinement inspirée, que le Fils de Dieu est éternel (1). Si donc ils ne prouvent rien par l'Ecriture, à laquelle ils se rapportent, on voit qu'ils demeureront tous deux en défaut. C'est précisément ce que M. Simon fait arriver, puisque les faisant entrer en dispute par l'Ecriture, il les fait paroître tous deux également embarrassés ; en sorte qu'après avoir dit tout ce qu'ils savent de mieux, ils passent dans d'autres matières un peu éloignées (2), comme des gens, qui s'étant tâtés, sentent bien qu'ils ne peuvent se faire aucun mal. Tant il est vrai, conclut notre auteur (3) qu'il est difficile de tirer des conclusions de l'Ecriture sainte, comme d'un principe clair et évident.

Tout ce jeu de M. Simon n'aboutit visiblement qu'à faire voir contre toute la théologie qu'on ne peut rien conclure des livres divins, 'et que ce lieu, qui est le premier d'où l'on tire les argumens théologiques, est le plus foible de tous, puisqu'on n'avance rien par ce moyen. Et quand il dit qu'il est difficile de tirer des conclusions de l'Ecriture, comme d'un principe clair et évident, ce difficile est un terme de ménagement, par lequel il se pré

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pare une excuse contre ceux qui l'accuseroient d'af foiblir les preuves qu'on tire de l'Ecriture contre l'hérésie arienne; mais au fond il se déclare luimême, et malgré ses précautions, on voit qu'il n'a raconté cette dispute que pour montrer qu'on ne gagne rien avec l'Ecriture contre ceux qui nient la Trinité.

Ainsi, par les soins de M. Simon, les ennemis de ce mystère sont à couvert des preuves de l'Ecriture. Il a voulu faire ce plaisir aux sociniens. J'avoue qu'il ne leur donne pas plus d'avantage sur le catholique, que le catholique en a sur eux; mais M. Simon n'ignore pas, et même il étale ailleurs (1) le raisonnement de ces hérétiques, qui soutiennent que pour exclure de notre créance une chose aussi obscure que la Trinité, c'est assez qu'elle ne soit pas prouvée clairement.

Il n'en demeure pas là, il fait encore revenir les deux lutteurs. Ils retournent, dit-il (2), à la charge; mais pour avancer aussi peu qu'auparavant, puisqu'après avoir observé soigneusement que la dispute n'étoit appuyée de part et d'autre que sur des passages de l'Ecriture, et avoir fait objecter ce qu'elle a de plus fort selon notre auteur, il en conclut (3) que cela fait voir, que si l'on ne joint une tradition constante à cette méthode, il est difficile de trouver la religion clairement et distinctement dans les livres sacrés, comme l'on en peut juger par tout ce qui vient d'être rapporté.

De cette sorte la tradition ne paroît ici qu'afin de faire passer la proposition : qu'en matière de dogme (1) P. 865, etc. — −(2) P. 94. — (3) P. 97.

de

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