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la permission divine, puisque pouvant prier, il ne l'a pas fait. Sans doute s'il avoit eu ce puissant instinct qui fait qu'on prie actuellement, s'il avoit eu cet esprit de componction et de prière (1), dont il est parlé dans le prophète, qui fait dire à saint Paul que l'Esprit prie pour nous avec des gémissemens inexplicables (2), c'est-à-dire, qu'il nous fait prier de cette sorte, et encore: Qu'il crie en nos cœurs, Abba, Pater (3); c'est-à-dire, qu'il nous fait crier à notre Père céleste et le prier avec instance: si, dis-je, il avoit eu alors cet esprit et cet instinct d'oraison, il auroit prié, il auroit demandé à Dieu ce puissant secours qu'Origène et saint Chrysostôme vouloient, comme on a vu, qu'il demandât, et avec lequel on ne tombe pas; mais s'il l'avoit demandé comme il falloit, il l'auroit obtenu et ne seroit tombé. Il n'auroit donc pas reçu par sa chute la punition et l'instruction que Dieu lui avoit préparée par cette voie. Mais Dieu ne voulant pas qu'il la perdît, a voulu permettre sa chute; c'està-dire, qu'il a voulu le destituer par un juste jugement de tout ce secours, par lequel il auroit effectivement demandé et obtenu ce qu'il falloit qu'il demandât et qu'il obtînt pour ne pas tomber. Destitué de ce secours, la permission de pécher a eu la suite que Dieu savoit, et le bon effet qu'il en vouloit tirer.

pas

(1) Zach. XII. 10.— – (2) Rom. v111. 26.— (3) Gal. Iv. 6,

CHAPITRE XXV.

Passage de saint Chrysostome sur saint Jean, et qu'on en tire les mêmes vérités que du précédent sur saint Matthieu.

C'EST ce qu'on peut recueillir des réflexions de saint Chrysostôme sur saint Matthieu. Celles de ce savant Père sur saint Jean ne sont pas moins fortes. On y apprend que saint Pierre, pour avoir osé soutenir qu'il pouvoit ce que son maître l'assuroit qu'il ne pouvoit pas, mérita qu'il permit sa chute. Car il voulut lui faire connoître, par expérience, que son amour ne lui servoit de rien sans la gráce (1); c'est-à-dire, qu'il marquoit en vain tant d'amour, si la grâce ne continuoit à lui inspirer cette affection, et ne joignoit la fermeté à la ferveur. Il permit donc qu'il tombát, mais pour son utilité; non en le poussant, ni en le jetant dans le reniement, mais en le laissant dénué, afin qu'il apprit sa foiblesse.

C'est ici que ce grand évêque, pour nous donner toute l'instruction qu'on peut tirer de cette chute, en pèse les circonstances en cette manière. « Voyez»en, dit-il, la grandeur. Car cet apôtre n'est pas >> tombé une fois ni deux, mais il s'est tellement ou» blié lui-même, qu'il a répété jusqu'à trois fois, » presqu'en un instant, la parole de reniement; » afin qu'étant destiné à gouverner toute la terre, » il apprît, avant toutes choses, à se connoître (1) Homil. LXXII.

» lui-même ». On lui a donc laissé expérimenter sa foiblesse, continue ce Père; et ce malheur, ajoute-t-il, lui est arrivé, non à cause de sa froideur, mais pour avoir été destitué du secours d'enhaut: sans doute de ce secours qui auroit prévenu sa chute, et qui auroit entièrement affermi ses pas. Cette vérité est confirmée par cette autre parole de notre Seigneur (1): Simon, j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaillit pas. Aussi saint Chrysostôme la rapporte-t-il en cette occasion, et il remarque doctement à son ordinaire, que ce mot ne défaillit pas, ne veut pas dire que la foi de Pierre ne dût souffrir aucune défaillance, puisqu'elle en souffrit une si grande dans son reniement; mais que Jésus-Christ, en disant : J'ai prié que ta foi ne défaillit pas, vouloit faire entendre, qu'elle ne défaudroit pas finalement, comme saint Chrysostôme l'explique sur saint Jean is thos, ou qu'elle ne périroit pas tout-à-fait réλo, comme il le tourne sur saint Matthieu. En effet, dit ce docte Père (2), c'est par les soins de Jésus-Christ qu'il est arrivé que la foi de Pierre n'a pas péri. C'est ce qu'il dit sur saint Matthieu et sur saint Jean : « J'ai prié, dit-il, » que votre foi ne défaillît pas ; c'est-à-dire, qu'elle » ne pérît pas finalement et sans ressource; ce qu'il » disoit, continue ce Père, pour lui apprendre l'hu» milité, et convaincre la nature humaine qu'elle » n'étoit rien par elle-même ».

Cet excellent interprète ne pouvoit apporter aucun passage qui fît plus à son sujet que celui-ci. Car si Jésus-Christ eût voulu prier que la foi de Pierre

(1) Luc. XxxII. 32. (2) Homil. LXXXIII.

ne fût jamais vacillante, pas même un seul moment, comme il a voulu prier qu'elle ne défaillît pas à perpétuité; de même qu'il a trouvé des moyens de la rendre invincible après son retour, qui doute qu'il n'en eût trouvé avec autant de facilité pour ne la laisser jamais s'affoiblir, pour peu que ce fût? Il pouvoit même prévenir les téméraires sentimens de cet apôtre, et lui en inspirer de plus modestes; car il peut tout sur les cœurs, et puisqu'il ne l'a pas fait, qui ne voit qu'il a jugé, par sa profonde sagesse, qu'il tireroit plus de gloire, et en même temps plus d'utilité pour saint Pierre et pour l'Eglise, de la chute passagère de cet apôtre, que de sa perpétuelle et inaltérable persévérance.

CHAPITRE XXVI.

Réflexion sur cette conduite de Dieu.

CENT passages de saint Augustin sur la permission de la chute de saint Pierre, font voir qu'il l'a regardée des mêmes yeux qu'Origène et saint Chrysostôme; et pour entrer plus profondément et plus généralement tout ensemble dans ces merveilleuses permissions de Dieu; de même qu'il a remarqué que c'est une conduite ordinaire de sa sagesse de punir le péché par le péché même, il a encore enseigné que c'en est une, qui n'est pas moins admirable, de guérir aussi le péché par le péché; ce qu'il explique à l'occasion de ce passage du psaume (1): J'ai dit, dans mon abondance: Je ne (1) De nat. et grat. cap. xxvII, XXVIII.

serai jamais ébranlé : j'ai présumé de mes forces, mais vous avez détourné votre face, en m'abandonnant à moi - même, et je suis tombé dans le trouble; ma foiblesse m'a précipité dans le péché, et par-là vous avez guéri ma présomption. « Dieu >> vous délaisse pour quelque temps, continue ce Père, » dans vos superbes pensées, afin que vous sachiez le bien qui étoit en vous, n'est

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que

de pas vous >

» mais de Dieu, et que vous cessiez de vous enor

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Passage de saint Grégoire sur la chute de saint Pierre : conclusion de la doctrine précédente.

A CES raisons, alléguées par Origène et par saint Chrysostôme, pour la permission du péché de saint Pierre, qui sont partout celles de saint Augustin, nous en pouvons ajouter une de saint Grégoire le Grand. Il nous faut ici considérer, dit-il (1), pourquoi Dieu, qui est tout-puissant ( et qui pouvoit empêcher saint Pierre de pécher) a permis que cet apôtre, qu'il avoit résolu de préposer au gouvernement de toute l'Eglise, ait tremblé à la vue d'une servante, et qu'il ait renié son maître; mais nous savons que cela s'est fait par une merveilleuse dispensation de la bonté divine, afin que celui qui devoit étre le pasteur de l'Eglise, apprit par sa propre faute, combien il falloit avoir de compassion de celles des autres; ce qui suppose deux choses: l'une, (1) Hom. xxx. in Evang.

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