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mais

que Dieu pouvoit empêcher la chute de saint Pierre, et l'autre, qui est une suite de celle-là, que ce n'est pas par une simple patience qu'il ne l'a pas fait, par une expresse disposition de sa providence. Il se faut donc bien garder, comme nous l'avons déjà dit, de prendre ces permissions pour de simples délaissemens où la puissance de Dieu n'intervienne pas. Au contraire, puisqu'elles sont une suite des conseils de sa sagesse, de sa justice et de sa bonté, dont sa puissance est l'exécutrice, il est constant que Dieu y agit par permission, à la vérité, mais en même temps par puissance. Le malheur de saint Pierre en est une preuve. Comme Dieu le tenoit secrètement par la main, et le modéroit dans sa chute, dont même il vouloit tirer son salut, il tomba autant de fois et aussi bas qu'il fallut pour l'humilier. Jésus-Christ ne le laissa pas dans l'abîme; lorsqu'il fut au point où il l'attendoit, dès aussitôt il lança le regard qui le fit fondre en larmes. Pierre fuit, et par un effet de la sagesse et de la puissance qui se sont mêlées dans son crime, sans y avoir part, il apprit à se connoître lui-même.

LIVRE DOUZIÈME.

La tradition constante de la doctrine de saint Augustin sur la Prédestination.

CHAPITRE PREMIER.

Dessein de ce livre : douze propositions pour expliquer la matière de la prédestination et de la gráce.

Je crois avoir démontré, comme je l'avois entrepris, que saint Augustin n'avoit rien dit sur l'efficace de la grâce et sur la permission du péché, qui ne fût constant, ou par les prières de l'Eglise, ou par d'autres preuves également incontestables, et reçues des Grecs comme des Latins, avec une même foi, quoique peut-être expliqué plus nettement par les derniers, depuis que ce grand oracle de l'Eglise latine a développé une si profonde matière. Mais comme j'ai promis de faire voir que toute la doctrine de ce Père sur la prédestination et sur la grâce, étoit aussi comprise dans ces prières et dans la doctrine qu'elles contenoient, il faut encore m'acquitter de cette promesse, en déduisant par ordre douze propositions, dont les unes restent démontrées par le discours précédent, et les autres en sont une suite, qu'on ne peut s'empêcher de reconnoître.

CHAPITRE II.

Première et seconde propositions.

La première que lorsque Dieu veut inspirer le bien et empêcher le mal, soit en convertissant les pécheurs, ou en affermissant les justes dans la piété, nul cœur humain ne lui résiste. La raison en est qu'on demande à Dieu ce bon effet, comme on a vu dans toutes les prières de l'Eglise : on lui demande, dis-je, l'actuelle conversion, l'actuelle sanctification, l'actuelle persévérance; or il faut que les prières de l'Eglise se trouvent véritables; autrement cet esprit par qui elle prie, et qui prie en elle, l'auroit trompée : la tradition constante de l'Orient et de l'Occident, dès l'origine du christianisme, se trouveroit fausse : l'Oraison dominicale, qui est le modèle de toutes les prières, et que toutes les autres ne font qu'expliquer et étendre, seroit fausse elle-même : on demanderoit à Dieu ce qu'on ne croiroit pas qu'il donnât, ce qui seroit une illusion: en un mot, il faudroit changer toutes les prières de l'Eglise. De là suit encore très-certainement,

La seconde proposition, qui est que cette grâce qu'on demande à Dieu, afin qu'il opère actuellement la conversion, toutes sortes de bonnes œuvres, et en particulier la persévérance, n'est pas une grâce extraordinaire, insolite, ni qui soit particulière parmi les saints et les élus, à quelques personnes distinguées, telle que pouvoit être la sainte Vierge, ou saint Jean-Baptiste, ou saint Paul en particulier,

particulier, ou tous les apôtres, ou tels autres saints qu'on voudroit; mais au contraire, c'est une grâce ordinaire dans l'Eglise, commune à tous les états et à tous les saints, tant qu'ils le sont, à tous ceux qui se convertissent, à tous ceux qui commencent le bien, qui le continuent, qui persévèrent jusqu'à la fin; en un mot, une grâce que tous les fidèles ont besoin de demander pour chaque moment et pour chaque bonne action. La raison en est, que l'Eglise la demande actuellement, et apprend à tous les fidèles à la demander de cette sorte, comme il est constant par toutes les oraisons qu'on a rapportées, et par tout le corps des prières ecclésiastiques.

CHAPITRE III.

Troisième proposition.

La troisième proposition: Nul chrétien ne doit croire qu'il fasse aucun bien par rapport à son salut sans cette grâce; car c'est pour cela que l'Eglise la demande avec tant d'instances, et n'en demande aucune autre, óu presque aucune autre. Ce n'est pas en vain que Jésus-Christ même dans l'Oraison dominicale ne nous apprend point d'autre manière de prier, que celle où l'on demande l'effet. Par-là il veut que nous entendions que nous avons un si grand besoin à chaque action de la grâce qui nous fait faire le bien, que sans elle nous ne le ferions pas comme il faut. C'est pourquoi, après avoir demandé la conversion du pécheur, si elle arrive, nous BOSSUET. V.

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croyons si bien que ce pécheur a reçu cette grâce convertissante que nous demandions pour lui, que nous sommes sollicités intérieurement à rendre à Dieu de continuelles actions de grâces pour un si grand bienfait, et à reconnoître que c'est lui qui a fait l'ouvrage par cette grâce qui persuade les cœurs les plus durs.

CHAPITRE IV.

Distinction qui doit étre présupposée avant la quatrième proposition.

AVANT que de venir à la quatrième proposition, il faut faire une distinction et présupposer, que parmi les grâces qu'on demande à Dieu, il y en a deux qui portent plus particulièrement le caractère de grâce, dont l'une regarde le commencement, qui est la grâce de la conversion, et l'autre regarde la fin, qui est le don de persévérance. Ce sont ces deux grâces que saint Augustin établit dans les deux livres de la Prédestination des saints et du Don de la Persévérance, et nous les avons remarquées dans cette prière de la messe de saint Basile : Faites bons ceux qui sont mauvais, conservez les bons dans leur bonté; car vous pouvez tout, et nul ne résiste à vos volontés; ce qui montre ensemble, et la demande de ces deux grâces, et leur efficace.

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