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là donc qui a le courage de lui remettre une affaire de cette importance, et la seule, à dire vrai, qu'on ait sur la terre, dès-lors a reçu de lui une des marques des plus assurées de sa prédestination; puisque l'objet que Dieu se propose dans le choix de ses élus, étant de se les attacher uniquement, et de leur faire établir en lui tout leur repos, le premier sentiment qu'il leur inspire doit être sans doute celui-là. Ce premier gage de son amour les remplit de joie, et leur prière devenant d'autant plus fervente, que leur confiance est plus pure et leur abandon plus parfait, ils conçoivent plus d'espérance qu'elle sera exaucée, et ainsi que l'humble demande qu'ils font à Dieu de leur salut éternel aura son effet; ce qu'ils attendent d'autant plus de sa bonté, que c'est encore elle qui leur inspire la confiance de prier ainsi, et de se remettre entre ses bras.

Si quelque chose peut attirer le regard de Dieu, c'est la foi et la soumission de ceux qui savent lui faire un tel sacrifice. Dire que cette doctrine, qui est le fruit de la foi de la prédestination, met les hommes au désespoir, c'est dire, dit saint Augustin (1), que l'homme désespère de son salut quand il en met l'espérance, non point en lui-même, mais en Dieu, quoique le prophète crie: MAUDIT L'HOMME qui se fie en l'hoMME (2). Ceux donc que cette doctrine jette dans le relâchement ou dans la révolte, sont ou des esprits lâches, qui veulent donner ce prétexte à leur nonchalance, ou des superbes qui ne savent pas ce que c'est que Dieu, ni avec quelle (1) De dono persev. cap. XVII. — (2) Jer. xv11. 5.

dépendance il faut paroître devant lui. Mais ceux qui le craignent, et qui savent que l'humilité est le seul moyen de fléchir une si haute majesté, travaillent à leur salut avec d'autant plus de soin et d'application, que par l'humble état où ils se mettent devant Dieu dans la prière, ils doivent plus espérer d'être secourus. Il ne faut donc plus chercher d'autre repos. Nous vivons, dit saint Augustin (1), avec plus de sûreté devant Dieu, lorsque nous lui donnons tout, que si nous cherchions à nous appuyer tout-à-fait sur nous-mêmes, ou même en partie sur lui et en partie sur nous, parce qu'il arrive par ce moyen, selon le désir de l'apôtre, que l'homme est humilié, et que Dieu est exalté seul, UT HUMILIETUR HOMO ET EXALTEtur Deus SOLUS (2).

TUTIORES VIVIMUS ,

C'est donc là de toutes les consolations que les enfans de Dieu peuvent recevoir la plus solide et la plus touchante, de n'avoir à glorifier que Dieu seul dans l'ouvrage de leur salut; et il ne faut pas appréhender que la prédication de cette doctrine mette les hommes au désespoir : Quoi! faut-il craindre, dit saint Augustin (3), que l'homme désespère de lui-même et de son salut, quand on lui montre à mettre en Dieu son espérance, et qu'il cesse d'en désespérer quand on lui dira, superbe et malheureux qu'il est, qu'il n'a qu'à espérer en lui-même? Ce seroit le comble de l'aveuglement et de l'orgueil. Mais si l'on ne peut entendre cette vérité dans la dispute, si les esprits pesans et foibles ne sont pas (2) De præd. SS. c. v. n. g.

(1) De dono pers. c. vi. n. 12. --(3) De dono persev, cap. XXII.

encore capables de pénétrer les expositions de l'Ecriture, ils auront, continue saint Augustin (1), un moyen plus aisé d'entendre une vérité si importante à leur salut. Qu'ils laissent là toutes les disputes, et que seulement ils se rendent attentifs aux prières qu'ils font tous les jours; sic audirent vel non audirent in hac quæstione disputationes nostras, ut magis intuerentur orationes suas. C'est là que le SaintEsprit qui leur dicte leurs prières, leur décidera que c'est de Dieu uniquement qu'il faut tout attendre; puisqu'il faut attendre de lui, autant ce que nous faisons nous-mêmes, que ce qu'il fait en nous; et c'est à ce qu'ils apprendront dans les prières que l'Eglise a toujours faites et fera toujours depuis son commencement jusqu'à ce que ce siècle finisse, QUAS Semper habuit ET HABEBIT ECCLESIA AB

EXORDIIS SUIS DONEC FINIATUR HOC SECULUM.

CHAPITRE XX.

Suite des consolations de la doctrine précédente : prédestination de Jésus-Christ.

Les fidèles, à qui Dieu propose une si solide consolation, n'en doivent point chercher d'autres, ni souhaiter de devoir leur salut à une autre cause qu'à la bonté et à l'éternelle prédilection de celui dont il est écrit: Que ce n'est pas nous qui l'avons aimé, mais que c'est lui qui nous a aimés le premier (2); ce qui les doit d'autant plus toucher, que cette grâce qui se trouve dans tous les élus, a précédé dans leur

(1) De dono persev, c. xx11. n. 63. — (2) I. Joan. IV. 10.

chef. Je ne m'étonne donc pas que M. Simon, qui est l'ennemi de la prédestination, se déclare premièrement avec tout l'acharnement que nous avons yu contre celle de Jésus-Christ: mais nous lui dirons, malgré qu'il en ait, avec saint Augustin (1), que le modèle le plus éclatant de la prédestination et de la grâce, est le Sauveur même. Par quel mérite, ou des œuvres ou de la foi, la nature humaine, qui est en lui, a-t-elle obtenue d'étre ce qu'elle est; c'està-dire, d'être unie au Verbe en unité de personne ? Saint Augustin conclut de ce principe, que nous sommes faits les membres de Jésus-Christ par la même grâce qui l'a fait être notre chef: que celuilà nous fait croire en Jésus-Christ qui nous a fait Jésus-Christ, en qui nous croyons; par conséquent, que la même grâce qui l'a fait Christ, nous a faits chrétiens, et que ce qui a mis en lui la source des grâces l'a dérivée sur nous, à chacun selon sa mesure d'où il s'ensuit que notre prédestination est aussi gratuite que la sienne. C'est notre consolation d'être aimés, d'être choisis, d'être prévenus à notre manière, comme l'a été Jésus-Christ. Il a été promis, et les élus ont été promis: Dieu a promis de faire naître son Fils unique d'Abraham (2), et lorsqu'il a promis au même Abraham de le faire le père de tous les croyans, il lui a promis en même temps tous les enfans de la foi et de la promesse (3). Il est écrit que ce qu'il a promis, il est puissant pour le faire. Saint Paul ne dit pas : Ce qu'il a promis, il est puissant pour le prévoir; mais il dit: Ce qu'il a

(1) De præd. SS. xv. de dono pers. XXIV. Oper. imp. l. 1. num. 138, 140, 141. (2) Rom. 1v. 16. — (3) De præd. SS. c. x.

promis, il est puissant pour le faire (1). Il fait donc la foi dans les enfans de la promesse : il en fait jusqu'au premier commencement, puisque c'est cela même qu'il a promis, lorsqu'il a promis aux enfans de la foi de leur donner la naissance; c'est-à-dire, de leur donner leur être depuis leur conception en Jésus-Christ. Il a promis la persévérance de ces mêmes enfans de la foi, lorsqu'il a dit : Je mettrai ma crainte dans leur cœur, afin qu'ils ne me quittent pas (2); et cela qu'est-ce autre chose, dit saint Augustin (3), sinon en d'autres paroles : que sa crainte qu'il leur donnera sera si grande, qu'ils lui seront attachés persévéramment? Ce qu'il a promis, il l'a fait il a fait la persévérance comme il a fait le commencement. Comme il a fait, dit saint Augustin (4), qu'on vínt à lui, il a fait qu'on ne s'en retirát jamais. L'un et l'autre est l'effet de la même grâce, et cette grâce est l'effet de la prédestination; c'est-à-dire, de ce regard de prédilection qui fait la consolation des chrétiens, et dont ils reçoivent un gage, lorsque Dieu leur inspire, avec la prière, la volonté de remettre en ses mains tout l'ouvrage de leur salut, de la manière qui a été dite.

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