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» à son Eglise, et nous a unis à lui (comme ses » membres, ainsi qu'il venoit de dire), nous ferons » bien, pendant que nous sommes ici assemblés » dans un même lieu, de lui en rendre grâces, et » de lui offrir des louanges convenables à ses ins>>tructions et à sa conduite ». Son hymne suit ces paroles, et il l'entonne en cette sorte: « Frein des >> ames dociles, aile des oiseaux qui n'errent point, » vrai gouvernail des enfans remplis de simplicité, » assemblez-les pour louer d'une bouche sainte et » sincère Jésus-Christ, le conducteur des ames sim

ples et enfantines ». On voit trois vérités dans tout ce discours de saint Clément d'Alexandrie : la première, que, comme les autres, il demande à Dieu l'effet : la seconde, qu'il rend grâces de l'avoir reçu : la troisième, que cet effet qu'il demande et dont il rend grâces, est premièrement la bonne vie qui nous rend semblables à Dieu, et secondement, les saintes prières, les louanges, les actions de grâces; puisqu'il veut que Dieu et son Saint-Esprit mettent dans le cœur des fidèles la volonté de s'assembler pour les faire. Car c'est ainsi qu'il les assemble, et par ce mouvement qu'il leur imprime, il commence à former en eux la prière; puisque chacun prie déjà en particulier, aussitôt qu'il se sent ébranlé pour aller prier en commun.

Et puisque nous sommes tombés sur cette belle prière, pour en mieux prendre l'esprit, nous rapporterons un passage de son auteur sur la prière et la grâce. C'est dans son livre vii des Tapisseries, où il dit que l'homme spirituel, dont il y fait la peinture y (c'est toujours ainsi qu'il appelle le parfait chrétien ) demande

demande à Dieu les vrais biens, c'est-à-dire, les biens de l'ame (1). Voilà ce qu'il dit en général, et qui comprend tout, et autant le commencement comme la fin. Pour s'expliquer plus en particulier, il ajoute que l'action de grâces et la demande qu'on fait à Dieu de la conversion du prochain, est le propre exercice du spirituel (2). On demande donc la conversion du prochain, c'est-à-dire, comme le démontre saint Augustin, l'actuel commencement de la bonne vie, comme un don venu de Dieu. On demande, dit encore saint Clément d'Alexandrie (3), que ceux qui nous haïssent soient amenés à la pénitence. C'est par où saint Augustin prouvoit encore que Dieu prévenoit les hommes dans le péché, pour leur inspirer le désir d'en sortir (4). C'est par où la pénitence commence. Nous verrons bientôt comment on demande la suite; mais pour montrer l'efficace de la grâce de la conversion, saint Clément ajoute, que comme Dieu peut tout, le spirituel obtient tout ce qu'il veut. Par conséquent, la conversion est regardée en ce lieu comme l'ouvrage d'une grâce toute-puissante: le fidèle qui la demande pour un pécheur croit l'avoir reçue pour lui-même, et ne croit pas être converti par une autre grâce que par celle qu'il demande pour les autres. Pour venir à la persévérance, saint Clément ajoute (5), que l'homme spirituel demande la stabilité des biens qu'il possède avec une bonne disposition pour obtenir ce qui lui manque, et la perpétuité de ce qu'il a encore à recevoir; à quoi il ajoute (1) Strom. lib. v1. p. 518. (2) P. 519.. ~ (?) Ibid. 534. (4) Enchirid. c. xxx11. de don. persev. c. xix. → (5) P. 520.

Bossuet. v.

p.

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ces paroles, qui comprennent tout (1): Il demande que les vrais biens, qui sont ceux de l'ame, soient en lui et y demeurent, ce qui enferme le commencement et la fin; et un peu après : Celui qui se convertit de la gentilité (par la grâce qu'on vient de voir) demande la foi: celui qui s'élève, qui s'avance à la spiritualité, demande la perfection de la charité, et celui qui est parvenu au degré suprême, demande l'accroissement et la persévérance dans la contemplation, comme les hommes vulgaires demandent la perpétuité de la santé. Que demande cet homme vulgaire, sinon qu'en effet il se porte toujours bien? Le spirituel demande de même l'effet d'une perpétuelle santé, ce que ce Père exprime par ces paroles (2) : Il demande ( le vrai chrétien) de ne jamais déchoir de la vertu; et il ajoute que les deux extrémes (le commencement et la fin) la foi et la charité ne s'enseignent pas, non qu'en effet on ne les enseigne, puisqu'il les enseigne lui-même dans tout cet endroit; mais parce que selon sa doctrine précédente, il les faut plutôt encore demander à Dieu que les enseigner aux hommes, à qui elles sont inspirées d'en-haut, comme il a dit.

Voici encore sur ce sujet, en un autre endroit, quelque chose de bien distinct (3). Le spirituel demande, premièrement, la rémission de ses péchés, ensuite de ne pécher plus, et enfin, de pouvoir bien faire; c'est-à-dire, de le vouloir avec tant de force, qu'il en vienne enfin à l'effet de ne pécher pas, et de persévérer dans la vertu, comme il l'explique dans toute la suite des passages qu'on vient d'entendre.

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Il est certain que saint Augustin ne prétend rien davantage. Qui donne tout à la prière, avec saint Clément Alexandrin, c'est-à-dire, qui lui donne le commencement, le progrès, l'accomplissement actuel, selon saint Augustin, donne tout à la grâce; mais qui donne tout à la grâce, donne tout à la prédestination; puisque pour l'admettre, comme ce saint la vouloit, il ne faut ajouter à la prédication de la grâce, qui donne tous ces bons effets, que la prescience d'un si grand don, et la volonté éternelle de le préparer, ce que personne ne nioit.

CHAPITRE XXVII.

Prières d'Origène : conformité de sa doctrine avec celle de saint Augustin.

JE rapporterai maintenant quelques prières d'Origène, où il ne fait pas moins voir l'efficace de la grâce que son maître Clément Alexandrin.

Et d'abord on peut se souvenir de la prière qu'il auroit voulu que saint Pierre eût faite pour prévenir sa chute : Seigneur, donnez-moi la grâce de ne tomber pas (1); et le reste que nous avons rapporté ailleurs, dont nous avons conclu la nécessité de reconnoître un secours qui auroit effectivement empêché la chute de cet apôtre (2). Mais voyons d'autres prières d'Origène.

Il y en a une dans la première homélie sur Ezéchiel, qu'il adresse à l'ange qui présidoit au bap(1) Tractat. xxxv. in Joan. (2) Ci-dessus, liv. x1, ch. xx,

et suiv.

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tême, en lui disant (1): « Venez, ange saint, rece» vez cet homme que la parole a converti de son » ancienne erreur, et le prenant en votre garde, » comme un bon médecin, traitez-le bien comme » un malade, et instruisez-le : c'est dans l'Eglise un » petit enfant qui veut rajeunir dans sa vieillesse ; » recevez-le, en lui donnant le baptême de la régé» nération, et amenez avec vous les autres anges, » compagnons de votre ministère, afin que tous » ensemble vous instruisiez dans la foi ceux que » l'erreur a déçus ». Comment veut-on que cet ange donne le baptême, dont il n'est pas le ministre? si ce n'est en imprimant, sous l'ordre de Dieu, les pensées qui préparent l'homme, et lui obtenant tout ensemble la grâce qui l'amènera actuellement au baptême.

Voici quelque chose de plus fort dans une prière qu'Origène met à la bouche du chrétien (2): «< Quel» que parfait qu'on soit dans la foi, si votre puis»sance manque, la foi sera réputée pour rien; » quand on seroit parfait en pudicité, si l'on n'a » pas la pudicité qui vient de vous, ce n'est rien; si >> quelqu'un est parfait dans la justice, et dans toutes » les autres vertus, et qu'il n'ait pas la justice et » toutes les autres vertus qui viennent de vous, tout >> cela est réputé pour néant. Ainsi que le Sage ne » se glorifie pas dans sa sagesse, ni le fort dans sa » force; car ce qui peut donner de la gloire n'est » pas nôtre, mais est un don de Dieu : c'est de lui » que vient la sagesse, c'est de lui que vient la force » et tout le reste ». Et il avoit dit auparavant que

(1) Hom. 1. in Ezech. p. 391. (2) In Matth. c. xIII. t. 11. p. 9.

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