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il les assure qu'en le faisant ils seront victorieux par la prière, et que protégés par la puissance de Dieu, ils n'auront plus de guerre (1); ce qui ne se peut, sans que Dieu tourne les cœurs à la paix; d'où il prend occasion de leur adresser ces paroles (2): << Vous ne devez pas mépriser la milice des chré» tiens, qui gardant à Dieu leurs mains pures, » combattent par leurs prières contre ceux qui s'op» posent aux justes desseins de l'empereur et de ses soldats, afin que Dieu les détruise; c'est pour» quoi, poursuit-il, renversant par nos prières les » démons qui émeuvent les guerres et excitent les >> violateurs des sermens et les perturbateurs de la » paix, nous rendons un plus grand service à l'em» pereur que ceux qui portent les armes sous » ses ordres ». Par où il montre toujours que tout cède à la puissance de Dieu qu'on invoque par la prière; puisqu'elle tient en bride les démons, et empêche leurs instigations de prévaloir sur la volonté des hommes.

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CHAPITRE XXXII.

Prière de saint Grégoire de Nazianze, rapportée par saint Augustin.

La prière de saint Grégoire de Nazianze, dont je vais parler après saint Augustin, n'est pas une prière directe, mais elle n'en fait pas voir pour cela moins clairement l'efficace de la prière et de la grâce. Ce

(1) Lib. viii. p. 424. — (2) Ibid. 427.

grand homme parle en cette sorte aux ennemis de la divinité du Saint-Esprit : Confessez que la Trinité est d'une seule nature, et nous prierons le SaintEsprit qu'il vous donne de l'appeler Dieu. Il vous le donnera, j'en suis certain ; celui qui vous a donné le premier, vous donnera le second (1). S'il vous donne de le croire Dieu, il vous donnera de l'appeler tel, ou, comme l'interprète saint Augustin (2), s'il vous donne de le croire, il vous donnera de le confesser.

Il paroît, par ce passage, qu'on demande à Dieu la conversion actuelle des hérétiques, et non-seulement le commencement, mais encore la perfection; d'où saint Augustin conclut, que ce Pere, comme les autres, et comme saint Cyprien, a tout donné à la grâce.

CHAPITRE XXXIII.

Prière de Guillaume, abbé de Saint-Arnoul de Metz.

POUR montrer l'uniformité et la continuité de la doctrine, joignons à ces prières des anciens docteurs de l'Eglise orientale, cette prière d'un saint abbé latin du XI. siècle; c'est le vénérable Guillaume, abbé de Saint-Arnoul de Metz, dont l'humble et savant P. Mabillon nous a rapporté dans le premier tome de ses Analectes (3), cette oraison qu'il faisoit le jour de saint Augustin, avant la messe : « Je vous » prie, Seigneur, de me donner, par les interces

(1) Aug. lib. de don. persev. n. 49. Greg. Naz. Or. XLIV. p. 710. (2) Aug. ibid. (3) Anal. t. 1. p. 281.

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>sions et les mérites de ce saint, ce que je ne pour>> rois obtenir par les miens, qui est que sur la divi>> nité et l'humanité de Jésus-Christ, je pense ce » qu'il a pensé, je sache ce qu'il a su, j'entende ce » qu'il a entendu, je croie ce qu'il a cru, j'aime ce qu'il a aimé, je prêche ce qu'il a prêché »; et un peu après « Je vous prie, ne permettez pas que je sois saisi de frayeur au jour de ma mort, mais » faites plutôt que je vive, de sorte qu'il me soit » utile et profitable de désirer d'être dégagé de ce » corps mortel, et d'être avec Jésus-Christ » ; et enfin : «< Tout est, Seigneur, en votre puissance, et » personne ne peut résister à votre volonté : si vous » vous résolvez de nous sauver, aussitôt nous serons » délivrés ». Toutes ces paroles portent, et sont prononcées pour expliquer que le fruit, que ce saint abbé tiroit de sa dévotion pour saint Augustin, étoit principalement celui de mettre, selon sa doctrine et à son exemple, toute l'espérance de son salut en cette grâce qui peut tout et donne tout. II faudroit transcrire tous les écrits des saints, si l'on vouloit rapporter toutes les prières semblables.

CHAPITRE XXXIV.

Que saint Augustin prouve par la doctrine précédente, que les anciens docteurs ont reconnu la prédestination: ce qu'il répond aux passages où ils l'attribuoient à la prescience.

SAINT Augustin qui a vu, dans les anciens docteurs de l'Eglise, cette doctrine sur la prévention

BOSSUET. V.

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efficace et toute-puissante de la grâce (1), dans chaque action de piété, depuis le commencement jusqu'à la fin de la vie, en a conclu que ces saints, par exemple, saint Cyprien, saint Grégoire de Nazianze, saint Ambroise avoient enseigné la même doctrine que lui sur la prédestination; car encore qu'ils ne la nommassent pas dans les passages qu'il en rapportoit, c'étoit assez dans le fond qu'ils reconnussent cette grâce qui donnoit l'effet, et non-seulement le commencement, mais encore la persévérance, pour conclure qu'ils donnoient tout à la prédestination, dès qu'ils donnoient tout à la grâce.

Sur ce fondement, il ne s'étonna jamais de ce qu'on lui objectoit des anciens. On lui disoit qu'ils mettoient une prédestination fondée sur la prescience; mais il répondoit que cela étoit très-véritable (2). Lui-même, dans cette célèbre définition de la prédestination qui n'est ignorée de personne, faisoit marcher la prescience la première. La prédestination est, disoit-il (3), la prescience et la préparation des bienfaits de Dieu, par lesquels sont certainement délivrés tous ceux qui le sont. C'est donc premièrement une prescience, et c'est dans la suite la préparation d'une grâce actuellement et certainement délivrante à l'égard de tous les élus. Selon cette définition, il n'excluoit pas de la prédestination la prescience de nos bonnes œuvres, pourvu qu'on vît que nos bonnes œuvres étoient aussi celles de Dieu, par l'effet certain de la grâce qu'il préparoit pour les faire; et c'est pourquoi, en un autre endroit, il

(1) Aug. de don. pers. c. XIX, XI. — - (1) De don. persev. c. XVIIL (3) Ibid.

enseigne que prédestiner, en Dieu, n'est autre chose que de prévoir ce qu'il veut faire dans les hommes; ce qui emporte la prescience de leurs bonnes œuvres, mais comme enfermées dans la préparation de sa grâce, et en cette qualité, œuvres de Dieu de la façon particulière qu'on vient d'expliquer. C'est ce qu'il explique encore ailleurs, plus clairement par ces mots : En Dieu prédestiner, dit-il (1), n'est autre chose que d'avoir disposé ses œuvres futures dans sa prescience, qui ne peut ni se tromper, ni être changée. Quand il dispose ses œuvres futures, il dispose en même temps les nôtres qui y sont comprises; et ainsi, la prescience de nos œuvres, comme opérées de Dieu même par des moyens infaillibles, fait la première partie de la prédestination.

Il prouve même, par un passage de saint Paul (2), que la prédestination est appelée prescience. Dieu, dit l'Apôtre (3), n'a pas rejeté son peuple qu'il a connu dans sa prescience. Saint Augustin démontre par toute la suite, que ce peuple prévu de Dieu, est le peuple prédestiné qu'il a prévu qu'il formeroit par l'effet certain de sa grâce; et ce Père conclut de là (4), que si quelques interprètes de l'Ecriture, en parlant de la vocation des élus, l'ont appelée une prescience, ils ont entendu par-là la prédestination elle-même, et ont mieux aimé se servir du terme de prescience, parce qu'il étoit plus intelligible, et que d'ailleurs il ne répugnoit pas, mais plutôt qu'il convenoit parfaitement à la doctrine de la prédestination de la grace.

Voilà donc un beau dénouement de saint Augus(1) De don. persev. c. XVII. — (a) Ibid. xvIII. - (3) Rom. XI. 2,

-(4) Ibid.

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