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si ce n'est à conclure d'un côté que les Pères et saint Athanase lui-même, qui est le maître de tous les autres en cette matière, ont prétendu trouver la Trinité clairement et démonstrativement dans l'Ecriture; et de l'autre côté, que l'expérience nous a fait voir le contraire, et que les disputes par l'Ecriture n'ont aucun fruit.

CHAPITRE V.

Moyens obliques de l'auteur pour détruire la tradition et affoiblir la foi de la Trinité.

QUE le lecteur attentif prenne garde ici aux manières obliques et tortueuses, dont M. Simon attaque la foi de la Trinité, et ensemble l'autorité de la tradition. Il attaque la foi de la Trinité, puisqu'après avoir supposé que le catholique, aussi bien que l'arien, met dans l'Ecriture la principale espérance de sa cause, il tourne tout son discours à faire sentir que c'est en vain qu'il s'y confioit: et pour ce qui est de la tradition, on a vu comme il nous prépare à la mépriser, et la suite fera connoître qu'en effet il lui ôte son autorité. En attendant, les ariens anciens et nouveaux ont cet avantage dans les écrits de M. Simon, que les preuves de l'Ecriture, qui sont celles que, de part et d'autre, on estimoit les plus convaincantes, n'opèrent rien. Voilà un malheureux commencement du livre de cet auteur, et un grand pas pour nous mener à l'indifférence sur un point si fondamental.

CHAPITRE VI.

Vraie idée de la tradition, et que faute de l'avoir suivie l'auteur induit son lecteur à l'indifférence des religions.

Ce n'est pas ainsi qu'il faut établir la nécessité de la tradition; et la méthode de l'appuyer sur les débris des preuves de l'Ecriture, est un moyen qui tend plutôt à la détruire. Elle se prouve par deux moyens: l'un, qu'il y a des dogmes qui ne sont point écrits, ou ne le sont point clairement; l'autre, que dans les dogmes où l'Ecriture est la plus claire, la tradition est une preuve de cette évidence, n'y ayant rien qui fasse mieux voir l'évidence d'un passage pour établir une vérité, que lorsque l'Eglise y a toujours vu cette vérité dont il s'agit.

Pour prendre donc l'idée véritable de l'Ecriture et de la tradition, de la parole écrite et non écrite, il faut dire, comme notre auteur a dit quelquefois, mais non pas aussi clairement qu'il le falloit, que les preuves de l'Ecriture sur certains points principaux sont convaincantes par elles-mêmes : que celles de la tradition ne le sont pas moins; et qu'encore que chacunes à part puissent subsister par leur propre force, elles se prêtent la main, et se donnent un mutuel secours.

Selon cette règle invariable, on fait bien de joindre la tradition aux passages les plus évidens de l'Ecriture, comme une nouvelle preuve de leur évidence. Mais c'est mal fait de n'alléguer la tradition que pour affoiblir sous ce prétexte, les

preuves de l'Ecriture; encore plus mal d'avoir mis toute la force de l'Eglise dans la tradition, dont en même temps on suppose que l'on ne se servoit pas; et enfin, le comble du mal, c'est l'affectation de faire sortir d'une dispute un catholique et un arien avec un égal avantage, sans que ni l'un ni l'autre prouve rien; en sorte qu'il ne reste plus qu'à tirer cette conséquence, que tout cela est indifférent.

CHAPITRE VII.

Que M. Simon s'est efforce de détruire l'autorité de la tradition, comme celle de l'Ecriture, dans la dispute de saint Augustin contre Pélage: idée de cet auteur sur la critique, et que la sienne n'est selon lui-même que chicane: fausse doctrine qu'il attribue à saint Augustin sur la tradition, et contraire à celle du concile de Trente.

NOTRE auteur a voulu trouver le même défaut dans la dispute de saint Augustin contre les pélagiens. Selon lui (1), saint Augustin a toujours cru la dispute sur le péché originel très-clairement décidée par la seule autorité de l'Ecriture. Il produit lui-même un passage où ce Père dit que l'apôtre ne pouvoit parler plus précisément, plus clairement, plus décisivement (2) que lorsqu'il a proposé Adam comme celui en qui tous avoient péché, in quo omnes peccaverunt (3). Il n'importe que M. Simon, trop favorable à Pélage, soutienne dans tout son livre, non-seulement à saint Augustin, mais

(1) P. 286. — (2) Aug. de pecc. mer. 1. 10. —

(3) Rom. v.

encore à trois conciles d'Afrique et au concile de Trente, que ce passage, qu'ils ont employé comme le plus décisif, ne l'est pas (c'est ce que nous verrons ailleurs); il nous suffit maintenant que saint Augustin, comme l'avoue notre auteur (1), fút persuadé qu'il avoit prouvé la créance de l'Eglise par des passages de l'Ecriture qui ne peuvent' étre contestés, C'est donc l'esprit de l'Eglise de croire que l'on combattoit en certains points la doctrine des hérétiques, 'par des passages si clairs, qu'il ne leur restoit, à vrai dire, aucune réplique. Mais il semble que notre auteur ne nous montre cette vérité que pour la détruire; puisqu'après avoir vainement tâché de répondre par la critique au passage de saint Paul, il conclut enfin ses remarques grammaticales par cette exclamation (2): Tant il est difficile de convaincre les hérétiques par des textes si formels de l'Ecriture, qu'on n'y puisse trouver aucune ambiguité, surtout quand ils sont exercés dans la critique. C'est donc là le fruit de la critique, d'apprendre aux hérétiques à éluder les passages où les saints Pères et toute l'Eglise ont trouvé le plus d'évidence, et de leur faire trouver au contraire, comme fait M. Simon en cette occasion, des ambiguités, c'est-à-dire, des chicanes et des pointilles de grammaire.

Mais ce qui montre que ce critique ne fait que brouiller, c'est qu'après avoir affoibli les preuves de l'Ecriture par son recours aux traditions, il ôte encore à la tradition ce qu'elle avoit de plus fort dans l'antiquité, c'est-à-dire, le témoignage de (1) P. 290.(2) P. 287.

saint Augustin. On sait que ce saint docteur, qui avoit déjà établi d'une manière invincible l'autorité de la tradition contre les donatistes rebaptisans, atterre encore les pélagiens par la même voie, en leur opposant le consentement des Pères et des Grecs, autant que des Latins, comme une des preu> ves les plus constantes de la vérité. Que dit cependant M. Simon? voici ses paroles (1): Saint Augustin fait aussi venir quelquefois à son secours la tradition fondée sur les témoignages des anciens écrivains ecclésiastiques; mais il semble ne la suivre que comme un accessoire pour s'accommoder à la méthode de ses adversaires, qui prétendoient que toute la tradition étoit pour eux. C'est nous montrer la preuve de la tradition, non comme une preuve naturelle et du propre fond de l'Eglise, mais comme une preuve étrangère et empruntée de ses ennemis ; non comme une preuve constante et perpétuelle, mais comme une preuve que l'on appeloit quelquefois à son secours; non comme une preuve essentielle et principale, mais comme une preuve accidentelle et accessoire. Voilà l'idée qu'on nous donne de la tradition dans la dispute contre Pélage.

Mais elle est directement opposée à celle du concile de Trente, qui décide que la tradition, c'est-àdire, la parole non écrite, doit être reçue avec un pareil sentiment de piété et une pareille révérence : Pari pietate ac reverentid (2). Ce n'est donc ni un accessoire, ni rien d'étranger à l'Eglise, mais le fond même de sa doctrine et de sa preuve, aussi bien que l'Ecriture.

(1) P. 285. — (2) Sess. IV.

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