Images de page
PDF
ePub

tains mystères principaux, sont évidentes par ellesmêmes, encore que les hérétiques aveugles et préoccupés n'en sentent pas l'efficace; et M. Simon nous apprend qu'encore dans les derniers temps, Maldonat avoit soutenu que par la force des termes (1), il n'y avoit rien de plus clair, pour établir la réalité, que cette proposition: CECI EST MON CORPS; tant il est vrai que la tradition de l'évidence de l'Ecriture sur certains points principaux est de tous les âges, et même selon notre auteur.

Mais s'il est certain que M. Simon établit sur ces articles principaux l'évidence de l'Ecriture, d'autre côté il n'est pas moins clair, par tout ce qu'on vient de rapporter, qu'il en affoiblit les preuves jusqu'à dire qu'elles n'ont rien de convaincant. Quand on a des vues aussi diverses que celles de ce faux critique : qu'on veut plaire à autant de gens de principes différens et de créances si opposées, jamais on ne peut tenir un même langage : la force de la vérité ou la crainte de trop faire voir qu'on l'a ignorée tire d'un côté; les vues particulières entraînent de l'autre. Mais ce qui règne dans tout l'ouvrage de notre critique, est une pente secrète vers l'indifférence, et il n'y a point de chemin plus court pour y parvenir et pour renverser de fond en comble l'autorité de l'Eglise, que de faire voir d'un côté qu'elle fait fond sur l'Ecriture, pendant qu'on montre de l'autre qu'elle n'avance rien par ce moyen. Lorsqu'on diminue les preuves peu à peu, on met les sociniens en égalité avec elle. Comme il faut trouver un prétexte pour affo:blir

(1) P. 623.

les témoignages de l'Ecriture, on n'en peut trouver de plus spécieux que celui de faire paroître qu'on veut par-là pousser l'hérétique à l'aveu de la tradition; et voilà ce qui a produit cette méthode réservée à la maligne critique de M. Simon, de renverser la tradition sous couleur de la défendre, et de détruire l'Eglise par l'Eglise même.

CHAPITRE XVIII.

Que l'auteur attaque ouvertement l'autorité de l'Eglise sous le nom de saint Chrysostome, et qu'il explique ce Père en protestant déclaré.

CERTAINEMENT, s'il avoit la tradition autant à cœur qu'il en veut faire semblant, comme la tradition n'est autre chose que la perpétuelle reconnoissance de l'infaillible autorité de l'Eglise, il n'auroit pas anéanti une autorité si nécessaire. C'est cependant ce qu'il a fait dans le chapitre x1 de son livre, sous le nom de saint Chrysostôme, en cette sorte: Saint Chrysostome, dit-il (1), représente dans l'homélie xxx sur les actes, un homme qui voulant faire profession de la religion chrétienne, se trouve fort embarrassé sur le parti qu'il doit prendre, à cause des différentes sectes qui étoient alors parmi les chrétiens. Quels sentimens suivrai-je, dit cet homme; à quoi m'attacherai-je ? chacun dit qu'il a la vérité de son côté ; je ne sais à qui je dois croire, parce que j'ignore entièrement l'Ecriture, et que les différens partis prétendent tous qu'elle leur

() P. 166.

est

est favorable. Saint Chrysostome, poursuit-il, ne renvoie pas cet homme à l'autorité de l'Eglise, parce que chaque secte prétendoit qu'elle l'étoit; mais il tire un grand préjugé en sa faveur de ce que celui qui vouloit embrasser le christianisme se soumettoit à l'Ecriture sainte qu'il prenoit pour règle. De s'en rapporter, dit-il, aux raisonnemens, c'est se mettre dans un grand embarras; et en effet, la raison seule ne peut pas nous déterminer entièrement. Lorsqu'il s'agit de préférer la véritable religion à la fausse, il faut supposer une révélation. C'est pourquoi il ajoute, que si nous croyons à l'Ecriture, qui est simple et véritable, il sera facile de faire ce discernement, surtout si on a de l'esprit et du jugement.

Je demande ici à notre auteur: Que prétend-il par ce passage? à qui en veut-il ? en faveur de qui fait-il cette remarque? Saint Chrysostome ne renvoie point à l'autorité de l'Eglise cet homme incertain, mais à l'Ecriture qui est simple, où il trouverà un moyen facile de discerner, parmi tant de sectes, celle où il faut se ranger. N'est-ce pas là manifestement le langage d'un protestant qu'il met à la bouche de saint Chrysostôme? Où est cet homme qui nous disoit tout à l'heure qu'on n'avançoit rien par l'Ecriture, et qu'il falloit avoir recours à la tradition? Il y falloit donc renvoyer, si ses principes avoient quelque suite. Mais non, dit-il, saint Chrysostôme ne renvoie point à l'Eglise, ni par conséquent à la tradition, puisque, comme on vient de dire, la tradition n'est autre chose que le sentiment perpétuel de l'Eglise. Il renvoie à l'Ecriture, qui à cette fois devient si claire, que pourvu qu'on ait du

BOSSUET. v.

7

sens et du jugement, il sera aisé de prendre parti par elle seule, sans qu'on ait besoin d'avoir recours à l'Eglise. Il ne faut point ici de raisonnement pour découvrir les sentimens de M. Simon. Malgré tout ce qu'il répand çà et là dans ses livres pour l'autorité de la tradition, qui est celle de l'Eglise, à ce coup il se déclare à visage découvert. L'esprit protestant, je le dis à regret, mais il n'est pas permis de le dissimuler; oui, l'esprit protestant paroît. Il est bien certain qu'un catholique détermineroit cet homme douteux par l'autorité de l'Eglise, plus claire que le soleil, par la succession de ses pasteurs, par sa tradition, par son unité, dont toutes les hérésies se sont séparées, et portent dans ce caractère de séparation et de révolte contre l'Eglise, la marque évidente de réprobation. Saint Chrysostôme a souvent parlé de cette belle marque de l'Eglise. Il a dit sur ces paroles: LES PORTES De l'enfer ne prÉVAUDront point conTRE L'EGLISE ; que saint Pierre avoit établi une Eglise plus forte, plus inébranlable que le ciel. Il a dit sur celles-ci: JE SUIS AVEC VOUS JUSQU'A LA FIN DES SIÈCLES: voyez quelle autorité ! les apôtres ne devoient pas être jusqu'à la fin des siècles; mais il parle en leur personne à tous les fidèles comme composant un seul corps, qui ne devoit jamais étre ébranlé. Il a dit (1) : Rien n'est plus ferme que l'Eglise que l'Eglise soit votre espérance: que : l'Eglise soit votre salut que l'Eglise soit votre refuge: elle est plus haute que le ciel, et plus étendue que la terre: elle ne vieillit jamais, sa jeunesse est perpétuelle. Pour montrer combien elle est ferme et (1) Homil. in illud: Astitit Regina, etc.

inébranlable, l'Ecriture la compare à une montagne (1); la même comparaison montre qu'elle devoit éclater aux yeux de tous les hommes: plus on l'attaque, plus elle reluit. Si M. Simon ne vouloit pas se donner la peine de rechercher ces passages, et tant d'autres aussi précis dans saint Chrysostôme, il ne devoit pas omettre ce qui se trouvoit au lieu même qu'il fait semblant de vouloir transcrire. Car n'est-ce pas manifestement renvoyer cet homme douteux à l'Eglise, à son autorité, à son unité, dont toutes les autres sectes se sont détachées, que de lui parler en ces termes : Considérez toutes ces sectes, elles ont toutes le nom d'un particulier dont elles sont appelées; chaque hérétique a nommé sa secte ; mais pour nous, aucun particulier ne nous a donné son nom, et la seule foi nous a nommés ?

Ce Père fait allusion au nom d'homousiens ou de consubstantialistes que les ariens donnoient aux catholiques. Mais, dit-il, ce n'est pas le nom de notre auteur; c'est celui qui exprime notre foi. Quiconque a un auteur d'où il est nommé, porte sa condamnation dans son titre. N'est-ce pas en termes formels ce que nous disons tous les jours aux hérétiques, que la marque de la vraie Eglise est de n'avoir aucun nom que celui de chrétien et de catholique, qui lui vient pour avoir toujours conservé la même tige de la foi, sans avoir eu d'autres maîtres que Jésus-Christ. C'est pourquoi saint Chrysostôme finit par ces mots : Nous sommes-nous séparés de l'Eglise? avons-nous fait schisme? des hommes nous ont-ils donné leur nom? avons-nous un Marcion, un (1) Homil. in c. 2. Isaiæ.

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »