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Habas par une politique toute nouvelle parmy les Perfes, a. voit voulu contrebalancer le pou voir du premier Miniftre, dans la pensée qu'il eut que le gouverne. ment en recevroit plus d'utilité, fi l'émulation rendoit fes Miniftres plus attentifs à leur devoir. Voila pourquoy il éleva celuy-cy, qui étoit fon favory,à un point de credit, qui ne cedoit point à l'autorité du premier, & il luy mit entre les mains les plus importantes affaires de l'Eftat.

Il y avoit apparence que le fuc ceffeur d'Habas n'entreroit pas dans les fentimens de fon Pere, & que toutes chofes retourneroient dans leur premier ordre: C'est ce qui touchoit fenfiblement le fecond Miniftre, qui fe voyoit à la veille de tomber dans une condition plus privée, & qu'il ne luy refteroit plus d'employ, fi ce n'étoit peut-eftre la Sur-intendance de la maifon du Roy: charge qui

n'eftoit rien à comparaison du pofte qu'il tenoit alors. Il ne pût donc pas empefcher d'abord que l'excés de fon affliction n'éclattaft; mais comme les Seigneurs de Perfe font accoû tumez à diffimuler, il compofa bien-toft fon visage, en forte qu'il n'y parut qu'une trifteffe moderée. Il répondit à l'Eunuque, qui l'eftoit venu trouver, qu'il falloit fecrettement affembler les Grands de l'Eftat, & que l'on indiqueroit le lieu & le temps que cela fe devroit faire. Le premier Miniftre dit la mefme chose au grand Chambellan.

Cependant les deux premiers Medecins Mir-za Sahid & Mir. za-Koudchek fon frere, Seigneurs confiderables en la Cour de Perfe ( car les Medecins dans les Païs Orientaux tiennent un rang beaucoup plus illuftre qu'ils ne font en Europe) ces Seigneurs, dis-je, s'eftans prefentez à la por

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te de l'appartement Royal des femmes, incontinent aprés que les deux grands Eunuques en furent fortis pour apprendre des nouvelles de la fanté du Roy, apprirent celle de fa mort & par confequent de leur perte, parce que fuivant la coûtume de cét Empire, de la vie du Prince dépend la vie, ou du moins la fortune des deux premiers Medecins qui l'ont traitté en fa maladie. On ne manque jamais dans la femaine de fa mort de les releguer en quelque lieu déterminé, où l'on ne leur laiffe de leurs biens, qu'autant qu'il en faut pour vivre, l'on confifque tout le refte. Ceux-cy ont éprouvé une femblable difgrace, comme il fera dit en fon lieu.

Ny la perte de leur Maistre qu'ils avoient prefente à leurs yeux, my celle de leur liberté qu'ils avoient prefente à leur imagination ne les troubla pas fi fort

qu'ils ne priffent garde à ce qu'ils avoient à faire dans une conjonc ture fi fafcheufe. Ce qui leur donnoit plus d'inquietude étoient les dernieres paroles qu'on leur rapportoit que le Prince avoit prononcées, lors qu'il fe plaignoit d'eftre empoisonné. Il n'y avoit que trop en ces paroles dequoy leur faire fendre l'eftomac, file Prince, qui viendroit à la Couronne, y vouloit ajoûter foy.

Pour fe délivrer de cette crainte, ils refolurent entr'eux de faire tomber l'élection fur le plus jeune des fils d'Habas, qui n'étant encore que dans l'enfance apparemment fe laifferoit gouverner long-temps par fa Mere, & par fes Miniftres, dont ils ne pourroient apprehender rien de funefte.

Surquoy il faut remarquer, qu'Habas fecond à sa mort laissa deux fils, au moins n'ay-je point ouy

ouy parler qu'il en ait laiffé davantage. Pour les filles on ne peut pas fçavoir affeurement s'il en avoit, car c'est un mystere caché, mesme aux plus Grands de l'Eftat, & aux principaux Minis tres que ce qui fe paffe dans la maison des femmes: Et quand ils en fçavent quelque chofe, il faut que ce foit par occafion, felon la liaison & les dépendances que les affaires qu'on leur communique y peuvent avoir. Je puis affeurer que je n'ay rien oublié pour m'en éclaircir: Je n'y ay épargné ny foins ny dépense: Je n'en ay pu pû neantmoins découvrir autre chofe, finon que l'on croyoit qu'il n'avoit point laiffé de filles vivantes. L'on paffe tous les jours cent fois devant la maifon de ces Dames; cependant il feroit plus aifé de fçavoir ce qui fe fait au fonds de la Tartarie, que d'apprendre de leurs nouvelles.

Des deux fils d'Habas, l'aifné,

B

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