que lon nommoit Sefie-Mir-za entroit dans fa vintiéme année : Il nafquit l'an de l'Egeré 1057. La fuperftition des Perfes nous ofte la connoiffance du mois & du jour. Comme ils donnent beaucoup à l'Aftrologie, ils cachent foigneufement les momens de la naiffance de leurs Princes, pour empefcher que l'on ne préfage leur destinée, encore plus que l'on ne la rende funefte & malheureuse. Son Pere à l'âge de dix-huit ans l'avoit eu d'une ef clave Circafienne ou Cherkes. comme parlent les Perfes; dont l'extreme beauté jointe à d'autres qualitez tres-recommandables, gagna fi bien le cœur de ce Monarque, qu'elle fut la premiere de toutes les femmes qu'il choifit pour Epouse. Et à cause de cela durant la vie de fon Mary elle fur toûjours appellée Nekaat-Kac'eft à dire, Ducheffe legiti

num,

me; quoy qu'il y en cuft d'autres,

qui eftoient auffi - bien qu'elle femmes legitimes du Roy, &avec qui felon leur loy il avoit contracté mariage.

Cét aifné, fuivant la coûtume, fut toûjours nourry dans le Palais

des femmes, & commis au foin de quelques Eunuques fous la veuë de fa Mere, & de fa nourrice. Celle-cy eftoit une Dame de grande qualité femme du Misftaufie Elmemalck; c'eft à dire, felon la force des mots Perfiens, Surveillant fur les Royaumes. Là on l'élevoit d'une maniere auffi delicate & auffi fuperbe que le demandoit fa haute naiffance, & on le laiffoit joüir d'une liberté telle qu'on la pouvoit donner aux perfonnes de fa forte, qui eft d'aller & de venir dans tous les endroits de ce grand Palais à fon plaifir; Car de paffer aux autres appartemens où hantent les homc'est ce que l'on ne fouffre

mes,

jamais à ces jeunes Princes.

Il approchoit à l'âge de feize ans, quand il luy furvint une difgrace, qui rendit fa prison plus étroitte. Un Eunuque luy apporta quelques pieces de drap d'or; & comme ce Prince, à ce que l'on dit, a l'efprit hautain, ne les ayant pas trouvées affez belles, il en parla avec un mépris outrageux. L'Eunuque luy dit que c'eftoit par ordre du Roy fon Pere que l'on les luy avoit prefentées, il n'en parut pas plus fatisfait: Cela fut rapporté au Roy. Sa Majefté s'estant perfuadé que la licence dans laquelle on laiffoit vivre ce jeune Prince luy rehauffoit trop le courage, & augmentoit sa fierté naturelle, le relegua dans l'appartement le plus reculé de ce Palais.

Quelques-vns crûrent dés-lors qu'il luy avoit fait crever les yeux; neantmoins comme l'on vit rehauffer les murailles du lieu où il eftoit enfermé, les plus in

telligens jugerent bien que le Roy ne s'eftoit point porté à cette extremité, parce qu'on n'euft pas pris tant de foin d'empefcher la fortie d'un aveugle, que fon feul malheur rendoit incapable d'une entreprise de cette nature.:

Mais quand le Roy partit pour le voyage de Mazenderan en l'an 1665. felon noftre fupputation, il agit d'une certaine maniere, qui fit foupçonner mefme aux plus grands & aux plus habiles, que c'eftoit à cette fois qu'il s'eftoit déterminé à cette horrible execution; Car fur le chemin n'étant encore qu'à huit lieuës d'Ifpaham il rebrouffa vers cette vil. peu accompagné, fans avoir parlé de fon deffein à perfonne : Et quand il y fut arrivé, il n'y fit autre chofe que d'entrer à l'impourveu dans l'appartement de fes femmes, où n'ayant demeuré que deux heures il en fortit tout penfif.

le

Et comme l'on n'en voyoit pas d'autre cause apparente,les Courtifans l'attribuerent à quelque chose de funeste à quoy ce Monarque fe feroit porté contre le Prince fon fils; Toutesfois comme il a affez parû depuis, ils fe tromperent tous dans leur jugement, & ce promt retour fut pour un autre fujet.

A l'égard de ce jeune Prince, fon Pere s'eftoit contenté de le refferrer encore plus étroittement qu'auparavant dans un quartier de ce Palais fort éloigné des autres avec fa Mere, & les femmes qu'on luy avoit données en auffi grand nombre qu'il avoit fouhaitté: Eten mefme temps fe Roy commit pour veiller fur fes actions, & prendre garde qu'il n'entreprit rien de dangereux, un grand Eunuque nommé AgaNazir, c'eft à dire, Seigneur voyant.

Ce mot Nazir fignifie d'ordi