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NOUVEAUX DOUTES SUR L'AUTHENTICITÉ DU

TESTAMENT POLITIQUE

ATTRIBUÉ AU

CARDINAL DE RICHELIEU, ET SUR LES

REMARQUES DE M. DE FONCEMAGNE.
Objection.

Il est dit dans la préface du Testament politique du cardinal de Richelieu, nouvellement imprimé à Paris chez Le Breton 1764:

« M. de Voltaire attaqua le Testament politique >> en 1749, dans une courte dissertation intitulée, » des Mensonges imprimés, etc. Le paradoxe qu'il >> voulait établir trouva des contradicteurs. Entre » les écrits qui furent publiés, on distingua celui qui portait le titre de Lettre sur le Testament poli» tique; lettre polie et solide, dans laquelle M. de » Voltaire ne put avoir à se plaindre que de la force » des preuves qu'on lui opposait. »

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Réponse.

L'opinion de M. de Voltaire, bien loin d'être un paradoxe, est l'opinion d'Auberi, historiographe du cardinal de Richelieu, et pensionné de la duchesse d'Aiguillon sa nièce. C'est l'opinion de GuiPatin, de Richard, de Le Vassor; c'est le sentiment d'Ancillon, de l'auteur très instruit déguisé sous le nom de Vigneul, du père d'Avrigni, auteur des excellents Mémoires pour servir à l'histoire du dixseptième siècle, du judicieux et profond Le Clerc, et enfin du sage et savant La Monnoie.

Quelle autorité plus forte que celle d'Auberi, qui

yeux

écrivait sous les de la nièce du cardinal, de sa nièce chérie, dépositaire de tous ses sentiments et de tous ses papiers? Serait-il possible que l'écrivain de la vie du cardinal eût supprimé un fait aussi essentiel que celui du Testament politique, qui devait avoir été présenté à Louis XIII par la famille du cardinal, et dont une copie authentique devait être entre les mains de cette duchesse? Ne lui aurait-elle pas fait voir ce fameux Testament? Ne lui aurait-elle pas dit: comment oubliez-vous un ouvrage si intéressant, si public, et qu'on croit si glorieux pour mon oncie? M. de Foncemagne sait assez du moins que c'est ainsi qu'en aurait usé une troisième duchesse d'Aiguillon, non moins célèbre que les deux autres, par tout ce qui peut mériter l'estime et les hommages du public.

Non-seulement Auberi ne parle point de ce testament dans cette histoire, mais voici comme il s'exprime dans celle du cardinal Mazarin (1):

« On a imprimé ces derniers jours ( c'est-à-dirc en 1688) un Testament politique du cardinal de » Richelieu, contre lequel il n'y a point de lecteurs, pour peu de lumière et de connaissance qu'ils >> aient de l'histoire du temps, qui ne réclament » et ne se récrient. Il ne faut, pour le détruire, que » les mêmes raisons dont l'imprimeur se sert pour » essayer de l'établir.

» Ce n'est en effet qu'un ouvrage de doctrine, » qui traite particulièrement des appels comme » d'abus, des cas privilégiés, de la régale préten

(1) Auberi, Histoire du cardinal Mazarin, teme IV, pages 837 et 388, édition de 1718, à Amsterdam. chea Le Céne.

» due par la Sainte-Chapelle sur tous les évêchés » de France, des exemptions du patronage ecclé» siastique et laïque, du droit d'indult et d'autres » matières semblables; de sorte que c'est tacite» ment reprocher à un si fameux ministre l'ambi >>tion et la honte d'avoir voulu s'ériger en auteur, » et faire à peu près des recherches comme celles >> de Pasquier.

» D'ailleurs, étant un ouvrage assez gros, et rempli d'observations fort communes, on ne saurait » s'imaginer auquel de ses secrétaires il l'aurait dic»té, et encore moins comme il l'aurait écrit lui» même. Il est constant que le cardinal de Riche>> lieu a toujours dicté, et n'a jamais guère écrit.

» Mais il y a plus: on y remarque force imperti» nences, bévues et suppositions. Ce prétendu tes>> tament commence par une lettre du testateur au >>> feu roi, avec la souscription Armand Duplessis: >> cependant il n'a jamais souscrit ses lettres à Louis >> XIII que de deux manières, ou comme évêque, » ou comme cardinal. La première des deux était » l'évêque de Luçon, et l'autre le cardinal de Riche» lieu. Il n'y en doit point avoir de troisième ; et s'il' » s'en trouve, ce ne peut être qu'une pièce sup» posée.

>> On opine à peu près de même du reproche qu'on >> lui fait faire aux ennemis, de marquer l'année » 1638 pour lui avoir été favorable, sur ce que la >> prise de Brisac devait avoir effacé toutes nos dis» grâces. Ce lui aurait été une espèce de crime que >> d'omettre notre plus signalé bonheur de cette » année-là, qui fut la naissance de monseigneur le dauphin.

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>> Cette omission doncn'était guère moins remar >> quable que la contradiction qui se voyait au mê» me testament, où il est dit, tantôt que la paix » était faite, et tantôt qu'elle ne l'était pas. D'où il » se peut infailliblement conclure que cette pièce » est d'autant plus fausse qu'elle était tout-à-fait >> inutile. >>

Quand il n'y aurait que cette preuve, elle suffirait, à mon avis, le Testament pour constater que politique ne peut être du cardinal de Richelieu.

Le dernier critique qui a fait voir évidemment la supposition, est le savant de La Monnoie: on veut récuser aujourd'hui son témoignage, parce qu'il est trop décisif; et on se contente de dire « que ce » savant homme n'avait pas tourné ses études du » côté de ces recherches. »

C'est précisément à ces recherches qu'il s'appliqua ses dernières années; voyez sa Vie de Ménage, ses additions au Ménagiana, sa dissertation sur le livre des Trois imposteurs; c'était dans cette partie qu'il excellait.

Dans une discussion de cette nature, le lecteur doit, ce me semble, agir comme un juge équitable, qui n'adjugera jamais à personne un bien contesté que sur des preuves évidentes.

Vous assurez, malgré la déposition formelle de l'historiographe du cardinal de Richelieu, payé pour faire son panégyrique, que le Testament politique est de ce ministre. On vous y montre des méprises grossières, indignes de tout homme en place et de tout écrivain. Montrez-nous donc quelques preuves convaincantes que le cardinal de Richelieu est en effet l'auteur de ces bévues.

Vous êtes tenu de faire voir au moins l'ouvrage signé de sa main; vous n'avez que cette unique ressource, et encore nous examinerons si cette preuve scrait décisive.

Objection.

« Il ne paraît pas facile, dit-on dans la Préface de » l'éditeur du nouveau Testament politique, de » concilier l'opinion où l'on était à l'hôtel de Riche>> lieu, que le Testament politique était du cardi»> nal de Richelieu, avec ce qu'avance M. de Voltai» re, qu'ayant fait demander chez tous les héritiers » du cardinal, si on avait quelque notion que le » manuscrit du testament ait jamais été dans leur » maison, on répondit unanimement que personne » n'en avait eu la moindre connaissance avant l'impression,

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Réponse.

Rien n'est plus aisé à concilier. M. de Voltaire chercha ce manuscrit dans l'hôtel de Richelieu; il ne l'y trouva pas, et les dépositaires des archives lui dirent qu'ils ne l'avaient jamais vu. En effet, le seul exemplaire manuscrit qui avait été chezmadame la duchesse d'Aiguillon, seconde du nom, comme il était dans trente autres bibliothèques de Paris. fut transféré en 1705 avec d'autres papiers du cardinal, au dépôt des affaires étrangères. Nous verrons en son lieu de quelle autorité est ce manusorit.

Réflexion.

D'où venait l'édition du prétendu Testament po

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