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plus beau génie de son temps, et le plus vertueux de tous les empereurs après les Antonins.

La Blétrie répète sérieusement le conte ridicule que Julien, dans ses opérations théurgiques, qui étaient visiblement une initiation aux mystères d'Éleusine, fit deux fois le signe de la croix, et que deux fois tout disparut. Cependant, malgré cette ineptie, La Blétrica été lu, parce qu'il a été souvent plus raisonnable.

Au reste, nous osons dire qu'il n'est point de Français, et surtout de Parisiens, à qui la mémoire de Julien ne doive être chère. Il rendit la justice parmi nous comme Lamoignon; il combattit pour nous en Allemagne comme Turenne; il administra les finances comme un Rosni; il vécut parmi nous en citoyen, en héros, en philosophe, en père: tout cela est exactement vrai. On verse des larmes de tendresse quand on songe à tout le bien qu'il nous fit. Et voilà celui qu'un polisson appelle Julienl'Apostat.

En admirant la valeur de Charlemagne, fils d'un héros usurpateur, et son art de gouverner tant de peuples conquis, c'était assez d'être homme pour gémir des cruautés qu'il exerça envers les Saxons;、 et nous avouons que nous n'exprimâmes pas assez fortement notre horreur. Le tribunal veimique, qu'il institua pour persécuter ces malheureux, est peut être ce qu'on inventa jamais de plus tyrannique. Des juges inconnus recevaient les accusations rédigées par un délateur, n'entendaient ni les témoins ni les accusés, jugaient en secret, condamnaient à la mort, envoyaient des bourreaux dégui

sés, qui exécutaient leurs sentences. Cette cour d'assassins privilégiés se tenait à Ormound en Westphalie; elle étendit sa juridiction sur toute l'Allemagne, et ne fut entièrement abolie que sous Maximilien I er. C'est une vérité horrible, dont peu d'au teurs parlent, mais qui n'en est pas moins avérée.

Que devait-on dire de l'iniquité dénaturée avec laquelle il dépouilla de leurs états les fils de son frère? La veuve fut obligée de fuir, et d'emporter dans ses bras ses malheureux enfants chez Didier, son frère, roi des Lombards. Que devinrent-ils, lorsque Charlemagne les poursuivit dans leur asile, et s'empara de leurs personnes? Les secrétaires, les moines, qui fabriquaient des annales, n'osent le dire: nous nous taisons comme eux; et nous souhaitons que ce Karl n'ait pas traité son frère, sa sœur et ses neveux, comme tant de princes, en ces temps-là, traitaient leurs parents. La foule des historiens a encensé la gloire de Charlemagne, et jusqu'à ses débauches. Nous nous sommes arrêtés la balance à la main; nous avons laissé marcher la foule: on nous a remarqué; on a voulu nous arracher notre balance; et nous avons continué de peser le juste et l'injuste.

Nous n'avons pu encore découvrir quel droit avait Charlemagne sur les états de son frère, ni quel droit son frère et lui et Pepin leur père avaient sur les états de la race d'Ildovic; ni quel droit avait Ildovic surles Gaules et sur l'Allemagne, provinces de l'empire romain, ni même quel droit l'empire romain avait sur ces provinces.

C'est immédiatement après Charlemagne que

commença cette longue querelle entre l'empire et le sacerdoce, qui a duré, à tant de reprises, pendant plus de neuf siècles: guerre dans laquelle tous les rois furent enveloppés; guerre tantôt sourde, tantôt éclatante; tour à tour ridicule et funeste; qui n'a semblé terminée que par l'abolition des jésuites; et qui pourrait recommencer encore, si la raison ne dissipait pas aujourd'hui, presque partout, les ténèbres dans lesquelles nous avons été plongés si long-temps.

ART. VIII. D'une foule de mensonges absurdes qu'on a oppo. sés aux vérités énoncées par nous.

Nous nous servons rarement du grand mot certain: il ne doit guère être employé qu'en mathématiques, ou dans ces espèces de connaissances, je pense, je souffre, j'existe; deux et deux font quatre. Cependant, si l'on peut quelquefois employer ce mot en fait d'histoire, nous crûmes certain, ou du moins extrêmement probable:

Que les premiers étrangers qui prirent et qui saccagèrent Constantinople, furent les croisés, qui avaient fait serment de combattre pour elle.

Que les premiers rois francs avaient plusieurs femmes en même temps; témoins Gontran, Caribert, Childebert, Sigebert, Chilpéric, Clotaire, comme le jésuite Daniel l'avoue lui-même.

Que le comble du ridicule est ce qu'on a inséré dans l'Histoire de Joinville, que les émirs mahométans et vainqueurs offrirent la couronne d'Égypte à Saint-Louis leur ennemi, vaincu, captif, chrétien, ignorant leur langue et leurs lois.

Que toutes les histoires écrites dans ce goût doi-` vent être regardées comme celle des quatre fils Aymon.

Que la croyance de l'Église romaine, après le temps de Charlemagne, était différente de l'Église. grecque en plusieurs points importants, et l'est en

core.

Que long-temps après Charlemagne, l'évêque de Rome, toujours élu par le peuple, selon l'usage de toutes les Églises, toutes républicaines, demandait la confirmation de son élection à l'exarque; que le clergé romain était tenu d'écrire à l'exarque suivant cette formule: « Nous vous supplions d'or>> donner la consécration de notre père et pas

>>teur. >>

Que le nouvel évêque était, par le même formulaire, obligé d'écrire à l'évêque de Ravenne; et qu'enfin, par une conséquence indubitable, l'évêque de Rome n'avait encore aucune prétention sur la souveraineté de cette ville.

Que la messe était très différente au temps de Charlemagne, de ce qu'elle avait été dans la primitive Église, car tout changea suivant les temps, suivant les lieux, et suivant la prudence des pasteurs. Du temps des apôtres, on s'assemblait le soir pour manger la cène, le souper du Seigneur (Paul aux Corinth.) On demeurait dans la fraction du pain (Act. ch. 2). Les disciples étaient assemblés pour rompre le pain (Act. ch. 20). L'Église romaine, dans la basse latinité, appelle missa ce que les Grecs appelaient sinaxe. On prétend que ce mot missa, messe, venait de ce qu'on renvoyait les caté

chumènesqui, n'étant pas encore baptisés, n'étaient pas encore dignes d'assister à la messe. Les liturgies étaient différentes; et cela ne pouvait alors être autrement : une assemblée de chrétiens en Chaldée ne pouvait avoir les mêmes cérémonies qu'une assemblée en Thrace. Chacun fesait la commémoration du dernier souper de Notre-Seigneur, en sa langue. Ce fut vers la fin du second siècle que l'usage de célébrer la messe le matin, s'établit dans presque toutes les Églises.

Le lendemain du sabbat, on célébrait nos saints mystères pour ne se pas rencontrer avec les Juifs. On lisait d'abord un chapitre des Évangiles; une exhortation du célébrant suivait; tous les fidèles, après l'exhortation, se baisaient sur la bouche en signe d'une fraternité qui venait du cœur; puis on posait sur unetable du pain, du vin et de l'eau; cha. cun en prenait; et on portait du pain et du vin aux absents. Dans quelques églises de l'orient, le prêtre prononçait les mêmes paroles par lesquelles on finissait les anciens mystères; paroles que notre divine religion avait retenues et consacrées: Veillez et soyez purs. Tous ces rites changèrent:lerite grégorien ne fut point le rite ambroisien. Le baptême, qui était le plongement dans l'eau, ne fut bientôt dans l'occident qu'une légère aspersion: les barbares du nord, devenus chrétiens, n'ayant ni peintres ni sculpteurs, ignorèrent le culte des images. L'Église grecque différa surtout de l'Église romaine en dogmes et en usages.

Jusqu'aux temps de Charlemagne, il n'y eut point e qu'on appelle de messe basse. Les formules qui

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