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M5 1.19

V. DICTIONNAIRE

DE

CAS DE CONSCIENCE,

OU

DÉCISIONS

DES PLUS CONSIDÉRABLES DIFFICULTÉS

TOUCHANT LA MORALE ET LA DISCIPLINE ECCLÉSIASTIQUE,

TIRÉES DE L'ÉCRITURE, DES CONCILES, DES DÉCRÉTALES DES PAPES, DES PÈRES,
ET DES PLUS CÉLÈBRES THÉOLOGIENS et canonistes.

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Un jugement est téméraire, lorsqu'on croit et qu'on juge qu'une personne a dit ou fait quelque mal, quoiqu'on n'ait aucune raison suffisante, aucun motif assez fort pour déterminer un homme prudent; en effet, c'est une témérité de croire le mal sans en avoir des preuves. Nolite judicare ut non judicemini. Nous ne voudrions pas que notre prochain formât de nous une mauvaise opinion sans sujet; il a le même droit que nous.

Il y aurait péché mortel à s'arrêter, de propos délibéré, à un jugement téméraire, lorsqu'il serait en matière grave, réfléchi et pleinement délibéré; il blesse gravement la réputation d'autrui et par conséquent la justice. Souvent les jugements téméraires, même en matière grave, ne sont que véniels, soit parce qu'ils ne sont pas pleinement volontaires, soit parce qu'ils ne sont pas notablement téméraires. Il n'y a pas même de péché véniel dans un jugement téméraire, si la volonté n'y a aucune part; si on le désapprouve dès qu'on s'aperçoit qu'il est injuste. Les personnes qui ont la crainte de Dieu ne doivent pas s'inquiéter des jugements téméraires qui s'offrent sans cesse à leur imagination; la peine qu'elles en éprouvent, les efforts qu'elles font afin de s'en débarrasser donnent assez à comprendre que ce sont de pures tentations auxquelles elles ne consentent pas.

Avez-vous distingué en confession le jugement du doute et du soupçon téméraire ? Le doute est une espèce de suspension qui tient notre esprit dans l'équilibre, sans qu'il penche ni d'un côté ni d'un autre. Le soupçon est une disposition à consentir, quoique faiblement. Le jugement enfin est un consentement ferme et déterminé. Figurez-vous une balance. Si la balance est dans un parfait équilibre, voilà le doute; si elle penche plus d'un côté que de l'autre, voilà le soupçon; enfin si l'un des bassins de la balance l'emporte entièrement sur l'autre, voilà le jugement formé; par exemple, vous pensez à la probité de cet homme, vous ne la croyez ni bonne ni mauvaise, voilà le doute; vous penchez à la croire mauvaise plutôt qu'à la croire bonne, voilà le soupçon; vous affirmez en vous-même qu'elle est mauvaise, voilà le jugement. Saint Paul ayant pris une poignée de sarments pour la jeter dans le feu, une vipère qui s'y trouvait, mordit la main du saint apôtre. Les habitants du pays portèrent dans cette occasion un jugement téméraire et précipité contre saint Paul, et se dirent entre eux : Il faut que cet homme soit bien coupable, puisqu'à peine échappé du naufrage, la vengeance divine le poursuit encore. Vous avez perdu quelque objet, aussitôt vous jugez que c'est un tel ou une telle qui l'a pris. Quelqu'un a-t-il le malheur de faire une faute, on l'en croit coupable toute sa vie; il a fait ceci, donc il est capable de faire cela.

Avez-vous interprété en mauvaise part les actions de votre prochain? Sa dévotion, l'avezvous regardée comme une hypocrisie, sa modestie comme une affectation, ses aumônes comme des traits d'amour-propre? Parce que l'œil est mauvais, on voit du mal partout. On juge les autres méchants, parce qu'on l'est soi-même.

Il y a plus de mal dans le jugement que dans le doute et le soupçon téméraire. Il faut plus de raison pour juger que pour soupçonner; il en faut plus pour soupçonner que pour douter. Par exemple, ous avez vu un homme voler, vous pouvez sans émérité juger que c'est un voleur; vous l'avez vu fuir d'une maison où l'on a fait un vol : vous pouvez sans témérité soupçonner que c'est cet homme, mais vous n'avez pas assez de raisons pour juger. Les jugements, les soupçons, les doutes sont plus ou moins téméraires, par conséquent plus ou moins griefs selon les raisons plus ou moins fortes qu'on a de juger, de douter ou Dictionnaire DE CAS DE CONSCIENCE. II.

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de soupçonner. Pour connaître la témérité d'un jugement, il faut avoir égard à la nature de l'action, aux circonstances du temps, du lieu, de la personne et surtout à ce qui porte à juger; si c'est l'orgueil, l'envie, la haine, la légèreté.

Défions-nous des raisons que nous croirions avoir de juger. Tel croit aujourd'hui ne s'être pas trompé dans son jugement, qui demain en reconnaîtra la témérité. Si nous ne pouvons justifier l'action du prochain, excusons du moins l'intention. Si une action avait cent visages, disait un saint évêque, il faudrait toujours la regarder par le plus beau. Il vaut mieux se tromper en jugeant favorablement, que de ne point se tromper en jugeant malignement.

CAS. Titia, mère de famille très-prudente, prend toutes sortes de précautions contre ses domestiques, elle met tout sous clef. Fait

elle un péché mortel?

JUIFS.

R. Non, c'est une supposition.

Les juifs sont ceux qui, dispersés parmi toutes les nations, observent encore la loi de Moïse, et rejettent celle de l'Evangile, ne reconnaissant pas Jésus-Christ pour le vrai Messie. Les 9 et 10° titres du premier livre du Code de Justinien traitent des juifs, et nous en avons aussi un titre dans le cinquième livre des Décrétales. Dagobert et PhilippeAuguste chassèrent les juifs de France. Louis Hutin les rappela, en 1315. Le parlement de Paris défendit par un arrêt rapporté par Bouchel, tom. I, p. 751, qu'aucun chrétien ne demeurât en qualité de domestique dans les maisons des juifs qui pouvaient encore être restés secrètement à Paris, et aux juifs d'en retenir aucun chez eux : ce qui est conforme à la défense qu'en fait Alexandre III, dans cinq de ses Décrétales. Bart. Fumus taxe même de tels domestiques de péché mortel, cn cas qu'il y ait danger de subversion. Il n'est pourtant pas défendu de trafiquer avec eux dans le besoin, comme il est évident par le ch. 2 de Usuris. Ils ne peuvent être pourvus d'aucune charge, dignité, ni office public; ils ne peuvent même être admis en témoignage, suivant le canon 23, II, q. 7. Il leur est défendu d'acheter aucuns fonds immeubles dans le royaume, comme l'observe Gui-Pape, qui excepte le Dauphiné. Les juifs étant avec raison mis au nombre des infidèles, on doit leur appliquer ce que nous avons dit au titre, Empêchement de la différence de religion. L'Eglise ordonne d'éviter avec soin de contracter mariage avec les juifs, d'avoir aucune familiarité avec eux; et c'est pour cela que, selon Panorme, une femme chrétienne ne peut sans péché être nourrice de l'enfant d'un juif, ni un chrétien se servir d'un médecin juif dans ses maladies.

CAS I. Un souverain a chassé les juifs de ses Etats, et a confisqué les biens qu'ils y avaient acquis par usure. L'a-t-il pu faire sans injustice?

R. Saint Thomas, Opusc. I, répond à la duchesse de Brabant qui l'avait consulté sur ce cas, qu'un prince peut bien dépouiller les juifs des biens qu'ils ont acquis par usures, mais qu'il ne peut en conscience les retenir, à moins que lui-même, ou ses prédécesseurs n'aient été contraints par le besoin de leurs affaires, de les leur payer; et qu'il est tenu de les restituer à ceux à qui ces mêmes juifs étaient obligés de les rendre. Il ajoute que si l'on ne peut connaître ceux à qui ces biens appartiennent, le prince les doit employer en de pieux usages suivant le conseil de son évêque, ou d'autres personnes de probité, ou s'en servir pour le bien public, ou l'utilité

commune.

CAS II. Quand un magistrat a justement condamné un juif à une amende pécuniaire au profit du prince, est-il, au moins en ce cas, permis au prince de se l'attribuer, lorsqu'il est certain que ce juif n'a point d'autre bien que celui qu'il a acquis par usure?

R. Non; car aucun juge ne peut adjuger le bien d'autrui à celui à qui il n'appartient pas. C'est pourquoi, puisque tout le bien de ce juif appartient à ceux de qui il a exigé des usures, le prince doit employer de telles amendes de la manière qui vient d'être marquée dans la décision précédente.

Mais parce qu'on peut objecter en faveur

du prince, que le dommage que les juifs causent à ses sujets par l'exaction des usures, retombe sur lui, en ce qu'il ne peut pas tirer d'eux autant de secours qu'il ferait, si ces exactions ne les appauvrissaient pas ; le même saint répond à cela, que le prince se doit imputer le dommage qu'il en souffre, puisqu'il n'oblige pas les juifs à travailler, comme on fait en Italie, et qu'il les laisse vivre dans l'oisiveté et dans la malheureuse pratique d'exercer l'usure. Certes, si un prince souffrait que ses sujets vécussent de brigandage et de vol, il ne pourrait se couvrir de ce prétexte pour s'attribuer les biens qu'ils auraient ainsi acquis, parce qu'il devrait imputer à son mauvais gouvernement le dommage qu'il pourrait souffrir par un tel désordre.

CAS III. Un juif, dont tout le bien ne provient que de ses usures, fait tous les ans un présent au seigneur du lieu où il est établi, afin de s'attirer sa protection. Ce seigneur peutil recevoir ce présent?

R. Il ne peut le recevoir que dans le dessein de le donner à ceux à qui ce juif a fait injustice, supposé qu'il les connaisse, ou de l'employer en de pieux usages, ou au profit du bien public, si ces personnes ne lui sont pas connues. A moins pourtant que ces biens usuraires n'aient été donnés lib. ralement à ce juif par ceux de qui il les avait reçus, et à qui il aurait offert sérieusement et de bonne foi de les restituer, ainsi que l'observe le même saint Thomas,

JURER.

Jarer, c'est prendre Dieu, comme première et infaillible vérité, pour témoin de ce qu'on dit, soit qu'on l'affirme ou qu'on le nie, ou qu'on le promette, et le prier qu'il en fasse connaître la vérité, quand il le jugera à propos. On peut faire un serment ou expressément, c'est-à-dire, en invoquant Dieu, ou quelqu'un de ses divins attributs, soit de vive voix, par écrit, par signe, etc., ou indirectement, par exemple en jurant par le ciel, par une telle église, par l'Evangile, ou par quelque autre créature. On divise le jurement en assertoire, en promissoire et en exécratoire. Nous en expliquerons ci-après la nature et la différence. Le jurement est licite, il est même un acte de religion; aussi en voyons-nous un grand nombre d'exemples dans l'Ancien et le Nouveau Testament. En effet, le jurement est souvent nécessaire pour établir la certitude de ce qu'on promet, ou de ce qu'on se propose. Néanmoins, l'usage fréquent du jurement est dangereux, parce que l'habitude qu'on en contracte fait aisément tomber dans le parjure, et qu'on pèche même en jurant, lorsque le serment qu'on fait n'est pas accompagné des trois conditions, qui seules le peuvent rendre permis. Nous expliquerons bientôt ces conditions. Ceux qui, pour éluder l'obligation du serment, se servent de termes équivoques ou de restrictions mentales, trompent le prochain et se rendent coupables de parjure devant Dieu, qui ne peut être invoqué pour témoin que de la vérité et de la sincérité. Enfin l'on doit regarder comme une erreur l'opinion de certains casuistes qui prétendent qu'en jurant sans avoir intention de jurer, ou de s'obliger par le serment qu'on fait, on ne commet pas un parjure, et qu'on n'est pas obligé d'exécuter son serment. C'est ce qui a été condamné par le clergé de France en 1700, par la censure des propositions suivantes, qui sont du nombre des 127 qu'il proscrivit.

Propositio LX. Cum causa licitum est jurare sine animo jurandi, sive res sit levis, sive sit gravis.

Propositio LXI. Qui jarandi intentionem non habet, licet falso juret, non pejerat, etsi alio crimine tenetur, puta mendacii alicujus.

Propositio LXII. Qui jurat cum intentione non se obligandi, non obligatur ex vi juramenti.

Censura. He propositiones sunt temerariæ, scandalosœ, perniciosæ, bonæ fidei illudentes, et Decalogo contrariæ.

Propositio LXIII. Si quis vel solus, vel coram aliis..... quocunque..... fine juret, se non fecisse aliquid, quod revera fecit, intelligendo intra se aliquid aliud quod non fecit, vel aliam viam ab ea, in qua fecit..... revera non mentitur, nec est perjurus.

Propositio LXIV. Causa justa utendi his amphibologiis est quoties id necessarium est aut utile ad salutem corporis, honorem, res familiares tuendas..... ita ut veritatis occultatio censeatur tunc expediens et studiosa.

Censura. He propositiones temerariæ sunt, scandalosa, perniciosa, illusoriæ, erroneæ, mendaciis, fraudibus et perjuriis viam aperiunt, sacris Scripturis adversantur.

CAS I. Josse se croit dans la nécessité de jurer en certains cas. Le peut-il faire sans péché?

R. Oui, sans doute; car quoique, selon le Sage, Eccli. xxIII, celui qui est accoutumé de jurer, se remplit d'iniquité, et attire sur sa maison les châtiments de Dieu Vir multum jurans replebitur iniquitate, et non discedet a domo illius plaga; il est néanmoins quelquefois nécessaire de se servir du jurement, pour confirmer une vérité qu'on fait difficulté de croire : Ad confirmationem est juramentum. Hebr. v; et même dit saint Thomas, 2-2, q. 83, a. 2, le jurement est un acte de religion, actus religionis, sive latriæ, dont on peut se servir comme d'un moyen propre à terminer les différends qui naissent entre les hommes. Soutenir le contraire, c'est tomber dans l'erreur de Viclef, dont le 43 art. réprouvé par le concile de Constance, était : Juramenta illicita sunt quæ fiunt ad roborandum humanos contractus et commercia civilia. C'est encore condamner la conduite des saints patriarches, Abraham, Isaac, Jacob et Moïse, et celle même de l'Apôtre, qui, dans plusieurs occasions ne s'est pas contenté de dire simplement la vérité, mais qui l'a quelquefois confirmée par serment en prenant Dieu pour témoin de la vérité qu'il avançait: Quæ autem scribo vobis, ecce co

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ram Deo quia non mentior, disait-il aux Galates. Or, dit saint Augustin, in Ep. ad Gal. Qui dicit: Ecce coram Deo, quia non mentior, jurat ulique; et quid sanctius hac juratione?

Mais afin que le jurement soit licite, il doit avoir trois conditions: la vérité, le jugement et la justice. Jurabis: Vivit Dominus in veritate et in judicio, et in justitia, Jerem. iv, 2 car si le jurement se fait sans jugement, il est indiscret et imprudent; si l'on s'en sert dans une chose fausse, c'est un parjure; et sans la justice, il est illicite et injuste. C'est suivant ces règles que Josse se doit conduire dans le cas proposé, pour ne pas se rendre coupable de péché en jurant; et surtout il doit bien prendre garde de ne pas trop se flatter au sujet de la nécessité où il croit être de jurer, en prenant une nécessité apparente pour une véritable.

CAS II. Juvénal jure souvent, mais il ne le fait jamais que dans des choses très-certaines. Pèche-t-il toujours mortellement en jurant ainsi sans nécessité?

R. Il n'en est pas du jurement comme du parjure, car le parjure renferme toujours un mépris de Dieu, qui ne peut être excusé de péché mortel; au lieu que jurer la vérité, quoique sans nécessité ne renferme pas toujours un mépris de Dieu. Unde, dit saint

Thomas, non oportet quod jurare sine causa, semper sit peccatum mortale, sicut jurare falsum. On ne peut donc assurer que Juvénal pèche toujours mortellement dans le cas proposé.

- Cependant son péché pourrait devenir mortel à raison du mépris, du scandale, etc. Voyez mon II vol. de Morale, ch. 4.

CAS III. Pansophius jure souvent sans nécessité en ces termes : Par le ciel, ce que je dis est vrai. Pèche-t-il ?

K. Oui sans doute, s'il le fait sans les trois conditions dont nous avons parlé. La raison est que, comme dit Jésus-Christ, Matth. xxIII: Qui jurat in cœlo, jural in throno Dei el in eo qui sedet super eum. Si ces paroles sont dites sans intention de jurer, il n'y a pas de

serment.

CAS IV. Quand Ursin jure, il dit seulement : Sur ma vie, ou sur ma tête. Est-ce là un véritable jurement? et pèche-t-il, lorsqu'il le fait sans une juste nécessité?

R. Le jurement exécratoire est le plus grand de tous, selon saint Augustin, in Psalm. vII, n. 3. Or, quand Ursin dit en jurant : Sur ma vie, ou sur ma lête, il profère cette espèce de jurement; car c'est la même chose que s'il disait: Je consens que Dieu m'ôte la vie, si je ne dis pas la vérité, ou sije ne fais pas ce que je promets. Donc son jurement est exécratoire, et par conséquent condamnable, puisqu'il le fait sans nécessité et par mauvaise habitude. Aussi Notre-Seigneur défend-il très-expressément ces sortes de jurements. Ego autem dico vobis, non jurare omnino, neque per cœlum... neque per terram..... neque per caput tuum ju

raveris. Matth. v.

CAS V. Eude étant pris à serment par son supérieur pour savoir la vérité d'une chose importante, dont il a eu connaissance, mais dont il ne se souvient pas, faute d'y penser, comme il le doit, jure qu'il n'en sait rien. Est-il coupable devant Dieu ?

R. Il l'est; parce que la seconde condition requise pour un jurement licite, qui est le jugement et la prudence, manque à son jurement, puisqu'il jure le faux pour n'avoir pas apporté toute la diligence qu'il devait, afin de s'assurer de la vérité avant que de jurer; et même quand on jurerait la vérité, on ne laisserait pas de pécher, si on jurait sans être bien informé, parce qu'on s'exposerait par sa faute à jurer aussi bien le faux que la vérité.

CAS VI. Alcime sait bien que, pour jurer sans péché, il faut la vérité, la justice et la discrétion. Mais il demande en quel cas la nécessité exempte de péché celui qui jure ?

R. Saint Thomas croit qu'il y a raison de jurer, 1 quand il s'agit de l'affermissement de la paix; 2° pour conserver a bonne réputation; 3° pour l'assurance de la fidélité à laquelle on est obligé; 4° pour autoriser l'obéissance qu'on doit à un supérieur; 5 quand il est nécessaire de donner une plus grande assurance d'une chose qu'on promet; 6° quand il est important d'attester une vérité que l'on fait difficulté de croire. Saint Thom. lect. 4, in Epist. ad Hebræos.

CAS VII. Othon jure quelquefois le nom de Dieu, sans faire attention actuelle à la malice que renferment les paroles qu'il profère. Pèche-t-il en cela?

R. Oui, quoi qu'en ait dit Layman; car pour pécher, il suffit qu'on veuille la malice du péché en soi, ou en sa cause. Or Othon veut la malice de son péché in causa, puisqu'il a contracté librement l'habitude de jurer, à laquelle il n'a pas renoncé comme il devait. Si cela n'était pas ainsi, un blasphémateur d'habitude ne pécherait point en blasphémant, sous prétexte qu'il n'aurait

aucune attention actuelle à la malice des blas

phèmes qu'il profère; ce qu'aucun théologien n'oserait soutenir.

CAS VIII. Diogène, en jurant qu'il ferait une certaine chose qu'il pouvait licitement faire, a eu une autre intention que n'avait celui à qui il a juré. Est-il obligé, nonobstant cela, d'accomplir son serment?

tromper; car alors il a péché, et en trom

R. Oui et non. Oui, s'il a eu dessein de

pant son prochain, et en faisant à Dieu l'injure de le prendre pour témoin et pour protecteur de sa duplicité. Non, s'il a eu de la personne à qui il a juré, comme s'il n'a bonne foi une intention différente de celle de voulu que s'engager à prêter, et que l'autre ait cru qu'il s'engageait à donner.

CAS IX. Papirius étant interrogé par Reinier, s'il s'était acquitté d'une promesse qu'il lui avait faite, l'a assuré qu'il y avait satisfait; quoique Reinier parûl en être persuadé, il n'a pas laissé de prendre Dieu à témoin de la vérité qu'il affirmait. S'est-il rendu coupable de péché par ce jurement?

R. Jurabis in judicio, c'est-à-dire, selon saint Thomas, ex necessaria causa et discrete. Or dans l'espèce proposée, Papirius a juré indiscrètement et sans nécessité, puisque Reinier n'exigeait pas de lui qu'il jurát, mais qu'il paraissait persuadé de la vérité qu'il lui disait. On ne peut donc excuser ce jurement de témérité, ni par conséquent de péché.

CAS X. Sevère, homme fort solvable, a besoin d'une somme de 3,000 liv. pour son commerce; il la demande à emprunter à Gabinius pour trois mois. Gabinius, qui est riche, lui promet de le faire, et confirme sa promesse par serment; mais comme il n'a pas dessein de l'exécuter, il se propose en luimême de se faire dispenser de son serment, et de ne point tenir sa parole. Peut-il jurer avec cette intention, sans tomber dans le parjure?

R. Non, car quand la chose sur laquelle on jure est licite, tant de la part de celui qui jure, que du côté de celui à qui on fait le serment, on est tenu de faire tous ses efforts pour l'exécuter, afin que le serment ne soit pas illusoire. Or un homme qui sans raison veut se faire dispenser de son serment, est bien éloigné de faire tous ses efforts pour l'accomplir. D'ailleurs, il n'a aucune raison de se faire dispenser; et sa dispense, fût-elle accordée par le pape,

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