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somme doit être employée en d'autres œuvres pieuses en faveur de cet hôpital ou de cette église.

Quand un testateur a deux choses de même nom et d'une valeur différente, comme une montre d'or et une d'argent, et qu'il en lègue une sans distinguer laquelle des deux, le choix appartient à l'héritier, qui peut s'acquitter du legs en donnant celle d'argent; car il est juste de présumer, à moins qu'il n'y ait des circonstances qui prouvent le contraire, que le testateur a eu intention de favoriser plus son héritier que le légataire. Cependant s'il s'agissait de plusieurs choses de même nature, comme de plusieurs chevaux de différents prix, l'héritier pourrait à la vérité relenir le meilleur, mais il serait de l'équité qu'il ne donnât pas le pire de tous au légataire, mais un d'un prix moyen. Si un testa eur avait légué un de ses deux chevaux à Jean, à quiilen aurait laissé le choix, et que l'héritier eût fait sommer Jean d'opter; si Jean était en demeure d'en faire l'option, et que le cheval vint à périr dans ces entre-temps sans la faute de l'héritier, la perte en tomberait sur le légataire en peine de son retardement ; et il pourrait même être condamné en un juste dédommagement qui serait dû à l'héritier, leg. 6 d Optione, etc. I. xxx, tit. 5. On doit dire la même chose de l'héritier, si le testateur lui avait déféré le choix, et qu'ayant été sommé d'opter par le légataire, il eût refusé ou négligé de le faire, ou que d'ailleurs il y eût du dol de sa part, soit pour avoir tenu caché le testament pour ne pas payer les legs, ou autrement. Quand les deux choses, dont l'une était léguée à Jean, viennent à périr après la mort du testateur, et avant le choix fait, elles périssent pour le léga'aire comme pour l'héritier, soit que le choix fût déféré au premier ou au second, lorsqu'on n'en peut imputer la perte ni à l'un ni à l'autre. Un légataire ne peut validement faire un choix avant que l'héritier ait déclaré qu'il accepte l'hérédité. Optione legata, placet non posse ante aditam hœreditatem optari; et nihil agi, si optatur. Leg. Optione, 16, ff. eod. tit. Quand un testateur, entre plusieurs choses, en a donné quelques-unes à choisir à un de ses légataires, et le reste à un autre, si le premier refuse le legs, l'autre en profite. Mais si ce premier légataire vient à mourir avant le choix fait, son droit est transmis par sa mort à son héritier. Leg. 17, ff. de Optione.

Il y a des legs qui produisent des intérêts et des fruits qui en sont l'accessoire; comme quand l'héritier doit une somme d'argent au légataire, et qu'il manque de la lui payer après une sommation faite; car ils ne sont jamais dus que du jour de la demande. Les fruits d'un fonds légué, qui sont pendants par les racines, appartiennent au légataire, comme étant un accessoire de son legs; mais ceux qui en ont été séparés avant la mort du testateur appartiennent à l'héritier seul. Selon notre jurisprudence, ces fruits sont dus du jour de la sommation ou de la demande, qui tient lieu de contestation en cause, que les lois romaines exigeaient.

Un legs conçu en termes absolus et sans condition est acquis au légalaire dès l'instant du décès du testateur; mais quand il est conditionnel, il ne lui est acquis que par l'événement de la condition. Mais il faut observer, 1° qu'un legs n'est pas toujours conditionnel, quand le testateur s'est servi du mot condition; car souvent ce terme se prend pour une charge imposée au légataire; mais on appelle condition proprement dite, celle de l'événement de laquelle le testateur fait dépendre la validité du legs qu'il fait. Comme si, par exemple il disait, Je lègue à Paul mon pré, à condition que Pierre y aura passage. Voilà une simple charge imposée à Paul. Si au contraire il disait: Je lègue ma maison à Paul, en cas qu'il soit marié au jour de mon décès, ce serait alors une vraie condition. D'où il suit que, dans le premier cas, le légataire à qui le legs est acquis, le transmet à son héritier par sa mort; mais dans le second cas, le legs ne lui appartient pas, s'il n'est pas encore marié lors du décès du testateur; 2° Que si le te-tateur avait apposé quelque condition injuste, impossible, ou contre les bonnes mœurs, d'où il eût voulu faire dépendre la validité du legs, le legs serait censé pur et simple; une telle condition ne pouvant obliger à rien le légataire.

Quand celui à qui le te-tateur fait un legs es déjà mort, ou bien qu'il vient à mourir avant le testateur, son héritier n'y a aucun droit de quelque nature que soit le legs. Quand il paraît par la nature d'un legs, ou par les termes du testament, que le testateur n'a eu intention de le destiner qu'à la seule personne du légataire; celui-ci venant à mourir après le testateur, ne le transmet pas à son héritier, mais il est éteint par sa mort. Tels sont les legs d'un usufruit et d'une pension viagère, lesquels ne passent jamais à l'héritier du légataire, à moins que le contraire ne paraisse par les termes du testament.

L'héritier qui est en possession d'une chose léguée, doit prendre un soin exact de la conserver; de sorte que, si elle vient à périr ou à se perdre par sa faute ou par sa négligence, il en est tenu envers le légataire; mais il ne répond pas d'une chose qu'il ne possédait pas encore quand le testateur est mort. Il n'est pas non plus tenu à la garantie du legs, quand le légataire en est évincé. Par exemple: Jules lègue à Jacques un bois taillis, qu'if croit lui appartenir. Jaques, après s'en être mis en possession, en est évincé par Antoine. L'héritier de Jules n'est pas tenu à donner à Jacques un autre bois, ni l'estimation de celui qui avait été légué; car on doit présumer que Jules n'eût pas légué ce bois, s'il avait su qu'il ne lui appartenait pas. Il faudrait dire tout le contraire, si Jules ayant partagé ses biens entre ses enfants, il avait donné à un d'eux ce bois taillis; car celui qui en serait évincé dans la suite, aurait son recours de garantie contre les autres; parce que Jules avait eu intention, en faisant un tel partage, que celui-la eût sa portion de l'hérédité comme

les autres. Cependant si la sentence d'éviction portait que le prix qui avait été payé serait rendu, comme il peut arriver dans le cas d'une vente faite à faculté de rachat, ou d'un fonds qui est du domaine du roi, le prix qu'on restituerait appartiendrait au légataire et non à l'héritier. Un legs conditionnel ou payable à un t rme non encore échu peut être payé par l'héritier du testateur; car il est le maître de décharger le légataire de la condition et de son effet, pourvu que ce ne soit pas au préjudice d'un tiers, comme cela pourrait être à l'égard d'une personne substituée.

Un legs devient caduc, 1° par la mort du légataire, soit antérieure ou postérieure à la date du testament, et avant celle du testateur; à moins qu'il ne contint quelque charge, comme de donner une telle somme ou une telle chose à un tel; car le legs subsisterait à l'égard de cette charge, parce qu'on la doit considérer comme un autre legs différent; 2° le legs devient encore caduc, quand le testateur l'a révoqué expressément, et la révocation même tacite le rend sans effet; 3 par la répudiation que le légataire en a faite, et quand la chose léguée a changé de nature; tel que serait le legs d'un arpent de terre, qui dans la suite aurait été changé en un cimetière; par le paiement d'une somme léguée. Ainsi, si je lègue à Claude 1,000 livres qu'il me doit, le legs devient caduc dès que j'en ai reçu dans la suite le paiement; 5° par l'aliénation que le testateur fait ensuite de la chose léguée. Mais si cette chose n'est qu'engagée, le legs subsiste, comme il subsiste aussi à l'égard de la partie qui reste, quand le total n'a pas été aliéné; 6° quand la chose léguée change de forme ou d'état, quoique la matière demeure toujours la même. Ainsi, lorsque Jérôme a légué à Marcel une telle pièce de drap, et que dans la suite il en a fait faire des habits, Marcel n'a plus rien à prétendre à ce legs; 7° par cette même raison, si le testateur, après avoir légué un fonds, en retranche une partie pour agrandir son parc ou ses bâtiments, le legs est diminué d'autant; et même si tout le fonds légué avait été employé au même usage, le legs qui en aurait été fait deviendrait caduc pour le total.

Un homme qui s'est déclaré héritier pur et simple est tenu à payer tous les legs, quoiqu'ils excèdent la valeur de l'héritage. Du reste les legs souffrent des retranchements, quand les successions ne suffisent pas pour acquitter les dettes, et satisfaire aux droits des héritiers.

Le légataire à titre universel sera tenu comme le légalaire universel, des dettes et charges de la succession du testateur, personnellement pour sa part et portion, et hypothécairement pour le tout.

Les droits d'enregistrement seront dus par le légalaire, à moins qu'il n'en ait été ordonné autrement par le testament. Le légalaire à titre particulier ne sera point tenu des dettes de la succession, sauf la réduction du legs. Lorsque le legs sera d'une chose indéterminée, l'héritier ne sera pas obligé de la donner de la meilleure qualité, et il ne pourra l'offrir de la plus mauvaise. Le legs fait au créancier ne sera pas censé en compensation de la créance, ni le legs fait au domestique en compensation de ses gages.

CAS I. Hervé demeurant dans le diocèse de Paris, lègue par son testament à Denys, l'un de ses héritiers, quatre bœufs et un troupeau de moutons par préférence aux autres, avec lesquels il veut néanmoins qu'il partage le reste de l'hérédité par égale portion. Denys accep e le legs, et veut partager le surplus de la succession d'Hervé avec ses cohéritiers; mais ceux-ci soutiennent que son legs lui doit tenir lieu de portion. Leur opposition est-elle juste ?

R. Elle ne le serait pas selon le droit romain, elle ne l'est pas non plus selon la loi qui nous régit; c'est ce que l'on appelle un préciput hors part.

CAS II. Adolphe a fait à Gustave un legs conçu en ces termes : Je prie Titius, mon héritier, de donner 1,000 liv. à Gustave. Titius est-il tenu de donner ce legs au légataire, quoique Adolphe ne le lui ait pas expressément ordonné, mais qu'il s'est seulement contenté de l'en prier?

R. Il y est tenu. Car de quelque manière qu'on teslateur exprime sa volonté, l'héritier est obligé de l'accomplir, comme s'il le lui avait ordonné en termes formels: Omne verbum significans testatoris legitimum sensum, legare vel fideicommittere volentis, utile atque validum est; sive directis verbis, quale esi, JUBEO forte; sivoprecariis utatur testator,

quale est, ROGO, VOLO, MANDO, FIDEICOMMITTO: Nos enim, non verbis, sed ipsis rebus leges imponimus, leg. 2, Cod. lib. vi, tit. 43.

CAS III. Théochilde, femme riche de plus de 300,000 liv. de rente, a fait son testament huit jours avant sa mort, par lequel elle a fait plusieurs legs assez considérables, et entre autres, un de 1,000 liv. à son confesseur, un de 6,000 liv. à son avocat, un de 3,000 liv. à son procureur, et un de 4,000 liv. à son médecin, ou son apothicaire. Paul, unique héritier de cette dame, prétend faire déclarer ces quatre legs nuls, comme ayant été suggérés par des personnes que les lois ne jugent pas capables d'en profiter. Ce procédé n'est-il point injuste?

R. 1 l y a des arrêts pour et contre les legs faits aux confesseurs. Ainsi, on n'en peut tirer aucune règle certaine pour la conscience. Ricard, dans son Traité des donations, dit que dans cette diversité d'arrêts il suivrait volontiers l'opinion de ceux qui déclarent nuls ces sortes de legs, particulièrement, lorsque le legs est considérable, et qu'il est fait par une personne faible et susceptible d'impression. Il aurait fallu ajouter, et qu'il y a preuve que le confesseur a usé de suggestion. Le président Fabert, jurisconsulte très-éclairé, tient qu'on peut nonseulement faire un legs à son directeur

mais encore qu'un tei legs doit être privilégié. Et véritablement si ce legs a pu lui être fait sans incommoder les héritiers, il doit être confirmé dans toutes sortes de tribunaux, nonobstant les injustes plaintes des héritiers avides, qui pour la plupart ne sont jamais contents des riches successions dont ils profitent, et qui souvent même par leurs mauvaises chicanes, contraignent de pauvres et anciens domestiques à se contenter au plus de la moitié de ce qui leur a été légué par reconnaissance ou par charité, dureté dont nous avons des exemples récents, que la prudence nous oblige de supprimer. Il est vrai que si un confesseur s'était oublié, jusqu'à induire un testateur à lui laisser un legs, et qu'on l'en pût convaincre, il mériterait d'en être privé, et d'être traité comme un lâche mercenaire; mais quand on ne peut lui reprocher ni suggestion, ni dol, il n'est pas au pouvoir d'un juge de lui ôter ce qui lui a été libéralement donné, puisqu'il n'est aucune loi du prince qui défende aux testateurs de faire un tel don, ni qui rende un confesseur inhabile à le recevoir.

2. A l'égard des legs faits à un médecin ou à un apothicaire, les parlements les ont déclarés nuls, et même le parlement de Bourgogne, le 21 juin 1564, déclara nulle la donation faite par un homme malade d'un cancer, à une femme noble, qui ne l'avait pansé que par un pur esprit de charité. On a cependant maintenu ces legs en deux cas : 1 quand le légataire était parent du testateur; 2° quand le médecin n'est pas le médecin ordinaire du malade qui lui a fait le legs, mais qu'il est seulement son ami. Or, ce que la jurisprudence des arrêts approuve dans ces deux cas, ne nous paraît pas moins juste en tout autre, où il n'y a ni fraude ni induction de la part du médecin ou de l'apothicaire, et lorsque la personne qui a fait le legs, n'y a été portée que par une pure générosité ou par une juste reconnaissance; parce qu'il n'y a aucune loi qui les rende inhabiles à en recevoir, et que les ordonnances et la coutume de Paris, art. 276, n'excluent que les tuteurs, curateurs, baillistres, pédagogues et administrateurs, à cause de la trop grande autorité qu'ils ont sur leurs mineurs et autres qui leur sont soumis. C'est à peu près le raisonnement que fit Omer Talon en 1665, en faveur d'un chirurgien lé gataire, à qui l'arrêt de la cour fut favorable. 3 Les arrêts ont toujours été plus favorables aux avocats et aux procureurs. Cependant, quand le parlement de Paris, par son arrêt du 22 juin 1700, confirma à Francois Pilon, procureur au Châtelet, le legs universel qu'on prétendait être de 150,000 liv. que lui avait fait la dame de Buat par un testament olographe, dont il était luimême le dépositaire, quoiqu'il fût prouvé au procès que Pilon occupait actuellement pour cette dame, lors de la date du testament, M. le premier président, après l'arrêt prononcé, déclara de la part de la cour, qu'elle ne prétendait pas autoriser les donations failes au profit de ceux qui ont l'administra

tion des affaires d'autrui; qu'elle ne venait d'adjuger à Pilon le legs qu'on lui avait contesté, que parce que sa probité était reconnue de tout le monde. Si l'on en pouvait dire autant de tous les autres, on ne se plaindrait plus, comme on fait quelquefois, de tant de suggestions indignes, qu'on est obligé de réprimer par les arrêts.

Nous concluons de tout ceci, que les quatre legs que Théochilde a faits, doivent être payés aux légataires, et que Paul ne peut sans injustice leur en refuser la délivrance, à moins qu'il n'ait des preuves positives, qu'il y a eu de leur part du dol, ou une suggestion capable de diminuer considérablement la liberté que doit avoir un testateur : joint à cela que les quatre legs ne se montent qu'à la somme de quatorze mille livres, une fois payée, qu'on ne peut regarder comme une libéralité exorbitante à l'égard d'une personne de qualité, qui a plus de trois cent mille livres de rente, et qui par conséquent en laisse encore deux cent quatre-vingt-six mille à son héritier.

La loi est maintenant positive. Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé qui auront traité une personne pendant une maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre-vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie. Sont exceptées les dispositions rémunératoires faites à titre particulier. Les mêmes règles sont applicables au confesseur du donateur pendant sa dernière maladie.

CAS IV. Chéron a légué trois mille livres à Léodegonde, sa nièce, en cas qu'elle entrât en religion. Cette fille y est entrée ; mais après y avoir passé six mois, elle en est sortie et a demandé son legs que l'héritier du défunt lui a refusé, sous prétexte qu'elle n'a pas accompli la condition sous laquelle Chéron le lui avait fait. Cet heritier peut-il en conscience persister dans son refus?

R. Si cette fille est entrée de bonne foi en religion et dans le dessein d'y faire profession, et qu'elle n'en soit pas sortie par sa faute, mais, par exemple à cause de sa complexion trop faible, le legs qu'on lui a fait sous une telle condition lui est acquis, et l'héritier ne peut sans injustice lui en refuser le paiement, puisqu'elle a accompli la condition autant qu'elle l'a pu. Mais si elle n'était entrée en religion que dans le dessein d'avoir son legs, et qu'elle en fût sortie par sa faute et sans qu'on la congédiât, le legs ne lui serait pas dû; car elle serait censée n'avoir pas accompli la condition sous laquelle le legs lui aurait été fait.

CAS V. Augustin, âgé de vingt ans, se voyant au lit de la mort, a fait son testament par lequel il a légué à Paulin, son tuleur, une somme de mille livres en reconnaissance des soins qu'il a pris de lui et de ses biens. Ses frères prétendent qu'il n'a pu faire ce legs à son tuteur. Ont-ils raison?

R. Oui, car François Ier, dans son ordonnance du mois d'août 1539, parle ainsi, art. 131 Nous déclarons toutes dispositions

d'entre-vifs ou testamentaires, qui seront ci-après faites par les donateurs où lestateurs au profit et utilité de leurs tuteurs, curateurs, gardiens, baillistres, et autres leurs administrateurs, être nulles et de nul effet et valeur. Et Henri II, dans sa Déclaration du mois de février 1549, ajoute que telles dispositions faites à des personnes interposées par lesdits tuteurs pendant leur administration, sont pareillement nulles, soit qu'elles soient faites entre-vifs ou à cause de mort. Il en est donc de ces sortes de personnes comme des bâtards, des étrangers et des personnes condamnées à mort, que la loi a déclarées inhabiles à succéder à leurs parents, soit ab intestat ou autrement,

D'après le code civil, le mineur devenu majeur ne pourra disposer, soit par donation entre-vifs, soit par testament au profit de celui qui aura été son tuteur, si le compte définitif de la tutelle n'a été préalablement rendu et apuré.

CAS VI. Pierre a fait un legs de deux mille livres pour être employées par Isaac, son héritier, à un certain usage déterminé. Mais Isaac trouve à l'employer à un autre usage beaucoup plus utile et plus important. Ne peut-il pas, sans péché, changer cette destination?

R. Il ne le peut de sa propre autorité, parce qu'un héritier n'a aucun droit à la succession des biens d'un défunt, qu'à la charge d'exécuter sa dernière volonté. Néanmoins, comme il peut y avoir quelquefois de justes causes de faire ce changement, le juge séculier le peut ordonner sur la requête de l'héritier à l'égard des legs profanes, et le supérieur ecclésiastique à l'égard des legs pieux, cap. 3, de Testamentis, etc. Mais en cas de litige, le juge séculier connaît aussi des legs pieux selon no re usage.

CAS VII. Aumond a légué cinq mille livres pour la construction d'une salle dans l'hôpital de la ville où il demeurait; mais cette salle a été bâtie par les libéralités d'une autre personne, ou bien les administrateurs ont déclaré qu'elle était inutile. Gervais, héritier d'Aumond, a voulu profiter de ce legs, puisqu'il ne pouvait avoir son effet; mais ces administrateurs prétendent qu'il doit délivrer la somme léguée, pour être employée aux autres besoins des pauvres. Peuvent-ils justement l'y obliger?

R. Oui; car il est constant qu'Aumond a voulu distraire cette somme des biens qu'il laissait à son héritier, et la consacrer au soulagement des pauvres; et l'on doit présumer avec raison, que s'il eût prévu qu'un autre eût fait batir la salle dont il s'agit, etc., il eût destiné la même somme à secourir les pauvres de cet hôpital d'une autre manière plus utile. Or, on doit suivre exactement la volonté des testateurs, quand elle et suffisamment connue: Semper vestigia voluntatis sequimur testatorum, dit la loi 5, cod. de Necess. servis, etc. En un mot, cette somme ayant été consacrée à Dieu en la personne des pauvres, l'héritier ne peut, sans une espèce de sacrilége, la retenir.

Elle doit donc être employée à procurer d'autres secours à cet hôpital, de l'avis de ceux qui sont préposés pour le gouverner.

CAS VIII. Philologue a légué 1,000 livres à une communauté religieuse, pour bâtir un dortoir, et a déclaré qu'il voulait que cette somme ne fût pas payée par son héritier au cas qu'elle ne fût pas employée à cet usage. Cette communauté n'est pas capable de recevoir ce legs, parce qu'elle n'a point de lettres patentes. L'héritier peut-il en conscience retenir à son profit les 1,000 livres ?

R. Il ne le peut pas, parce que les legs pieux ont cela de favorable, que s'ils ne peuvent être appliqués à l'usage auquel ils avaient été destinés par le testateur, le supérieur ecclésiastique comme interprète de la volonté des testateurs défunts, a droit d'en faire une autre destination, quelque clause que contienne au contraire le testament; une telle clause étant contraire au droit ecclésiastique, comme il est évident par ces paroles de Grégoire IX, cap. 17, de Testam: Cum in omnibus piis voluntatibus sit per /ocorum episcopos providendum, ut secundum defuncti voluntatem universa procedant, licet etiam a testatoribus id contingeret interdici, mandamus, etc. Mais quand nous disons que le seul évêque est l'interprète de la dernière volonté des défunts, cela se doit entendre des cas où il n'y a point de litige formé sur le fond. Car, quand il y a litige, c'est selon la jurisprudence de France, au juge royal à en décider, nonobstant ce qu'en a statué le concile de Trente, sess. 22, c. 8, dont le décret sur ce point n'est pas reçu dans ce royaume.

CAS IX. Gentien ayant légué 50 livres de rente à l'hôpital de S. pour faire apprendre un métier à de pauvres enfants, à condition que ceux de sa famile soient préférés; Antoinette, pauvre femme, proche parente du testateur, a obtenu, par grâce de l'administrateur de cet hôpital, la jouissance de cette rente sa vie durant, du consentement de ses autres parents, et a subsisté par ce secours pendant plusieurs années, après quoi elle en a fait remise au même hôpital, ayant profité d'une pet te succession qui lui est échue. On demande sur cela, 1o si l'administrateur a pu accorder la jouissance de cette rente à Antoinette, au préjudice des pauvres enfants en faveur desquels ce legs avait été fait, et contre l'intention de Gentien; 2° si, supposé qu'il ne l'ait pu faire sans péché, il est tenu à la restitution de tout ce qu'Antoinette a touché de la rente depuis qu'elle en jouit, en cas que cette femme, qui y est obligée la première, ne fasse pas cette restitution; 3° si Antoinette y était obligée, et ne le pouvant plus faire à cause d'une donation qu'elle a faite à ses héritiers présomptifs de la plus grande partie de la succession qui lui était échue, elle est tenue de faire casser celle donation, si elle le peut, afin de se mettre en état de faire la restitution; 4 enfin, supposé qu'elle ne puisse faire casser cette donaiion, à quoi est-elle obligée pour mettre sa conscience en sûreté?

R. M. de S. B. consulté sur ce cas, y répond que l'administrateur de cet hôpital n'avait pu, sans une injustice visible, accorder la jouissance de ces 50 livres à Antoinette, quoique pauvre et parente du testateur puisqu'il ne lui était pas permis de changer de son autorité particulière la destination de ce legs, sans frauder la volonté du testateur, et sans faire une injustice évidente aux pauvres enfants à qui ce legs appartenait. Il faut donc dire, 1° qu'Antoinette est tenue la première à faire la restitution de tout ce qu'elle a reçu de cette rente, et de l'employer, conformément à l'intention de Gentien, à faire apprendre un métier aux pauvres enfants de la famille de ce défunt, s'il y en a, ou à d'autres, à leur défaut; et que par conséquent elle doit se servir de tous les moyens possibles pour accomplir cette obligation; soit en révoquant la donation qu'elle a faite à ses héritiers présomptifs, s'il est encore en son pouvoir de le faire; soit en représentant à ces mêmes héritiers qu'elle n'a pu en conscience leur céder ce bien, et les exhortant à faire la restitution à laquelle elle est tenue; ou enfin en cas qu'ils refusent de la faire, en épargnant tout ce qu'elle pourra pour la faire elle-même, au moins en partie, s'il ne lui est pas possible de la faire entière; 2° en cas qu'Antoinette ne puisse pas restituer, ou que le pouvant, elle ne le veuille pas, ni ses héritiers présomptifs non plus, l'administrateur de l'hôpital y est obligé à leur défaut, puisque c'est lui qui est la principale cause de l'injustice qui a été faite aux pauvres enfants, au profit desquels seuls les 50 livres de rente devaient tourner.

-S'il n'y avait point eu actuellement d'autres pauvres enfants que les parents du testateur, Antoinette ne serait obligée à rien, parce que tous ses parents avaient consenti. Je crois aussi qu'on devrait compler pour quelque chose le consentement présumé des autres pauvres, qui aiment mieux souffrir pour un temps, que voir souffrir la proche parente de leur bienfaiteur. Enfin, je crois que dans de petits cantons, où il y a peu de lumières, la bonne foi peut beaucoup diminuer la faute et l'obligation de l'administrateur; et plus encore, s'il a consulté le juge.

CAS X. Tertullus ayant légué à Mainfroi 2,000 livres en ces termes : Je donne 2,000 livres à Mainfroi, parce qu'il a pris de grands soins en la poursuite du procès que Jean m'a intenté, et qu'il me défendit l'année dernière contre des voleurs, etc. Mainfroi a demandé à l'héritier la délivrance de son legs. Mais l'héritier ayant en main des preuves que ce légataire ne s'est point mêlé du procès de Tertullus, et qu'il n'était pas avec lui dans le temps qu'il fut attaqué par les voleurs, lui en refuse le payement. Ne le peut-il pas en conscience, puisque les deux motifs du legs énoncé dans le testament sont faux?

R. Il ne le peut. Car quand un testateur s'est exprimé nettement au sujet d'un legs qu'il fait, sa disposition ne laisse pas de sub

sister, quoiqu'il y ajoute des motifs pour lesquels il semble l'avoir faite, et que ces motifs se trouvent faux. La raison est que la volonté seule du testateur suffit indép ndamment de tout motif, et que le motif qu'il a' bien voulu y ajouter, marque seulement, ou qu'il s'est trompé en l'y ajoutant, ou qu'il a voulu faire honneur au légataire, et rendre sa disposition plus favorable: Falsam causam legato non obesse verius est, dit la loi 72, ff. de Conditionib., etc., quia ratio legandi legato non cohæret. Mais ce serait le contraire, si le testateur avait exprimé son motif de manière à en faire une condition, de laquelle il voulait faire dépendre l'effet de sa disposition. Par exemple, s'il avait dit : Je donne 2,000 livres à Manfroi, en cas qu'il se trouve qu'il m'ait aidé dans la poursuite du procès que Jean m'a suscité. C'est ce que dit Justinien, § 31, de Legatis, 1. n, tit. 20.

-Si l'héritier prouvait solidement comme ce serait à lui de le faire, que le testateurn'a légué que parce qu'il croyait vraies les raisons dont il a motivé son legs, le legs ne tiendrait pas, selon Ferrière. V. Legs fait pour quelque cause, pag. 155. Que si le testateur avait légué à Jean, son cousin, et qu'il ne le fût pas, le legs tomberait encore plus aisément.

CAS XI. Pamélius ayant engagé une maison qu'il avait léguée par son testament, à Caïus pour tenir lieu d'hypothèque de la somme de sept mille livres qu'il avait ensuite empruntée de Thierri, et ayant même stipulé que cette maison demeurerait propre à Thierri, en cas qu'il ne lui rendit pas cette somme dans deux ans, il est venu à mourir un an après l'emprunt fai. Caïus a demandé la délivrance de ce legs à l'héritier du défunt, qui le lui a refusé, soutenant que le testateur avait assez fait connaître par son engagement avec Thierri, qu'il avait eu intention dans la nécessité de ses affaires de révoquer son legs. Cet héritier n'a-t-il pas raison?

R. Non, car quand la chose engagée appartient encore au testateur dans le temps qu'il vient à mourir, le légataire en devient le maître. Or la maison dont il s'agit appartenait encore à Pamélius, lorsqu'il est décédé elle doit donc passer à Caïus, à qui il l'avait léguée. Car l'aliénation n'étant pas encore arrivée, et la propriété de cette maison étant demeurée au testateur jusqu'au moment de sa mort, son héritier, qui n'a pu accepter l'hérédité sans se charger en même temps des dettes qui y sont attachées, est tenu de dégager la maison et de la délivrer franche et quitte à Caïus, légataire. C'est ainsi que le Droit l'a décidé, leg. 3, Cod. de Legatis. Ce qui se doit entendre, supposé que

héritier ait d'ailleurs profité par la succession d'autres biens suffisants pour payer à Thierri les 7,000 livres qui lui sont dues.

CAS XII. Carpophore a légué sa maison à Théotime. Etant revenu en convalescence, il en a fait abattre et refaire une partie; six mois après, il fait la même chose à l'égard de l'autre partie, en sorte qu'en deux ans

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