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juste, à la charge qu'on payerait Nicolas; mais Guiraud les empêcha encore de rien conclure. Une dame de piété, touchée de ce scandale, offrit 50 liv. à la fabrique, pourvu qu'on cessât de plaider. Le marguillier en charge accepta la somme sons cette condition qu'il n'exécuta pas. Enfin Nicolas, par le conseil de son curé, fit saisir les biens de la fabrique, et donua parole à Fulerand qu'il ne se désisterait point jusqu'à son entier payement. Cependant ayant donné mainlevée de la saisie, à l'insu de Fulerand et à la sollicitation de Guiraud, qui lui fit toucher le quart de ce qui lui était dû, Fulerand fit saisir en son nom sur les marguilliers ce qui restait à payer des honoraires dus à ce vicaire; ce qui lui fut adjugé par une sentence, de laquelle Guiraud appela comme d'abus, et dont il se désista dans la crainte d'être condamné aux dépens.Sur quoi on demande, 1o si les marguilliers et Guiraud ne sont pas obligés solidairement à dédommager Fulerand des frais et des pertes qu'il a faits; 2° si le marguillier ne doit pas restituer à la dame les 50 liv. qu'il en a reçues; 3 si Nicolas n'est pas tenu envers Fulerand du tort qu'il lui a causé par son désistement ?

R. Guiraud a grièvement péché contre la charité et contre la justice; d'où nous concluons, 1° qu'il est obligé solidairement avec les marguilliers, et chacun d'eux au défaut des autres, à restituer à Fulerand tous les frais qu'il a fits pour se défendre contre leur vexation, et tous les autres dommages qu'il en a pu souffrir; 2° que cependant les marguilliers y sont obligés les premiers à l'égard de tout ce qui a été fait en leur nom, et Guiraud à leur défaut, parce qu'il n'a fait que les conseiller; 3° que ces marguilliers, qui avaient le juge et le procureur fiscal à leur tête, ne peuvent s'excuser sur leur bonne foi, puisqu'ils ne pouvaient ignorer la mauvaise manœuvre de Guiraud, et qu'ils ont refusé toutes les voies d'accommodement; 4° qu'ils doivent faire la restitution de leurs propres deniers, et non de ceux de la fabrique; 5° que le marguillier qui a reçu les 50 liv. de la dame doit les lui restituer, puisqu'on n'a pas accompli la promesse qu'on lui avait faite; 6° enfin Nicolas est obligé de payer sa pension, et en outre de dédommager son curé des frais qu'il a été obligé de faire, depuis qu'il a donné mainlevée de la saisie qu'il avait faite des revenus de la fabrique, puisqu'il l'a donnée contre la promesse qu'il avait faite au curé, à qui il a ôté par là l'assurance de son dû et la facilité d'en être payé.

CAS CXXX. Gratien étant mort à Paris, un ami de son frère l'a fait enterrer et a payé 300 liv. pour ses frais funéraires. L'héritier du défunt, qui les trouve exorbitants, ne veut lui rendre que 150 liv. Peutil en conscience s'en tenir là?

R. Il doit restituer les 300 liv., s'il paraît par les circonstances de la qualité du défunt, du lieu ou il a dû être enterré, et de l'usage reçu, qu'elles ont été employées avec

prudence et de bonne foi. Sans quoi l'héritier serait en droit de les faire réduire, attendu qu'il n'est pas juste qu'on fasse pour un gentilhomme d'un revenu médiocre ce qu'on ferait pour un autre très-opulent. Tout cela est conforme aux lois romaines : Sumptus funeris arbitrantur pro facultatibus vel dignitate defuncti... ut neque plus imputetur sumptus nomine quam factum est, neque tantum quantum factum est, si immodice factum est. Leg. 12 et 14, ff. de Relig. et Sumptib. funerum, lib. xi, tit. 7.

CAS CXXXI.Séus ayant accepté la procuration d'Albert, pour prendre gratuitement soin de ses affaires, y a toujours agi de bonne foi, mais avec quelque négligence, ce qui a été cause qu'Albert a fait pour 200 liv. de faux frais dans un procès. Séïus doit-il

les restituer à Albert?

R. Oui, parce qu'un mandataire, même gratuit, est tenu d'avoir les mêmes soins qu'un homme sage et diligent a coutume d'apporter dans ses propres affaires, ainsi que le décide la loi 13, Cod. mand., etc.

Cela n'est ni bien prouvé, ni assez expliqué. En général le contrat in commodum solius dantis n'oblige que ex dolo et culpa lata, mais les tutelles, les mandats et la gestion des affaires sont exceptés de celle règle, et, selon les lois, elles obligent ex culpa levi; et quand le mandat ou la procuration regarde un procès, il oblige ex culpa levissima, parce que les procès demandent beaucoup de sollicitude. C'est ce que dit Bronchorst in Reg. 23, ff. pag. mihi 57.

CAS CXXXII. Lucius charge Titius de gérer ses affaires et de cultiver une terre de Mævius, son ami, qui est absent. Titius accepte gratuitement cette procuration; mais dans la suite il la néglige beaucoup, d'où Mævius souffre un dommage de 1,000 liv. Titius doit-il les rendre à Mævius ?

R. Oui; car il était tenu de prendre soin des intérêts de Mævius, comme si Mævius même l'en avait chargé; 1° parce que Lucius aurait donné cette commission à un autre qui l'aurait exécutée; 2° parce que, comme dit la loi 2, ff. Mandati, 1. xvII, t. 1, Mandatum inter nos contrahitur, sive mea tantum gratia tibi mandem, sive aliena tantum : veluti si tibi mandem ut Titii negotia geras.

Mais tout ceci ne se doit entendre que des commissions par lesquelles on donne charge en termes exprès, avec dessein de former une convention qui oblige, et non pas de ce que l'on recommande par une simple prière, par conseil ou d'une autre manière, qui ne renfermant aucune véritable convention, laisse la liberté entière à celui à qui l'on fait cette recommandation, de faire ou de nue pas faire ce qu'on lui recommande. Car dans ce cas on n'est tenu à restituer que quand il y a du dol.

CAS CXXXIII. Bartole a prié Gilles de lui faire faucher son pré dans le plus beau temps qu'il lui serait possible. Gilles en a accepté la commission; mais au lieu d'y faire travailler au premier beau temps, à l'exemple de ses voisins, il a différé de huit jours à le

faire; de sorte que le temps étant devenu pluvieux, le foin en a été considérablement endommagé. Gilles doit-il restituer ce dommage à Bartole, quoiqu'il ne se soit chargé de cette commission qu'à sa simple prière.

R. La commission de Bartole est proprement ce qu'on appelle en droit Mandatum; or le mandataire est tenu des fautes notables et légères, quoique le mandat soit gratuit ; ainsi, comme on ne peut excuser Gilles d'une faule au moins légère, il est obligé à réparer le dommage qu'il a causé par sa négligence. Voyez la remarque sur le cas Séius CXXXI.

CAS CXXXIV. Dracontius, après avoir accepté une procuration de Clodius pour gérer gratuitement ses affaires, s'est lassé d'en prendre le soin. Clodius, qu'il n'a pas averti de son changement de volonté, en a souffert un dommage de 800 liv. Dracontius doit-il lui restituer ?

R. Un procureur est obligé de faire savoir son changement de volonté à son commettant, s'il lui est possible, ainsi qu'il est porté par la loi 27, § 2, ff. Mand. vel contra, autrement il est tenu de tous ses dommages et intérêts. Si cependant il ne pouvait l'avertir, il ne serait tenu à rien, comme le dit encore la même loi.

-Si le mandataire avait prévu qu'il ne pourrait avertir son commettant, qui par exemple, allait partir pour la Chine, il ne pourrait s'excuser sur cette impuissance, et par conséquent il serait responsable de toutes les suites de sa mauvaise conduite. Preuve qu'il faut bien peser cette 19 règle du Sexte Non est sine culpa, qui rei quæ ad eum non pertinet, se immiscet.

CAS CXXXV. Sempronius voyant que la maison d'Eustochius, son ami, et absent, menace ruine, il la fait étayer; mais peu de temps après un ouragan l'a renversée, et sa dépense est devenue inutile. Peut-il cependant se la faire rembourser ?

H le peut. Si quis absentis negotia gesserit, licet ignorantis, tamen quidquid utiliter in rem ejus impenderit... habeat eo nomine actionem, dit la loi 2, ff. de Negotiis. Et cela, dit la loi 10, non solum si effectum habuit negotium quod gessit, sed si utiliter gessit, etsi effectum non habuit; et ideo si insulam (1) fulsit, etiamsi insula exusta est, aget, seu habebit actionem negotiorum gestorum.

CAS CXXXVI. Probus a pris de lui-même la défense de Rolland, son ami absent, à qui Caïus demandait injustement 2,000 1. Après avoir soutenu quelques mois le procès, et Rolland élant venu à mourir, il en a abandonné le soin, et par là a donné lieu à Caïus d'obtenir les 2,000 livres. L'héritier de Rolland veut rendre Probus responsable des 2,000 1. et des autres dommages qu'a soufferts la succession. Probus n'y veut pas consentir. A-t-il tort? R. Ia tort; car, quoique les lois n'obligent personne à se charger des affaires des autres, si ce n'est les tuteurs et semblables, il est pourtant vrai que celui qui s'en est chargé en leur absence est tenu de finir ce

qu'il a commencé, et n'est plus libre de l'abandonner, selon ce mot de la loi 21, § 2, 1. 11, tit. 18 Si vivo Titio negotia ejus administrare cœpi, intermittere, mortuo eo, non debeo... nam quæcumque prioris negotii explicondi causa gerentur, nihilum refert, quo tempore consumentur; sed quo tempore inchoarentur.

- Si Probus avait averti à temps l'héritier de Rolland, et qu'il lui eût donné les preuves qu'il avait contre son faux créancier, je ne crois pas qu'on eût rien à lui dire. On peut commencer de faire pour un tendre ami ce qu'on n'entreprendrait point pour un autre: quoique la charité oblige toujours à empè cher qu'il ne soit injustement lésé.

CAS CXXXVII. Palémon, ayant pris de luimême la défense de Valier, son ami absent, a commis dans la poursuite du procès, par défaut d'intelligence, une faute notable ou au moins légère. Est-il tenu de réparer le dommage qu'il lui a causé?

R. Si les affaire, de Valier fussent demeurées abandonnées sans les soins de Palémon, il n'est tenu que du dommage causé par une faute griève. Mais s'il avait un juste fondement de croire que d'autres en auraient pris soin, il est tenu même d'une faute légère, et même d'une très-légère, s'il avait empêché un homme très-verse dans les affaires d'en prendre soin. Nec sufficit talem diligentiam adhibere, qualem suis rebus adhibere solet, si modo alius, diligentior eo, commodius administraturus esset. Inst. 1. in, t. 4.

La Glose ajoute qu'un homme serait tenu même des cas fortuits, 1° s'ils étaient arrivés en conséquence d'une faute par lui commise; 2° s'il s'était ingéré des affaires d'un pupille, dont la cause est toujours très-favorable; 3° s'il avoit engagé ce tiers, sans son aveu, dans des affaires extraordinaires, etc.

CAS CXXXVIII. Ariste, s'étant chargé de lui-même de défendre les intérêts de Claude absent, a été obligé par cette raison d'emprunter de l'argent à intérêt. Claude est-il obligé de lui rendre et l'argent et les intérêts qu'il en a payés?

R. Oui; car il n'est pas juste qu'un ami soit lésé pour avoir fait les affaires de son ami. O negotium alienum gestum sumpluum factorum usuras præstari bona fides suasit, dit la loi 18, cod. de Negotiis gestis.

CAS CXXXIX. Tribonius, maire de ville, a reçu un présent de 300 liv. d'un fermier pour lui obtenir une diminution d'un ancien bail que la maison de ville lui avait fait. Tribonius peut-il retenir ce présent?

R. Non; car si la diminution que Tribonius a accordée est juste, il a dû l'accorder gratuitement au fermier, et si elle est injuste, 1 il doit dédommager la ville du tort qu'il lui a causé, et le fermier est tenu à lui rendre l'excédant de la juste diminution dont il est tenu envers la ville; 2° quant au présent, comme par sa qualité de maire, il est juge entre la ville et le fermier, et qu'un juge, seJon saint Augustin, epist. 152, n. 23, ne peut

(1) Insula, maison isolée qui ne tient à aucun autre bâtiment.

profiter d'un présent qu'il a reçu pour faire une injustice, il est obligé à en faire restitution à l'Eglise ou aux pauvres; parce que celui qui a donné de l'argent ou un présent, dans le dessein de corrompre un juge, mérite de le perdre.

-Voyez la remarque sur le cas CXXVIII, et n'y ayez point d'égard, si vous ne la trouvez pas juste.

CAS CXL. Protogène a détruit la semence de la terre de son voisin. Doit-il restituer autant que cette terre aurait dû rapporter, et sur le même pied qu'a valu le blé à la moisson?

R. Pour régler cette restitution, il faut s'en rapporter à l'estimation d'un homme judicieux et bon connaisseur, et voir ce que les champs voisins ont rapporté, et si le champ détruit avait coutume de rapporter comme eux. Voyez saint Thomas, in 4, dist. 15, q. 1. CAS CXLI. Blosius ayant commencé à rompre les ceps de la vigne de Christophe, homme haï dans le pays, quatre autres ont fait la même chose, sans y être excités par lui. Tous sont-ils obligés solidairement à restituer au maître de la vigne le dommage qu'ils ont causé?

R. Blosius et les autres n'ayant pas concouru en même temps au délit, mais succes sivement en divers temps, il semble que l'obligation de restituer ne doit pas être solidaire en ce cas, et qu'il suffit qu'un chacun restitue à proportion du dommage qu'il a causé, ainsi que l'enseignent S. Raimond et S. Thomas qu'a suivis Cabassut, 1. vi, c. 26. Cependant il serait plus sûr pour la conscience que chacun d'eux se tint solidairement obligé à restitution.

-Pontas s'est étudié à embrouiller ce cas. Pour le résoudre il faut savoir si l'action de Blosius a servi d'exemple aux autres, ou non, comme si pendant qu'il ravageait un coin de la vigne, ils ravageaient l'autre, sans savoir qu'il le fit, ou très- déterminés à le faire, quand il ne l'aurait pas fait. Dans le second cas, il n'y a point d'obligation solidaire de restituer. Dans le premier cas, les théologiens ne sont pas d'accord. Molina, Sanchez et beaucoup d'autres croient que le mauvais exemple n'influant point comme cause efficiente dans le mal qui s'ensuit, puisqu'il n'est ni conseil, ni moins encore commandement, il n'y a point d'obligation in solidum de restituer. Henri de S. Ignace et le P. Antoine pensent le contraire; parce que verba movent, exempla trahunt, etc. J'ai suivi ce sentiment, tom. I, p. 2, ch. 2, n. 510.

CAS CXLII. Foulques et deux cents fanatiques ont pillé de concert une ville. Foulques a eu pour sa part 1,000 liv. dont il veut faire la restitution, ne pouvant pas donner plus. A qui la doit-il faire?

R. Il doit restituer aux pauvres du lieu, ou employer son argent au profit de la ville, selon l'avis de l'évêque ou des magistrats. C'est la décision de saint Thomas, in 4, dist. 14, q. 1, art. 5. Les autres demeurent cependant dans l'obligation solidaire de restituer le surplus,du dommage.

-Si Foulques pouvait savoir à peu près

quel quartier il a pillé, il devrait y porter le fort de sa restitution.

CAS CXLIII et CXLIV. Eloi ayant un troupeau de moutons, dont le berger a été pris par force par un capitaine qui passait, les moutons sont entrés dans une pièce de blé appartenant à Médard et l'ont endommagée. Eloi est-il tenu à restitution? Y serait-il aussi tenu si ce berger s'étant endormi, les moutons eussent ravagé un plant de jeunes arbres? R. Méd.rd n'a pas tort de demander son dédommagement à Eloi, dans le premier cas; car, selon les lois canoniques et civiles, le maître des animaux qui ont fait du dégât est obligé à le réparer. Cependant il semble que, selon l'équité naturelle, on ne le doit pas obliger à la réparation de ce dommage, du moins jusqu'à ce qu'il y ait été condamné juridiquement, puisqu'on ne peut lui impu ter, ni à son berger, aucune faute ni aucune négligence.

Dans le second cas, Eloi est obligé de réparer le dommage causé par son troupeau. Car il est de la justice qu'il en réponde, aussi bien que du berger: Si quadrupes pauperiem fecisse dicatur, actio ex lege 12 tabularum descendit, dit la loi 1, ff. l. Ix, t. 1. Mais il n'y est pas tenu par le seul fait, mais seulement après que le juge l'y aura condamné; parce que l'on n'est tenu à restitution qu'à raison du bien d'autrui qu'on retient injustement, ou à cause du dommage injuste qu'on lui a causé, ou enfin en vertu de quelque contrat. Or il n'y a ni contrat, ni injustice de la part d'Eloi. Mais s'il était condamné par les juges, qui sont les ministres des lois, à restituer, il y serait obligé en conscience, sauf son recours contre le berger. « La raison est que ces lois sont justes et établies pour la sûreté du bien public, et les docteurs conviennent que les lois pénales obligent en conscience à la peine, après la sentence. » Ce sont les termes des Conférences d'Angers.

-Je ne crois pas qu'un juge bien instruit du fait osât condamner Eloi à restituer, dans le premier cas; comme il ne l'oserait faire, si les ennemis de Médard, après avoir lié le berger d'Eloi, avaient chassé son troupeau sur les terres du même Médard. Cependant comme Eloi aurait épargné son bien, tandis que ses moutons broutaient celui d'un autre, il serait tenu de restituer ce dont il serait devenu plus riche.

CAS CXLV et CXLVI. Etienne a un taureau qu'il sait être féroce, et qui a tué dans un pâturage le cheval de René. Le même avait aussi un loup qu'il tenait enfermé soigneusement, et qui, s'étant échappé, a causé du dommage à un troupeau de moutons de Jules. A quoi est tenu Etienne dans ces deux cas?

R. Il doit, dans le premier cas, restituer à René le dommage causé par son taureau, avant même la sentence du juge; parce qu'il ne devait pas mettre, au moins sans de justes précautions, un animal féroce dans les pâturages publics, et qu'en voulant la cause du mal, il est censé avoir voulu le mal même.

Dans le second cas, il n'est pas tenu da dommage qu'a souffert Jules, si le loup s'est

échappé sans sa faute. Il faut raisonner différemment d'un animal domestique, tel que le chien, que d'un animal féroce, tel que le loup, l'ours, etc. Le maître est toujours tenu du dommage que cause le premier, comme nous avons dit, et il n'est pas responsable du dommage d'un animal féroce, qui s'est échappé sans sa faute. La raison est que celui qui possède le dernier, cesse d'en être le maître dès qu'il s'est enfui, l'animal étant censé avoir recouvré sa première liberté. C'est la raison qu'en donne la loi 1, ff. Si Quadru pes, etc. Mais si l'animal s'était échappé par la négligence du maître ou de celui qui en doit répondre, il serait alors responsable du dommage causé. Et au contraire il ne le serait pas du dommage fait par son chien, s'il n'avait mordu que parce qu'on l'a agacé.

CAS CXLVII. Pamélius, pour empêcher les bêtes fauves de manger ses grains, a fait des fosses dans un sentier. Matthieu y est tombé le soir et s'est rompu une jambe. Pamélius doit-il lui restituer?

R. Oui; parce qu'il n'a pas droit de faire des fosses dans un chemin public: Si fossam feceris in silva publica, et bos meus in eam inciderit, agere possum hoc interdicto; quia in publico factum est, dit la loi 7, ff. Quod vi aui clam. Il est encore plus coupable d'avoir fait ces fosses dans un chemin passant, parce qu'il devait en prévoir les conséquen

ces.

CAS CXLVIII. Polybe a pris douze canards sauvages qu'il a nourris pendant un mois. Ces canards s'étant sauvés dans un étang voisin, Caïus en a tué six. Doit-il les rendre à Polybe qui les lui redemande?

R. Non; parce que selon la loi 3, ff. de Acq. rerum dom., les animaux sauvages n'ont plus de maître et sont au premier occupant, dès qu'ils ont recouvré leur première liberté, et qu'on les a perdus de vue.

Il est bon d'ajouter qu'on peut mettre au rang des animaux sauvages les abeilles, dont par conséquent les essaims n'appartiennent à personne, jusqu'à ce qu'on les ait enfermés dans la ruche, et qui reprennent leur premier état, dès qu'ils s'envolent hors la ruche, sans que celui qui en était le propriétaire les puisse revendiquer comme une chose qui lui appartienne.

-Cette addition est très-fausse en plusieurs coutumes. Les abeilles y sont regardées comme des épaves, et se partagent entre le seigneur et celui qui les a prises, pourvu qu'il l'ait averti à temps. Le temps est de huit jours, selon la coutume de Tours. Voyez Ferrières sur les Instituts, 1. n, tit. 1. ČAS CXLIX. Eralde voyant dix pourceaux appartenant à Robert, qui ravageaient son blé, et ne pouvant les chasser sans augmenter le dégât, en a tué deux. A-t-il péché et doit-il restituer à Robert ?

R. Si le dommage est proportionné à la valeur des deux pourceaux, Eralde n'est tenu à aucune restitution dans le for intérieur envers Robert, puisque Robert est tenu envers lui de ce dommage. Mais, parce qu'il s'est par son action rendu juge en sa propre

cause, il a péché ; à moins que la coutume de la province ne permit aux particuliers de se faire justice à eux-mêmes en pareil cas, comme cela s'observe dans certains lieux.

– En général on ne peut que se saisir des animaux et les garder jusqu'à ce que le mattre ait réparé le dommage qu'ils ont causé.

CAS CL. Sisinnius, ayant surpris Lucien chassant sur ses terres, ou tuant ses pigeons, s'est saisi de lui, lui a ôté son fusil brisé, et 'a menacé de le poursuivre en justice. Lucien intimidé lui a offert son fusil et deux pistoles, ce que Sisinnius a accepté. Doit-il restituer à Lucien ?

R. Sisinnius ne peut légitimement s'attribuer les deux pistoles de son autorité privée, et avant que le juge y ait condamné Lucien, à moins qu'il n'eût causé un dommage proportionné à cette somme, parce qu'une amende n'est jamais due qu'après qu'elle a été ordonnée par le juge; mais il n'est pas obligé de lui rendre son fusil; 1° parce que Lucien n'a aucun droit de s'en servir en pareil cas, et que l'ayant fait, il est censé avoir consenti suffisamment à en être privé, surtout étant surpris in flagranti delicto; 2 parce que l'usage d'un fusil brisé est étroitement prohibé, el qu'il est même défendu de l'exposer en vente. De sorte que le seigneur qui en trouve un paysan saisi, peut le briser de son autorité privée. Néanmoins si un seigneur en trouvait un chez un paysan, qui ne le garderait que pour sa propre défense, il ne pourrait le lui enlever, comme il fut jugé au parlement d'Aix, le 26 janvier 1666.

CAS CLI. Etienne a empêché Hildevert d'avoir une commission, en priant celui de qui elle dépendait, de ne la lui pas accorder. Doit-il restituer à Hildevert?

R. Non; parce qu'Hildevert n'avait aucun droit à la commission qu'il sollicitait, et qu'Etienne n'a usé ni de dol, ni d'aucune voie violente et injuste, mais dé simples prières pour empêcher qu'il ne l'obtint. Cependant il a péché contre la charité, s'il s'est opposé à l'avantage de Hildevert sans raison légitime.

CAS CLII. Patrice, qui hait Thomas, a empêché un collateur de lui donner une prébende; ou bien il en a fait révoquer la collation. Est-il obligé à quelque restitution envers Thomas?

R. Patrice, ayant agi par un esprit de haine, a commis une injustice à l'égard de Thomas. Mais pour régler la réparation qu'il lui doit faire, il faut distinguer, dit saint Thomas, 2-2, q. 62, art. 2. Car si le présentateur ou le collateur n'était pas encore absolument résolu de lui donner le bénéfice, quoiqu'il en fût digne, Patrice qui l'en a empêché est obligé à quelque dédommagement selon le jugement d'un homme sage, quoiqu'il ne soit pas tenu à la restitution de l'équivalent. Mais si Thomas était déjà assuré de la prébende, et que Patrice en eût, sans une juste cause, fait révoquer la présentation, il serait obligé envers Thomas à la réparation de l'équivalent, parce que, dit le saint docteur, idem est ac si jam habitam præ

bendam ei auferret; et ideo tenetur ad restitutionem æqualis; tamen secundum suam facul

tatem.

-Je croirais assez que quand une aumône est simplement, mais fermement destinée à un pauvre, celui qui par menaces ou par dol empêche qu'il ne l'obtienne est tenu à la lui restituer tout entière, et que quand il n'y a ni dol, ni rien d'équivalent, on n'est tenu de restituer que quand celui à qui on a fait tort avait jus ad rem. Dans les cas que les circonstances rendent obscurs, il faut toujours consulter.

CAS CLIII. Pompilius a conféré une prébende à Jacques, qui en est fort peu digne, préférablement à Jean d'un mérite singulier, qui la demandait. Est-il obligé à la restitution de l'équivalent du bénéfice envers Jean?

R. Pompilius doit faire pénitence du mauvais choix qu'il a fait; mais il ne doit aucune restitution à Jean, parce qu'il n'a péché que contre la justice distributive. Or, selon saint Thomas et tous les autres théologiens, on n'est obligé à restitution que lorsqu'on a violé la justice commutative. C'est le raisonDement de Cabassut, l. vi, c. 2

- C'est sur ce principe que nous avons décidé ailleurs (tom. I Mor. in 8, cap. 5, de Justitia) que ceux qui donnent des offices à gens indignes d'en être revêtus, sont tenus à restitution, parce qu'il ne se peut faire que ces gens-là ne causent beaucoup de dommage à la république. Et de là, grand Dieu! que de restitutions qui ne se font jamais.

CAS CLIV. Fulgose a donné au valet de chambre d'un évêque 300 livres qu'il avait promis de lui remettre sitôt qu'il lui aurait fait donner une cure. Fulgose doit-il rendre le bénéfice, et le valet de chambre les 300 livres à Fulgose?

R. Fulgose est obligé de rendre à l'Eglise le bénéfice qu'il a acquis par cette voie, afin que le collateur en puisse disposer canoniquement, et le valet de chambre doit restituer l'argent qu'il a reçu, non pas à celui qui le lui donné, mais aux pauvres, ou l'employer à d'autres œuvres pieuses. C'est la décision de saint Thomas, 2–2, q. 100, art. 6, et elle est reçue partout

CAS CLV. Artémius, ayant joui pendant deux ans d'une prébende que son père lui avait obtenue par simonie, l'a remise au collateur sitôt qu'il l'a su. Doit-il aussi restituer les fruits qu'il a perçus et consumés, avant qu'il eût connaissance de la nullité de ses provisions?

R. S'il a consumé les fruits de sa prébende sans en être devenu plus riche, il n'est obligé à aucune restitution: Fructus bona fidei possessores reddere cogendi non sunt, nisi ex his locupletiores exstiterint, dit la loi 1, Cod. de Perceptione hæred. Mais s'il avait encore actuellement entre les mains le restant de ces fruits, ou leur valeur, ou si en les consumant, il avait épargné et augmenté par là son propre bien, il serait obligé à restituer ce en quoi il serait devenu plus riche.

Ces mots, Si par là il avait augmenté son bien, peuvent présenter un sens faux. Si

Artémius avait mis à la loterie cent francs de son bénéfice, et qu'il eût en un lot de 10,000 livres, il ne serait pas tenu de le restituer.

CAS CLVI. Joseph s'est fait réhabiliter à un bénéfice qu'il avait obtenu par une simonie non coupable. Doit-il restituer les fruits qu'il a perçus de ce bénéfice, et qu'il n'a pas ́encore consumés?

R. Si Joseph, en se faisant réhabiliter, n'a pas obtenu du pape la condonation des fruits qu'il a perçus et non consumés, il doit les restituer, parce que sa réhabilitation ne lui donne droit d'en jouir que pour l'avenir, et n'a aucun effet rétroactif.

CAS CLVII. Fortunat, prieur, a été six mois sans réciter le bréviaire. Est-il obligé à quelque restitution?

R. Il est obligé à restituer la moitié du revenu de l'année, à moins que son prieuré n'ait d'autres fonctions, dont il se soit acquitté; car il pourrait alors déduire un salaire proportionné à ces mêmes fonctions Secundum arbitrium viri prudentis. Voyez Bénéficier, cas Ericius.

CAS CLVIII. François, âgé de onze ans, ayant été pourvu de plusieurs bénéfices contre sa volonté, n'a point récité le bréviaire jusqu'à l'âge de seize ans, que, son père étant mort, il s'est aussitôt démis de ses bénéfices. Doit-il restituer les revenus de ces bénéfices, quoiqu'il ne les ait pas touchés, mais son père qui en eu l'administration ?

R. François ne paraît point obligé à restituer les fruits de ses bénéfices qu'il n'a pas touchés, puisqu'il n'a pu s'en démettre, et que son père n'eût pas manqué de faire déclarer nulle en justice la démission qu'il en aurait faite. Cependant son ère ayant profité contre la justice des fruits de ses bénéfices, il est tenu avec ses cohéritiers à les restituer, pro rata portione hæreditatis, comme il y serait tenu à l'égard des profits usuraires ou des dettes dont la succession de son père serait chargée. Au reste si, comme on le peut présumer, François a eu assez de jugement pour connaître la mauvaise conduite de son père, nous ne prétendons pas excuser de péché son omission.

CAS CLIX. Bertrand, chanoine, a reçu les distributions quotidiennes, quoiqu'il fût absent, parce que ses confrères ont bien voulu lui en faire remise. Est-il obligé à les restituer?

R. Oui; car le concile de Trente ordonne que les chanoines obligés à l'office public soient privés de leurs distributions à proportion du temps qu'ils s'en sont absentés sans qu'il soit permis à leurs confrères de leur en faire remise: Reliqui, quavis collusione aut remissione exclusa, his distributionibus careant. Trid. sess. 24, de Reform., сар. 12.

CAS CLX. Gordius, chanoine, a assisté pendant six mois à l'office sans attention. Doit-il restituer les fruits à proportion de ce temps?

R. Quoi qu'en aient pensé de mauvais casuistes, on doit dire que Gordius, n'ayant assisté que de corps à l'office, il doit être con¬

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