Images de page
PDF
ePub

croyant sa dette mal assurée. Gilles peut-il profiter des 500 livres?

K. Non; car, puisqu'il pouvait restituer les 1,000 livres, il n'avait aucun droit de faire une pareille transaction avec ce créancier, à qui la somme entière était due, et qui ne se contentait de la moitié que parce qu'il était persuadé qu'il ne la pouvait pas retirer tout entière, ou du moins que très-difficilement. Sylvius, Resol. var., v. Restit. 1.

CAS CXCIX. Ribier a prêté à Augustin plusieurs sommes faisant ensemble 3,500 livres. Augustin lui en a fait ses billets, et a écrit sur son livre-journal les jours où il a reçu chaque somme. Six mois après Augustin a rendu à Ribier cinq de ces sommes qui faisaient 3,000 liv., et voyant qu'il ne lui demandait point la sixième qu'il avait marquée comme les autres sur son livre de compte, il a dit à Ribier qu'il la lui devait encore. Ribier a peine à la recevoir, parce qu'il a été exact à garder tous les billets d'Augustin, et qu'il ne trouve point celui-là. Que doit-il faire?

R. Ribier peut recevoir ces 500 livres quoiqu'il n'en ait plus le billet: 1 parce que cet article étant écrit sur le livre-journal d'Augustin, c'est une preuve positive qu'il le doit à Ribier. Or, une preuve positive doit prévaloir au simple doute et au défaut de mémoire de Ribier, et que comme dit la Glose, in dubio standum est scripturæ; 2o parce qu'il n'est pas probable qu'un homme exact, comme on suppose Augustin, ait enflé son propre compte.

CAS CC. Martin passant dans une forêt a rencontré Benoît qui lui a demandé s'il n'y avait point de voleurs; Martin, qui le haïssait, lui a répondu que non, quoiqu'il en eût rencontré trois. Sur cette réponse Benoît a continué sa route, et a trouvé les voleurs qui lui ont pris 300 livres. Martin doit-il les lui restituer?

R. Oui; car quoiqu'il ne fût pas obligé par justice, mais seulement par la charité, à avertir Benoit du mal qui lui devait arriver, si cet homme ne l'avait pas requis de lui dire la vérité, il ne pouvait cependant en ce cas lui dire une fausseté, sans se rendre la cause au moins morale de la perte des 300 livres que les voleurs lui ont enlevées. Sylvius, Resol. var., v. Restitutio. Le fait est que Benoît lui a donné équivalemment un conseil frauduleux.

CAS CCI. Michel, Protais. Siméon et Victor ont volé de concert à Basile 600 livres dont Victor est saisi. Basile ayant su que Victor, son ancien ami, était un des voleurs et saisi de la somme, il lui a remis l'obligation de restituer. Les autres en sontils aussi exempts?

R. Quand celui qui possède la chose volée a restitué, ses complices, qui y étaient solidairement obligés avec lui, en sont déchargés. Or, dans l'espèce proposée, Victor est dans le même état que s'il avait restitué, puisque Basile lui a remis l'obligation de le faire. Michel et les autres doivent donc être aussi censés déchargés de l'obligation dont

ils n'étaient chargés qu'au défaut de Victor. C'est ce qui est décidé par la loi 16, ff. de Acceptilat.

CAS CCII. Par une semblable raison, si Victor avait été la principale cause du vol, parce qu'il aurait commandé aux autres de lui aider, et que Basile l'eût dispensé de la restitution, les autres, qui ne seraient tenus qu'à son défaut, en seraient aussi dispensés, à moins que quelqu'un d'eux ne possédât encore la chose volée.

CAS CCII. Lorsque ceux qui sont les causes principales d'un vol ne peuvent ou ne veulent pas restituer, et qu'un de ceux qui sont les causes moins principales fait la restitution entière, les autres ne sont plus obligés à restitution, mais seulement à dédommager celui qui l'a faite, chacun jusqu'à la concurrence de ce qu'il aurait été tenu de restituer, si celui-là ne l'avait pas faite. Saint Thomas, 2-2, q. 62, a. 2.

CAS CCIV. Par une raison contraire, si celui à qui l'on a fait tort dispensait de la restitution une des causes moins principales du dommage qu'il a souffert, les causes principales n'en seraient pas moins obligées à tout restituer comme elles l'étaient avant cette remise; parce que celui à qui elle a été faite n'était tenu à restituer qu'à leur défaut. Or, en fait de larcin ou d'autre dommage, le premier obligé à restituer, c'est celui qui l'a commandé, mandans; le second, celui qui l'a fait ou exécuté, exsecutor; le troisième, celui qui l'a conseillé, consulens; parce que, quoiqu'il ait influé le premier comme cause morale dans la perte, l'exécuteur y a prochainement influé comme cause physique et efficiente. Voyez le cas suivant.

CAS. CCV. Caninius a commandé à Diomède de voler un sac de 1,000 1. Afranius l'a conseillé. Diomède a remis le sac volé entre les mains de Mævia, du consentement de son mari. Enfin Julien, qui devait empêcher le vol, ne s'y est pas opposé. Qui sont ceux qui doivent restituer les premiers?

R. 1 Si Mævia a encore la somme volée en elle-même ou en équivalent, elle est obligée à restituer avant tous les autres.

2o Au défaut de Mævia, Caninius doit restituer le premier, étant la principale cause du vol, par le commandement qu'il en a fait; et s'il restitue, les autres ne sont plus tenus à rien. Au défaut des deux premiers, c'est à Diomède à restituer; c'est ensuite à Afranius, qui a conseillé le vol; puis à Mævia et à son mari, quand même ils n'auraient plus la chose volée. Enfin Julien y est tenu au défaut des cinq autres. Tout ceci est de Cabassut, lib. vi, cap. 23, et admis communément.

CAS CCVI. Félix et Godefroy, ayant volé une montre d'or, l'ont vendue à Norbert, qui savait qu'elle avait été volée. Lequel des trois est tenu premièrement à restituer

R. Comme Norbert possède la montre, il doit la restituer avani Félix et Godefroi, qui n'y sont obligés qu'à son défaut; et Norbert restituant, les autres complices sont déchargés à l'égard du propriétaire.

-Les deux voleurs sont obligés de restituer

le prix qu'ils ont reçu, a Norbert, selon moi, et selon les principes de Pontas, aux pau vres; parce que Norberts'en est rendu indigne.

CAS CCVII. Flaminius a volé 1,000 liv. à son maître. Voulant les restituer, il les a remises à son confesseur pour les lui porter. Ce confesseur s'étant noyé en chemin, les 1,000 liv. ont été perdues. Flaminius doit-il porter cette perte?

R. Oui; car en matière d'une restitution, à laquelle on est obligé à cause d'un délit commis, on n'est jamais quitte, jusqu'à ce que la chose qu'on doit restituer soit parvenue entre les mains de celui à qui elle appartient; parce que celui qui a causé le dommage, tenetur ad restitutionem non solum ratione rei, sed etiam ratione injuriosæ acceptionis; etiamsi res apud ipsum non remaneat, ainsi que parle saint Thomas, 2-2, q. 62, art. 2. Ajoutez que le détenteur de mauvaise foi se charge ipso suo facto de tous les risques.

Il faudrait dire le contraire, si le maître de Flaminius lui avait dit de remettre les 1,000 liv. à ce confesseur pour les lui rendre.

CAS CCVIII. Fulcinius a volé à Jacques un cheval fourbu, et qui est mort cinq heures après. Doit-il en restituer la valeur àJacques?

l'a porté chez Flavien, qui l'a gardé, et le lui a rendu huit jours après. Flavien, qui savit le vol, doit-il restituer au défaut de Léodebert?

R. Flavien, comme recéleur, est tenu solidairement à la restitution du drap, avec delinquunt quam aggressores, dit la loi 3, celui qui l'a volé. Quia receptores non minus ff. de Incend. C'est ce qu'enseigne saint Augustin, can. Si res, 1, § 3, XIV, q. 6.

CAS CCXI. Noël a volé à Florus jusqu'à la quantité d'un muid de vin, qu'il a bu en plusieurs collations avec trois de ses amis obligés à restituer, à son défaut, au prorata qui ignoraient ce vol. Ces trois amis sont-ils de ce qu'ils ont bu de ce vin?

R. Non; car quand on a consumé de bonne foi une chose volée, on n'est obligé qu'à la restitution du profit qu'on en a retiré en la consumant. Or ces trois amis de Noël n'ayant bu le vin qu'il a volé, que dans les collations qu'il leur a données hors des repas ordinaires, ils n'ont fait aucun profit, puisqu'ils n'ont rien épargné par là de leur propre vin, comme on le suppose. Ce serait tout le contraire, 1° s'ils avaient eu connaissance du vol; 2° si, ayant coutume de boire du vin dans ces mêmes temps, ils ont épargné le leur en buvant celui de Florus.

-Ne pourrait-on pas dire, si Noël avait coutume de traiter ces trois amis, qu'ils n'ont pas épargné leur vin, mais le sien? Puisque, s'il n'avait pas volé, ce serait le sien propre qu'ils auraient bu chez lui, et non pas le leur.

CAS CCXII. Nobilius, ayant conseillé et persuadé, par plusieurs raisons, à Caïus de dérober 5,000 ¡iv. à Jean, a, quelque temps après, tâché de le dissuader; mais Carus n'a pas laissé de voler la somme Nobilius doit-il la restituer, à son défaut ?

R. Les auteurs sont partagés sur ce cas. Les uns pensent que lorsque la chose eût périinfailliblement entre les mains du propriétaire, le voleur n'est pas obligé d'en restituer la valeur. Nous pensons qu'il est plus juste et plus sûr pour la conscience de dire avec saint Thomas, 2–2, q. 62, a 6, que celui qui a volé une chose est tenu à en faire la restitution, non-seulement à raison de la chose même qu'il a volée, mais encore à raison de l'action injuste qu'il a commise en la volant. La faculté de théologie de Paris, dans le 81 de ses articles de doctrine, déclare, sans faire aucune exception, qu'un voleur est tenu à la restitution de la chose qu'il a volée, si elle est entre ses mains, ou de sa valeur, quand elle n'est plus en sa possession Furti, rapine et aliorum contra justitiam delictorum rei... obli-séquent il doit restituer: Tenetur consiliator, gantur ad restitutionem. Ajoutez que le voleur, pour s'échapper, n'aura pas manqué de presser le cheval; ce qui aura accéléré sa mort.

-Cette addition est étrangère à la difficulté. Il s'agit de savoir si, vous ayant volé un cheval qui a péri dans mon écurie par un incendie, qui a en même temps consumé la vôtre, je suis tenu à vous le restituer. Pontas dit ici que oui; et au cas Sempronius, il dit que non. Voyez ce qu'on y a observé.

CAS CCIX. Guinebaud est allé chez Nicolas, pour lui voler du blé. Il a commandé à son berger de lui tenir une échelle pour monter par la fenêtre, et de faire le guet. Guinebaud étant mort sans avoir restitué, son berger y est-il tenu?

R. Ce berger doit restituer le blé ou en payer la valeur. Si duo pluresve unum tignum furati sunt, quod singuli tollere non potuerint, dit la loi 21, § 9, ff. de Furtis, dicendum est omnes eos furti in solidum teneri. La raison en est claire. Qui coopère à un vol doit restituer, lors même qu'il n'en a tiré aucun profit. CAS CCX. Léodebert, ayant volé du drap,

R. Comme Caïus n'a fait ce vol que parce que les raisons de Nobilius l'y ont porté, ce premier conseil doit être censé la véritable cause du larcin que Caïus a fait, et par con

dit saint Thomas, 2-2, q. 62, art. 7...,ad restitutionem, quando probabiliter estimuri potest quod ex hujusmodi causis fuerit injusta ac ceptio subsecuta. Voyez la réponse suivante.

CAS CCXIII. Salomon et André ont confié à Barthélemi qu'ils allaient voler Etienne. Barthélemi a applaudi à leur dessein et leur a même conseillé de l'exécuter. Est-il tenu à restituer aussi bien qu'eux ?

;

R. On a dit dans la réponse précédente, que tout conseil n'oblige pas à restituer mais seulement, quando probabiliter æsti mari potest, quod (ex consilio) fuerit injusta acceptio subsecuta. Ainsi, si Salomon et André étaient déterminés à voler Etienne, indé pendamment du consentement ou du conseil de Barthélemi, celui-ci n'est obligé à aucune restitution; mais il y est obligé à leur défaut, s'ils n'eussent pas commis le vol sans son consentement et son conseil. Dans le doute si le conseil a été la cause efficace du vol, il est plus probable qu'on est tenu à restitution.

Je continue à croire que dans le cas

d'un doute légitime, on doit moins que dans le cas de la certitude.

CAS CCXIV. Ulysse, ayant déclaré à Jac ques qu'il voulait voler 100 louis à Pierre, il lui a conseillé de ne lui en prendre que 50; ce qu'il a fait. Jacques est-il tenu à restituer? Le serait-il encore si, ayant dissuadé Ulysse de voler celte somme à Pierre, parce qu'il est pauvre, il lui avait conseillé de la voler plutôt à Paul qui est riche?

R. Pierre n'a pu, sans pécher contre la justice, conseiller à Ulysse de ne prendre que 50 louis; et si son conseil a été la cause du vol, il doit restituer au défaut d'Ulysse. Il faut dire la même chose du second cas.

- Il suit de là que, si Ulysse était déjà très-déterminé à faire son mauvais coup, Jacques, bien loin d'être obligé à restituer, aurait rendu un vrai service à Pierre, en empêchant la moitié de son mal, sans vouloir l'autre. Grandin et Habert croient aussi que celui qui dirait: Laissez ce pauvre homme, il y en a de plus riches, ne serait tenu à rien; parce qu'il n'aurait pas intention de faire voler les riches, mais de faire épargner un pauvre. Voyez mon premier tome de Morale, p. 2, ch. 2, n. 355 et suiv.

CAS CCXV Theocrite, ayant vu un homme qui volait son voisin, a négligé de le chasser, quoiqu'il l'eût pu faire aisément. Doit-il restituer à ce voisin le dommage qu'il a souffert?

R. Théocrite a grièvement violé la charité; mais il n'est pas obligé à restituer le dommage, parce qu'il n'était point tenu d'office à l'empêcher; c'est la doctrine de saint Thomas, 2-2, q. 62, art. 2, et des autres théologiens, à l'exception de Cajetan, qui est trop sévère à cet égard.

Il y a de bons théologiens qui croient que quand un homme s'est tu, parce qu'il était bien aise que son ennemi fût volé, il n'est pas exempt de restitution. Ce sentiment souffre de la difficulté.

CAS CCXVI. Fulgose, prêt à restituer à Frédéric 200 liv. qu'il lui a volées, apprend que son père est dans un besoin extrême. Peut-il se servir de ces 200 liv. pour le soulager, et différer la restitution?

R. I le peut et le doit même, toutes les choses étant communes alors, par le droit naturel; mais, hors ce cas qui est très-rare, il ne le peut pas, et doit restituer. Voyez saint Thomas, 2-2, q. 62, art. 5, ad 4.

La nécessité grave du débiteur, de son père, de son enfant, est aussi une raison de différer la restitution, quand celui à qui on a fait tort n'est pas dans le même besoin.

CAS CCXVII. Théodore et Mævia ont gagné chacun 100 écus par la voie du péché. Ne sont-ils pas tenus à les restituer?

R. On peut acquérir de l'argent par la voie du péché en plusieurs manières : 1o en le gagnant justement, quoiqu'on ait péché en le gagnant; par exemple, si Théodore et Mævia l'avaient acquis en travaillant les dimanches, et alors on n'est point tenu à restituer; 2° quand on reçoit de l'argent qui est donné gratuitement à cause du péché qu'on a commis: par exemple, si Mævia a reçu les

cent écus de celui qui l'a débauchée; et elle n'est point obligée à les restituer, parce qu'il n'y a point de loi qui défende de donner de l'argent en ce cas, et qu'en le recevant, elle n'a pas violé la justice commutative. Cependant il est bien plus sûr pour la conscience de ne pas retenir un gain qu'on a fait par ses débauches, et de le donner aux pauvres ; 3° lorsqu'un homme est convenu avec un autre de lui donner une somme pour faire une action qui est un péché, celui qui l'a reçue n'est pas tenu à la restituer, à moins que la loi ne déclare nulle ces sortes de conventions, ou qu'elles ne soient contraires à la justice commutative; 4° lorsqu'une chose est acquise par un péché qui renferme une injustice par exemple, par rapine, par vol ou par usure, et alors il faut restituer; 5° enfin il y a des choses qu'on peut avoir acquises par certains péchés. que ceux qui les ont reçues ne peuvent ni garder, ni rendre à ceux de qui ils les ont reçues, parce qu'ils ne méritent pas qu'elles leur soient rendues; tels sont les gains acquis par simonie, dont la restitution doit être faite aux pauvres. Toute cette décision est de S. Th. 2-2, q. 31, art. 70. C'est sur ces principes que Théodore et Mævia doivent juger s'ils sont obligés à restituer ou non.

-Les conférences de Paris, celles d'Angers, Sainte-Beuve et beaucoup d'autres enseignent qu'une prostituée est tenue à restiluer le fruit de ses débauches, à moins que les lois ne les lui attribuent, comme dans les pays où ces malheureuses sont tolérées pour éviter de plus grands maux. Sans les obliger à une restitution bien exacte, tant à cause de l'autorité de ceux qui les en exemptent, que parce que nos lois (à moi connues) ne sont pas précises sur ce point, je ne les dispenserais pas a toto; et surtout j'aurais soin qu'en se resserrant beaucoup sur la dépense, elles donnassent au moins par charité ce qu'elles pourraient bien devoir par justice. Voyez mon vol. I où cette question est amplement traitée, part. 3, cap. 1, art. 4, num. 88.

CAS CCXVIII. Fullonius a volé à Jean une écritoire d'argent, qu'il a donnée ensuite à Titius, qui savait que Fullonius l'avait dérobée. Titius l'a perdue. Lequel des deux est obligé à restituer?

R. Fullonius est tenu à restituer le premier, ratione injuriosa acceptionis, et Titius, ratione rei acceptæ; ce sont les termes de S Th., 2-2, q. 62, art. 6, aď 1. Il en serait de même quand Titius aurait acheté l'écritoire, si Fullonius ne pouvait ou ne voulait pas la rendre, ni le prix à l'acheteur.

CAS CCXIX. Trémérius a volé 100 livres à un homme dont il ne connaît ni le nom, ni le pays. Que doit-il faire pour l'acquit de sa conscience?

R. Il doit d'abord tâcher de déterrer celui à qui il a fait tort et, s'il ne le peut découvrir, faire des aumônes pour son salut : Sive sit vivus, sive mortuus, dit S. Th., ibid., art. 5.

CAS CCXX, CCXXI et CCXXII. Clotaire

ayant fait tort de 3,000 livres à Festus, s'excuse de les restituer, hic et nunc, 1° parce qu'il ne le peut sans se mettre en danger de manquer du nécessaire lui et ses enfants; 2 parce que Festus, qui est un débauché, dissip rait cette somme, s'il l'avait ; 3° parce qu'il ne peut faire cette restitution sans découvrir son péché.

R. Clotaire est dispensé de restituer actuellement dans ces trois cas. Car, 1° quand un débiteur ne peut restituer sans une trèsgrande incommodité, telle qu'est celle de se réduire lui, ou ses enfants, ou ses père et mère, à une grande pauvreté, il est dans une impuissance morale qui l'excuse pour le présent (à moins que le créancier ne soit réduit à un pareil état par le délai de la restitution). La raison est que dans ce cas d'impuissance le créancier est censé y consentir selon les règles de la charité chrétienne. C'est la décision de S. Ant. 11, p. tit. 2, et de Sylvius, in 2-2, q. 62, art. 8, conc. 4. Il faudrait dire la même chose si Clotaire ne pouvait restituer qu'en vendant son bien ou ses marchandises à vil prix, et en souffrant un dommage considérable. La seconde raison de Clotaire le dispense aussi de restituer; car dit S. Ant. au même endroit, on ne doit point rendre hic et nunc à un homme ce qui lui appartient, quand il le demande pour s'en servir à se faire du mal à lui-même, ou au prochain. Clotaire peut donc différer à restituer les 3,000 livres à Festus jusqu'à ce qu'il ait changé de vie: il doit cependant avoir soin de ne pas laisser la restitution à faire à ses héritiers.

Enfin la dernière raison de Clotaire est encore recevable. Car comme la réputation est bien plus précieuse que tous les biens temporels, on est encore dispensé de restituer, selon le même S. Antonin, tant qu'on ne le peut faire sans se diffamer. On y pourvoit ordinairement par le ministère d'un sage confesseur.

- Dans le second cas, si un homme violent voulait me tuer, à moins que je ne lui rende son épée, dont il veut se servir pour se battre en duel, je ne serais pas obligé de me laisser assommer pour empêcher son crime.

CAS CCXXIII. Artemid, notaire, n'a pour tout bien que 4,000 livres qu'il doit à différents particuliers. Peut-il employer cette somme pour assurer une pension alimentaire à son fils, qui est en démence, préférablement au payement de ce qu'il doit à ses créanciers ?

R. Il le peut; selon Cabassut, liv. vi, ch. 23, dont la décision est confirmée par plusieurs arrêts du parlement de Paris, qui adjugea même, le 14 août 1599, aux deux filles du sieur des Arpentis une pension alimentaire, préférablement aux créanciers de feu leur père, quoiqu'elles n'eussent aucune infirmité de corps ni d'esprit.

CAS CCXXIV. Hildebaud a frappé si rudement Henri, qu'il en est mort. Le père de Hildebaud doit-il payer à la veuve de Henri les frais du chirurgien, de l'enterrement et les autres dommages causés par le crime de son fils, et surtout ayant conseillé à son fils de s'évader de peur d'être puni comme homicide.

R. L'Ecriture dit, Ezech. xvIII: Filius non portabit iniquitatem patris, neque pater iniquitatem filii. C'est sur ce principe qu'Alexandre III, cap. fin. de Delictis pueror. déclare qu'un père n'est tenu à aucune peine pécuniaire pour un homicide commis par son fils, même impubère, nonobstant qu'il y eût une coutume contraire. Les lois romaines veulent que le coupable seul soit sujet à la peine qu'il a méritée par sa mauvaise action: Unusquisque ex suo admisso sorti subjicitur, nec alieni criminis successor constituitur, dit la loi 26, ff. de Pœnis, lib. XLVIII, tit. 19. Les arrêts du parlement de Paris confirment cette décision, comme on le voit dans Péleus, qq. Illustres, q. 4.

Voyez ACHAT; ADULTÈRE, cas Léandre; AVOCAT, cas Camille, Salustius, Lentulus, Pomponius, Capitaine; CONTRAT, COMPENSATION; DONATION, cas Madeleine, Antonin Agoard, Eudoxe, Omer, Guerre; INTÉRÊT, cas Edmond, Casimir, etc.; JUGE, cas Manlius, Thucidide; POSSESSION, cas dernier; PRÊT mutuum, PRÊT à usage, cas Martial et suiv.; SOCIÉTÉ, TUTEUR, cas Aristarque, Salvine, Cassandre, Avircius, Symmaque, Elpidius; VENTE, USURE.

RESTITUTION EN ENTIER.

On définit la restitution en entier : Prioris juris reintegratio, et in pristinum statum repositio, judicis auctoritate facta. On ne peut être restitué en entier qu'après avoir obtenu des lettres de chancellerie, par lesquelles le roi annule les actes dont on était lésé. Ces lettres n'ont d'effet que lorsqu'elles sont entérinées. Les causes ordinaires pour obtenir la restitution en entier sont le dol, la crainte, la violence, la minorité, la lésion d'outre moitié de juste prix. Il y a aussi des causes qui sont laissées à la prudence du juge.

L'Eglise et l'Etat étant toujours mineurs, l'un et l'autre peuvent avoir recours à la voie de restitution. Quand un homme a été lésé d'outre moitié dans une vente, il peut obtenir des lettres de rescision; mais l'acheteur a le choix, ou de rendre le bien, ou de le retenir en suppléant le juste prix excédant. D'un autre côté la restitution n'est jamais accordée à l'acheteur, mais au seul vendeur; parce que l' cheteur n'est jamais nécessité à acheter, et que le vendeur peut être obligé à vendre à vil prix.

Lorsqu'il s'agit de droits successifs de biens meubles, ou même immeubles vendus par un décret forcé, le vendeur n'est pas admis à la restitution en entier. Le droit de la restitution en entier, quelque cause qu'elle puisse avoir, se prescrit par dix ans, à compter, à l'égard des majeurs, du jour de l'acte dont on se plaint, et à l'égard des mineurs, du jour de leur majorité.

DICTIONNAIRE de Cas de CONSCIENCE. II.

18

CAS I. Gorgias ayant reconnu, après sa majorité, qu'il a été lésé dans une vente qu'il a faite à Claude pendant sa minorité, lui redemande la chose qu'il a vendue, et offre de lui rembourser le prix qu'il a reçu. Doit-on lui accorder le bénéfice de la restitution en entier ?

R. Si Gorgias a demandé sa restitution avant que les dix premières années de sa majorité aient été écoulées, il est recevable en sa demande, en justifiant qu'il a été lésé dans le contrat de vente qu'il a fait. C'est ainsi qu'il est porté par l'ordonnance de Louis XII de 1510. Au reste, Claude est toujours tenu de réparer l'injustice qu'il a commise en achetant à trop bas prix.

Remarquez 1° qu'on accorde quelquefois des lettres de rescision après dix ans passés, comme lorsque celui qui les demande prouve que celui avec qui il a contracté a usé de dol à son égard, ou de violence; 2° qu'un majeur qui a fait entériner en justice ses lettres de rescision ne peut plus s'en désister, à moins que sa partie adverse n'y consente.

CAS II. Damien, mineur, ayant renoncé à une succession trop embarrassée de dettes, Léandre, le plus proche héritier après lui, l'a acceptée et terminé toutes les affaires par ses soins. Damien, devenu majeur, veut se servir du bénéfice de restitution en entier et reprendre l'hérédité. Le peut-il?

R. Non; il est vrai que, selon les lois, il eût eu droit de se relever de sa renonciation, s'il l'eût demandée pendant que les choses étaient encore en leur entier; mais Léandre ayant débarrassé la succession des dettes dont elle était embrouillée, il est juste qu'il jouisse du fruit de ses peines. C'est la décision de la loi 24, § 1. ff. de Minor. 26, an. Domat observe que notre usage y est conforme, Lois civiles, liv. iv, lil. 6, sect. 2, n. 12.

CAS III. Cestius, mineur, ayant accepté une riche succession, en a acquitté les dettes. Une grande partie de cette succession étant venue à périr par des cas fortuits, Cestius, devenu majeur, veut se faire relever de son acceptation, afin de se faire rembourser des dettes qu'il a payées. Cela est-il juste ?

R. Non. La diminution des biens de l'hérédité, étant causée par des cas fortuits, ne le met pas en droit d'obliger les créanciers à lui rendre ce qu'il leur a payé, en partie de ses propres deniers; parce qu'ils n'ont reçu que ce qui leur était dû, et dont ils auraient pu se faire payer, quand Cestius n'aurait pas accepté la succession.

CAS IV. Théodebert, mineur, ayant ruiné par sa faute un cheval qu'il avait emprunté à Landri, lui a promis de le dédommager.

Peut-il, après sa majorité, se servir du bé→ néfice de la restitution en entier, pour ne pas accomplir sa promesse?

R. Non. Les lois, qui accordent des lettres de rescision aux mineurs, quand ils ont été trompés, ne les dispensent pas de réparer le dommage qu'ils ont causé. Placet in delictis non subveniri minoribus, dit la loi 9, ff. de Minoribus, etc.

CAS V. André, mineur, a chargé Claude de donner une pistole par mois pour la subsistance de son père. André peut-il, après sa majorité, se servir de lettres de rescision contre Claude, pour ne pas le rembourser des avances qu'il a faites?

R. André n'ayant fait que son devoir en faisant soulager son père, il ne peut se servir du bénéfice de la restitution en entier, qui n'a lieu que quand un mineur a été lésé et trompé. Leg. 44, ff. de Minor. 25 an.

CAS VI. Agapius, ayant obtenu des lettres de rescision pour un contrat qu'il avait fait avec Antoine sous la caution de Louis, Louis est-il déchargé de sa caution?

R. Non, à moins que l'engagement contracté par Agapius ne se trouve fondé sur le dol d'Antoine, ou sur quelqu'autre vice qui doive avoir le même effet, tel que serait la violence. Auquel cas la restitution en entier aurait lieu à l'égard de Louis, comme à l'égard d'Agapius. Leg. 2, cod. de Fidejus. minor. 1., t. 23.

CAS VII. Frédéric, tuteur de Remi, ayant vendu à Samson une maison de son mineur pour payer ses dettes, Remi, devenu majeur, peut-il se faire relever de cette vente?

R. Si Frédéric a agi de son chef et sans observer les formalités requises, quoiqu'il ait agi de bonne foi, Remi à droit de se faire relever, et il peut actionner et son tuteur et l'acheteur, ainsi qu'il est porté par la loi 47, ff. de Minor., elc.

CAS VIII. Gédouin ayant été forcé par violence de vendre une métairie à Jules, qui l'a ensuite donnée en payement à Gautier, a obtenu des lettres de rescision après la mort de Jules, et a demandé à Gautier la restitution de sa métairie. Gédouin peut-il attaquer Gautier ?

R. Oui, et il peut rentrer dans sa métairie, en rendant le prix qu'il en a reçu. Gautier n'a que son recours contre Jules, ou contre ses héritiers. C'est la décision de la loi 14, § 3, ff. Quod metus causa. Il faut remarquer que les héritiers de Gédouin auraient le même droit que lui de se servir de rescision. Omnium, qui ipsi potuerunt restituiin integrum, successores in integrum restitui possunt, Leg. 6, ff de in integrum Restitutione.

RETRAIT.

C'est la faculté qu'on a de se faire subroger au lieu et place d'un acquéreur. Avant la révolution, on en distinguait vingt-cinq espèces; le code civil n'en reconnaît plus que trois le retrait conventionnel, connu sous le nom de faculté de rachat (voyez RACHAT); le retrait débital ou de droits litigieux, et le retrait successoral.

1 Retrait de droits litigieux. La chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit. Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire en lui remboursant le prix réel de la cession avec les

« PrécédentContinuer »