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à César sous la condition mentionnée, n'a n'a pas été de l'obliger à une chose impossible, ou qu'il ne pût exécuter, sans payer un prix injuste. C'est pourquoi l'héritier du testateur est tenu de lui payer les 1,000 liv., à condition néanmoins qu'il donnera au parent d'Ariste la somme que doit justement valoir la maison qui lui serait convenable c'est-à-dire, 700 liv. qui est le prix fixé par le testateur même. C'est la décision de la loi 14, ff. de Legat. n. Il y a cependant des conditions, dont le défaut, quoiqu'involontaire, rendrait un legs caduc.

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CAS LXIX. Epiphane ayant fait un testament olographe, il ne s'y est trouvé qu'un seul legs conçu en ces termes: A Germain 500 liv., sans que le testateur y eût mis auparavant Je donne et lègue. Ce legs est-il nul?

R. Non, et l'héritier doit l'acquitter; parce qu'il est clair que les mots : Je donne e lègue ont été omis par oubli. C'est par cette raison que, si un testateur avait omis le mot d'héritier dans son testament, en disant seulement: J'institue un tel, le testament ne laisse pas de subsister. Leg. 7, Cod. de Testam., l. vi, tit. 23.

CAS LXX. Jules ayant fait un legs de 4,000 liv. à Hildevert, son héritier qui a cru qu'il ne pouvait pas s'exempler de le payer, et qui d'ailleurs se piquait de faire honneur à la mémoire du défunt, s'y est engagé par écrit mais huit jours après il a reconnu que le legs fait par Jules à Hildevert était contraire à la loi, et qu'il lui a légué la moitié plus qu'elle ne lui permettait. C'est pourquoi il veut revenir contre la convention qu'il a signée, comme ne l'ayant faite que par erreur. Hildevert au contraire la soutient valide, comme ayant été faite sans fraude ni contrainte. Qu'en est-il?

R. Si l'erreur de droit était la seule cause de la convention qu'a faite l'héritier, cette convention serait nulle, parce que, selon la loi 8 de Juris et facti ignor. 1. vi, tit. 6, Juris error in damnis amittendæ rei suæ non nocet. Mais comme il paraît que l'héritier a eu un autre motif de sa convention que l'erreur, et qu'il l'a faite pour faire honneur au défunt et à lui-même, et qu'au moins Hildevert le peut présumer ainsi, il faut raisonner autrement; parce que la convention n'est alors que l'effet de la volonté de celui qui l'a faile.

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J'aimerais mieux l'opinion contraire; au moins est-elle bien plus probable, à en juger ex communiter contingentibus. Il est rare qu'on donne de gaieté de cœur 2,000 1. à un homme à qui elles ne sont pas dues. On veut faire honneur au défunt en payant sans délai tout ce qu'on doit de son bien, mais non en payant du sien propre.

CAS LXXI. Eléonore a légué à Béatrix un collier de perles, qu'elle avait engagé pour cent écus, que Mævius lui avait prêtés son héritier prétend que c'est à Beatrix à le dégager, en payant ce qui est dû à Mævius. Béatrix au contraire veut que l'héritier paye

les cent écus à Mævius sur les biens de l'hérédité. N'a-t-elle pas raison?

K. Oui car quand un testateur lègue une chose qu'il avait engagée à un créancier, sans obliger expressément le légataire à payer la somme de l'engagement, c'est à l'héritier à la payer; et même si Mævius avait fait vendre le collier pour recevoir son payement, le même héritier serait tenu d'en payer le prix à la légatrice. Prædia obligata, per legatum vel fideicommissum relicta, hæres luere debet... Si vero a creditore distracta sunt, pretium hæres exsolvere cogitur, nisi contraria defuncti voluntas ab hærede ostendatur, Leg. 8, de Fideicom.

CAS LXXII. Eléazar a fait deux legs à Gaston. Le premier d'une montre d'or qu'il lui a léguée purement et simplement en ces termes Je lègue ma montre d'or à Gaston, pour la bonne amitié que j'ai pour lui. Le second de 500 liv., à la charge qu'il prendra soin de faire juger un procès qu'il a contre Georges. Gaston a déclaré à l'héritier d'Eléazar, qu'il acceptait le premier legs; mais qu'il ne voulait pas accepter le second, à cause de l'embarras que lui causerait la poursuite de ce procès. L'héritier demande s'il est obligé de lui délivrer le premier legs, quo qu'il refuse d'accepter le second, avec la charge qui y est attachée ?

R. Il n'y est pas obligé : car quoiqu'un légataire à qui l'on a fait différents legs puisse accepter ceux qu'il veut, et répudier les autres lorsqu'ils lui sont tous faits sans aucune charge, il n'en est pas de même, quand il y en a quelqu'un qui renferme quelque charge. Car en ce cas, en acceptant celui qui est fait purement et simplement, il est tenu aux charges de l'autre. Duobus legatis relictis, unum quidem repudiare, alterum vero amplecti posse respondetur. Sed si unum ex legatis onus habet, et hoc repellatur, non idem dicendum : Leg. 5, ff. de Fideicom. 1. xxx, tit. 1. Et certes l'équité demande que celui à qui l'on fait quelque bien ne s'en rende pas indigne par le défaut de gratitude; outre que l'on peut présumer que le testateur ne lui aurait pas fait le premier legs, qui était sans charge, s'il avait pu prévoir qu'il eût refusé d'accomplir la condition sous laquelle il lui faisait le second.

CAS LXXIII. Ladislas et Honorine s'étant épousés, une cousine d'Honorine lui a laissé par sa mort tout son bien, qui ne consistait qu'en meubles, comme argent comptant, pierreries, tapisseries, linge, et autres semblables. Ladislas s'en étant mis en possession, comme maître de la communauté, en a disposé par son testament, et en a fait plusieurs legs en faveur de ses propres parents, contre la volonté d'Honorine, qui voulait qu'au moins il en fit aussi part à ses proches. Ces legs ne sont-ils pas injustes?

R. Ils le son: car un mari ne peut, sans le consentement de sa femme, disposer de la propriété des biens meubles qui lui sont échus (constante matrimonio) du côté de sa dite femme; parce que, comme dit Sylvius, v. Maritus, le mari n'est pas maître,

mais simple administrateur des biens qui échoient par succession à sa femme. C'est pourquoi Honorius III, dans sa décrétale aux Rochellois (c. 20 de Consuet. 1. 1, tit. 4.), condamne comme injuste la coutume de leur pays, selon laquelle le mari pouvait disposer à son gré des biens, tant meubles qu'immeubles de sa femme, sans son consentement.

CAS. LXXIV. Aristarque ayant légué une maison à Pascase, à la charge de donner cent écus à l'hôpital du lieu, et Pascase ayant déjà donné une pareiiie somme à cet hôpital par une pure libéralité, et sans avoir connaissance du legs d'Aristarque, demande ce legs, et prétend avoir déjà rempli la condition qui y est exprimée. Mais l'héritier veut l'obliger de donner cent autres écus au

même hôpital. Pascase y est-il obligé?

R. Oui car les premiers cent écus qu'il a donnés à cet hôpital ne doivent être considérés que comme une pure charité, et non pas comme un effet de la volonté du teslateur, puisqu'il n'en avait alors aucune connaissance. C'est pourquoi l'on ne peut dire qu'il ait accompli par là la charge qu'Aristarque lui a imposée : ce qui paraît d'autant plus véritable, que la condition portée par ce legs marque évidemment qu'il a voula que ce don vint de son bienfait. Ut paruisse quis conditioni videatur, etiam scire debet hanc conditionem insertam. Nam si fato fecerit, non videtur obtemperasse voluntati. Leg. 17, ff. de Condit. etc., l. xxxmn, tit. 1. Voyez DONATION, Héritier, TESTAMENT.

LÉSION.

Lorsque dans un contrat commutatif, l'une des parties ne reçoit pas l'équivalent de ce qu'elle donne, il y a ce qu'on appelle lésion. La lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats et à l'égard de certaines personnes. Une lésion quelconque rend un contrat injuste et oblige au for intérieur à la restitution. Cependant, au for extérieur, si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision et qu'il aurait déclaré donner la plus value.

Pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente. La demande n'est plus recevable après l'expiration de deux années, à compter du jour de la vente. La preuve de la lésion ne pourra être admise que par jugement, et dans le cas seulement où les faits articulés seraient assez vraisemblables et assez graves pour faire présumer la lésion.

Au for extérieur la rescision pour lésion n'a pas lieu en faveur de l'acheteur; elle n'est pas admise non plus pour la vente des meubles; mais au for de la conscience les droits de l'acquéreur sont les mêmes que ceux du vendeur: il n'y a pas de différence au tribunal de la conscience entre la vente d'un immeuble et celle d'un meuble; il n'est pas nécessaire non plus que la lésion dans le contrat ait été des sept douzièmes : il suffit pour qu'un vendeur ou un acheteur soit obligé de restituer, que dans la vente il n'y ait pas eu une juste proportion entre le prix et la valeur de la chose vendue. Ainsi lorsqu'un immeuble ou un meuble a été vendu ou acheté au delà ou au-dessous de sa juste valeur, le vendeur ou l'acheteur ont droit, en conscience, ou à la rescision de la vente, ou à une indemnité. La loi n'admet pas la rescision dans le contrat d'échange; mais la conscience l'admet et ne met point de différence entre la lésion dans les échanges et celle qui a lieu dans les ventes.

Dans le partage, même au for extérieur, il y a lieu à rescision, lorsqu'un des cohéritiers établit à son préjudice une lésion de plus du quart; ainsi dans une succession de quarantehuit mille francs par exemple, à partager entre trois héritiers, chacun des héritiers doit avoir 16,000 fr.; si l'un d'eux ne recevait que 12,000 fr., il y aurait lésion de plus d'un quart et le partage pourrait être rescindé.

Un mineur ne peut revenir dans les engagements qu'il a contractés qu'autant qu'il en a éprouvé quelque lésion. Il n'est pas même restituable pour cause de lésion, lorsqu'elle ne résulte que d'un événement casuel et imprévu.

LETTRE DE CHANGE.

C'est l'écrit par lequel un négociant donne ordre à un de ses correspondants d'une ville autre que celle où il réside, de payer à la personne qu'il lui dénomme, ou à son ordre, une certaine somme au terme qu'il désigne. Pour la validité de la lettre de change elle doit : 1° être tirée d'un lieu sur un autre; 2° elle doit être datée ; 3° elle doit énoncer la somme à payer; 4° le nom de celui qui doit payer; 5° l'époque et le lieu où le paiement doit s'effectuer; 6° la valeur fournie en espèces, en marchandises, en compte, ou de toute autre manière; 7° elle est à l'ordre d'un tiers, ou à l'ordre du tireur lui-même; 8° enfin si elle est tirée à plusieurs exemplaires, chacun d'eux doit porter le numéro de la série.

De quelque manière que soit fixée l'échéance d'une lettre de change, le délai fixé pour le payement doit être toujours franc, c'est-à-dire, que le jour de la date ne compte pas. La propriété d'une lettre de change se transmet par la voie de l'endossement. Tous ceux qui out signé, accepté, ou endossé une lettre de change sont tenus à la garantie solidaire envers le porteur, et, par l'effet de cette solidarité, le porteur a le droit de s'adresser à celui d'entre eux qu'il veut choisir, sans que celui-ci puisse lui opposer le bénéfice de division ou de discussion. Une lettre de change doit être payée dans la monnaie qu'elle indique. Celui

qui paye une lettre de change avant son échéance est responsable de la validité du payement. Si le porteur d'une lettre de change non acceptée vient à la perdre, il peut en poursuivre le payement sur une deuxième, troisième, quatrième. Il n'en est pas de même de celle qui est revêtue de l'acceptation; si elle vient à s'égarer, le payement ne peut dans ce cas être exigé sur une seconde, troisième, quatrième, que par ordonnance du juge, et en donnant caution. Le propriétaire d'une lettre de change égarée est obligé, s'il veut s'en procurer une seconde, de s'adresser à son endosseur immédiat, qui est tenu de lui prêter son nom et ses soins pour agir envers son propre endosseur, et ainsi en remontant d'endosseur à endosseur, jusqu'au tireur de la lettre. Le propriétaire de la lettre de change supporte les frais que cette lettre nécessite. Si, malgré tous les soins qu'il a pu se donner, il n'est pas parvenu à se procurer une seconde lettre de change, il peut demander le payement de la lettre perdue et l'obtenir par ordonnance du juge, en justifiant de sa propriété par les livres et en donnant caution. Le refus de payement d'une lettre de change doit être constaté, le lendemain du jour de l'échéance, par un acte qu'on nomme protét faute de paiement. La clause de retour sans frais apposée sur une lettre de change est valable et dispense le porteur de faire protêt pour conserver son recours en garantie contre les endosseurs. De plus, cette clause insérée dans le corps d'une lettre de change doit être entendue dans le sens, non d'une simple dispense, mais d'une prohibition de protêt. La loi donne au propriétaire de la lettre le droit d'exiger, et impose conséquemment au tireur l'obligation de procurer l'engagement personnel du tiré de payer la lettre de change à son échéance: c'est cet engagement qui est connu sous le nom d'acceptation. Celui qui accepte une lettre de change contracte l'obligation d'en payer le montant; l'accepteur n'est pas restituable contre son acceptation, quand même le tireur aurait failli à son insu avant qu'il eût accepté. Le refus d'acceptation est constaté par un acte qu'on nomme protêt d'acceptation.

LITRES.

On appelle litres ou ceintures junèbres, des bandes de peinture noire d'environ deux pieds de largeur, qu'on trace en dehors et trop souvent en dedans d'une église, avec les armes du patron, en signe du deuil de sa mort, quoique souvent il ne lui ait rendu d'autre service que celui de la vexer, ou de lui donner d'assez mauvais pasteurs. On va proposer quelques cas sur cette matière, qui suffiront pour l'éclaircir.

CAS I. Luc, curé, n'a pour église qu'une espèce de grange, qui n'est ni décente, ni commode pour les divins offices. Maximilien, nouveau seigneur du lieu, s'offre d'en bâtir une, à condition qu'après sa mort on mettra ses armes en dehors et en dedans, avec une ceinture funèbre en signe de reconnaissance. Le curé peut-il s'y prêter dans un pays où cela n'est point en usage?

R. Comme un théologien pourrait être suspect sur cette difficulté, on ne la résoudra que d'après les jurisconsultes. Claude de Ferrière, dans son beau traité des droits de patronage, pag. mihi 544, dit que cet ornement de vanité tire son origine des païens, qui mettaient, dans le lieu le plus élevé du temple, les images de leurs ancêtres. Il ajoute que ce n'est que par abus qu'on souffre la même chose dans les églises, qui sont des lieux saints; que l'ambition des hommes s'est venue placer jusque sur le sanctuaire, eta voulu assujettir les choses les plus saintes à une espèce de servitude, dont elles doivent être exemptes; et que si par le reproche d'un bienfait, nous en perdons le mérite, ceux qui affectent ces sortes d'honneurs superstitieux et ridicules, les préfèrent à des récompenses infinies, dont Dieu reconnaîtrait leur libéralité envers l'Eglise. Maréchal ne condamne pas l'usage des litres avec moins de force. Il dit que l'abus est allé si loin, que quelques-uns ont fait noircir les croix, qui sont la marque de la dédicace des temples, et qui ont été consacrées par l'évêque. Si c'est un crime, poursuit cet auteur, d'effacer les armes du prince, c'en est un bien plus grand d'effacer ces croix qui sont signa Dei, et un encore plus énorme de les couvrir par des armoiries. Ainsi parlaient

ces deux savants hommes. Il est vrai qu'ils croyaient en Jésus-Christ, et qu'aujourd'hui bien des gens croient faire grâce à Dieu en admettant son existence. En attendant le jour funeste qui leur dessillera les yeux, nous disons qu'un curé, quand il en est le maître, doit tenir ferme contre une pratique superstitieuse, ridicule, introduite par l'ambition, etc., et qu'il vaut mieux faire le service divin dans une grange, à l'exemple des premiers fidèles, que de le faire dans une église assujettie a une indigne servitude. Des prêtres d'or ont autrefois célébré avec des calices de bois; ils peuvent encore célébrer dans des églises couvertes de chaume.

CAS II. Lucien dessert une église où il y a des litres de tout temps. Le seigneur actuel veut les renouveler, et y mettre ses armes, qui sont une Vénus échevelée, ou une sirène, etc. Lucien peut-il le souffrir?

R. Il serait honteux qu'un temple où le Dieu de pureté réside jour et nuit, fût déshonoré par des armoiries aussi indécentes. Lucien doit donc, après avoir fait de trèshumbles et de très-vives remontrances au seigneur, implorer le secours du magistrat, qui, fût-il Turc, ne souffrira pas un pareil abus. A son défaut, l'évêque doit interdire l'église.

ČAS III. Marius, seigneur usufruitier do Bury, prétend avoir droit de litres ; et en conséquence il veut empêcher que Fulvie, qui a donné une bannière à l'église, n'y fasse mettre ses armes. A-t-il raison?

R. Marius se trompe dans le principe et dans la conséquence. Dans le principe, parce que l'usufruitier n'a point droit de litres. dans la conséquence, parce que le patron

même et le hant-justicier, qui auraient ce droit, ne peuvent empêcher ceux qui donnent des bannières où autres ornements, ou qui font bâtir une chapelle, d'y faire mettre leurs armes.

CAS IV. Gaston, gentilhomme, ayant été enterré dans la chapelle de Saint-Pierre, son fils a fait mettre une litre d'étoffe autour de cette chapelle; le patron et le seigneur du lieu peuvent-ils s'y opposer?

R. Non; parce que les nobles, quoique

non seigneurs, peuvent mettre litres d'étoffe ou de velours, et écussons en la chapelle, piliers et endroits où ils sont enterrés, dans les paroisses de village, pendant l'année seulement, sans que le patron ou le seigneur puisse s'y opposer. Après quoi, l'étoffe appartient à l'église. Voyez les Mémoires du clergé, tom. XII, pag. 323, 342 et suiv. Voyez aussi le nouveau Dictionnaire de droit canonique par M. Durand, v. Litres.

LIVRES DEFENDUS.

La Bible est le premier et le plus saint de tous les livres. Il y en a un grand nombre d'autres qui sont très-bons; mais il en est un nombre beaucoup plus grand de mauvais et d'inutiles. Nous ne parlons dans ce titre que des livres hérétiques, de ceux qui traitent de l'art de deviner, de ceux qui tendent à corrompre le cœur et la pureté des mœurs, tels que sont les livres de contes obscènes, les romans et les intrigues d'amour, les comédies, et autres de ce genre.

CAS 1. Thomas, docteur habile, et curé de N. où il y a encore plusieurs calvinistes, avec lesquels il se trouve souvent obligé de parler de religion, lit les livres de Calvin et de plusieurs ministres de la religion, dans le dessein de procurer leur conversion. Le peut-il faire sans la permission du pape ou de son évêque ?

R. 11 le peut par la seule autorité qu'il a reçue lorsqu'il a été créé docteur; car il n'est pas possible de réfuter des erreurs qu'on ne connait pas, ni de les connaitre sans lire les livres qui les enseignent. C'est le sentiment d'Alphonsus a Castro, que suit l'auteur des Conférences d'Angers de mai 1723.

CAS II. Firmin, simple prêtre, ayant dessein d'apprendre la controverse, lit plusieurs livres hérétiques, avec la seule permission de son évêque. Est-il en sûreté de conscience sur cela?

R. Oui; parce que les évêques de France se sont toujours maintenus dans leur ancien droit d'accorder cette permission. C'est la décision de S. B. suivi et cité par l'auteur des Conf. d'Angers.

CAS III. Charles a quelques livres de chiromancie et pyromancie, qu'il ne garde que parce qu'ils sont rares, et par pure curiosité, étant très-résolu de n'en point abuser. Ne pèche-t-il point?

R. Il pèche; 1° parce que ces sortes de lectures sont vaines et même dangereuses, surtout aux jeunes gens, et à ceux qui n'ont pas un grand fonds de religion et de piété; 2° parce que les fidèles d'Ephèse, qui avaient de semblables livres, ne crurent pas que ce fût assez, pour mettre leur conscience en sûreté, de ne vou oir plus s'en servir, mais ils les regardèrent comme une pierre de scandale, et comme une occasion dangereuse, qui pouvait les faire retomber dans leurs premiers crimes et c'est pour cela qu'ils les jetèrent tous au feu. Act. XIX; 3° parce que plusieurs conciles, comme ceux de Tours et de Bordeaux, en 1583, ordonnent qu'on les brûle. Néanmoins si Charles était d'un caractère et d'une profession qui l'engageât à réfuter par la prédication ou dans le sacré tribunal, ou autrement, ce qui est contenu dans ces mauvais livres, et qu'il

n'eût d'autre fin que de convaincre les impies des faussetés qui s'y trouvent, il lui sez rait permis en ce cas de les retenir et de les lire, pendant le temps qui serait nécessaire à son dessein, et non autrement.

CAS IV. Iphigénie se récrée souvent à lire des romans, où sont décrites des intrigues d'amour ingénieuses et plaisantes, mais où il y a aussi des expressions qui choquent la pudeur. Cependant, comme elle est chaste, ces lectures ne font pas d'impression sur son cœur, et satisfont seulement son esprit. Son confesseur veut qu'elle brûle ces livres, quoiqu'elle en ait pour vingt, écus. Elle s'en défend sur ce qu'elles ne l'ont portée jusqu'à présent à aucun déréglement contre la pureté. Est-elle obligée d'obéir à son con

fesseur ?

R. Oui, et très-obligée; car sans parler de la perte du temps qu'elle emploie à ces mauvaíses lectures, et de l'impuissance où elle est de prier, pendant qu'elle a l'imagination remplie d'idées malhonnêtes, il est sûr, 1°que, quoi qu'elle en pense, elle ne peut avoir le cœur bien pur, pendant que son esprit se repait du malheureux plaisir qu'elle trouve dans ce tissu d'intrigues et d'amourettes; 2° parce qu'en aimant le danger, elle s'expose à périr. Il en a fallu moins pour en perdre bien d'autres. C'est pourquoi le célèbre Gerson, serm. 3 de Adventu, dit : Difficile est legere libros moventes ad luxuriam, quin sit peccatum mortale : et hi, qui eos retinent, deberent compelli per eorum confessores ad comburendos eos, aut lacerandos; ne ipsi vel alii amplius peccent. Lire ces sortes de livres avec une délectation charnelle, serait un péché mortel; mais ceux qui ne les lisent que par curiosité, ou par manière de récréation, ne pèchent que véniellement, à moins qu'il n'y ait danger prochain d'une délectation criminelle.

Quant à certaines tragédies, certains romans qui ne son! pas très-immoraux, quoiqu'on puisse les lire sans péché mortel, quand il n'y a ni grand scandale, ni danger de consentement honteux, ils ne laissent pas que d'être fort nuisibles. L'expérience apprend, dit Vernier, que de la lecture de ces ouvrages nait une incapacité de s'appliquer à un tra

vail soutenu, et l'extinction de l'esprit de ferveur et de piété.

CAS V. Castor, libraire, débite plusieurs sortes de contes, romans, comédies et autres livres remplis d'histoires amoureuses, d'expressions équivoques, capables de porter à l'impureté les jeunes gens, et ceux qui n'ont qu'une vertu médiocre. Son confesseur veut qu'il les brûle, ou qu'il les mette au pilon. Mais il s'en excuse, 1° parce qu'il ne peut en sacrifier une édition entière, sans en souffrir une perte considérable; 2° parce que tous ces livres sont approuvés du censeur royal, et munis de l'autorité du prince; 3° parce que ses pratiques le quitteraient, et iraient chez les autres libraires, qui font ce commerce au su de leurs confesseurs, et sous les yeux du magistrat. Que lui dire?

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R. Une seule chose c'est qu'il est en état de damnation, s'il ne détruit tous ces livres, parce qu'il est la cause de tous les péchés

que commettent ceux qui les lisent. Quant à ses excuses prétendues, elles sont toutes frivoles. En effet, la première servira à justifier un peintre, qui vend les tableaux les plus obscènes, ou un propriétaire, qui ne pouvant autrement louer sa maison, la loue pour les plus criminels usages. La seconde ne vaut pas mieux toutes les approbations du monde ne peuvent faire qu'un livre propre à exciter et à nourrir l'impureté, ne soit pas essentiellement mauvais; et le privilége du prince ne justifie pas plus la comédie que les comédiens. La troisième revient à la première. Il vaut mieux perdre ses pratiques et une partie de son bien, que de perdre son âme. Au reste, s'il y a eu des casuistes assez impurs pour autoriser les plus grands excès, il peut bien y en avoir qui passent ce genre de commerce. Mais que veut-on en conclure devant Dieu ?

LOI.

La loi est un précepte porté par une autorité légitime pour le bien public. Il y a plusieurs sortes de lois savoir, 1° la loi éternelle qui est la souveraine raison, selon laquelle Dieu gouverne toutes les créatures; 2° la loi naturelle, qui, quoiqu'elle ne soit pas écrite, est née avec nous, et que Dieu a inspirée à tous les hommes, en l'imprimant en l'âme de chacun d'eux. Ses deux principaux préceptes sont l'amour de Dieu et du prochain. Cette loi oblige tous les hommes, dès le moment qu'ils ont assez de raison pour discerner le bien et le mal; 3° la loi positive, qui est ou divine ou humaine.

La loi positive divine est celle que Dieu a donnée aux hommes dans le temps, à la différence de la loi naturelle qui est née avec nous. Telle est celle que Dieu donna à Moïse, laquelle, en ce qui concernait les préceptes cérémoniaux, ne regardait que le seul peuple juif; et celle que nous a donnée Jésus-Christ, qui oblige tous les chrétiens, 1° à croire lous les mystères, et tous les points de foi que Dieu a revélés à son Eglise; 2° à connaître tous les sacrements, les dispositions avec lesquelles nous devons les recevoir, et le temps où nous y sommes obligés; 3° à remplir les préceptes moraux qu'elle contient, et que Jésus-Christ nous a expliqués plus clairement que n'avait fait Moïse.

La loi positive humaine est ecclésiastique ou civile. La première dirige les actions des chrétiens à la béatitude éternelle,conme à leur fin; et elle renferme la foi, les mœurs et la discipline. Celle-ci peut changer; mais la foi et la règle des mœurs sont invariables. La loi civile est celle qui est faite par le prince. Mais, pour être valide et pour obliger, 1° il faut qu'elle ne contienne rien qui soit évidemment injuste; 2° qu'elle ait pour objet le bien commun; 3° qu'elle ait été légitimement publiée. Alors on est obligé en conscience d'y obéir.

Nous ne parlerons point des lois romaines en particuler, parce qu'elles n'ont d'autorité en France, qu'autant qu'elles sont conformes à l'équité naturelle et aux édits, déclarations et ordonnances de nos rois, qui nous tiennent lieu de lois, ainsi que nos coutumes dans les pays coutumiers.

Tout législateur ne peut mieux autoriser ses lois, que par l'exemple qu'il donne à ses peuples en s'y conformant; puisque, comme dit saint Grégoire le Grand, les bons exemples persuadent beaucoup mieux que ne le font les paroles: aussi est-ce ainsi que se conduisirent Lycurgue, Thémistocle, Auguste et plusieurs autres sages législateurs ou souverains.

CAS I. Plusieurs ecclésiastiques ayant agité la question s'il y a quelques préceptes de la loi ancienne que les chrétiens puissent ou doivent même observer, les uns ont soutenu l'affirmative, et les autres la négative. Que doit-on en penser?

R. La loi ancienne avait trois sortes de préceptes les moraux, les cérémoniels et les judiciels. Les préceptes moraux, c'est-àdire, selon saint Thomas, ceux qui sont fondés sur le droit naturel, obligent dans la loi nouvelle, comme dans l'ancienne. Ma s il n'en est pas ainsi des préceptes cérémoniels; car comme ils n'étaient établis que pour annoncer aux Juifs que le Messie naîtrait un jour, et que ce Messie est venu, on ne pourrait les observer sans préjudice de la foi chré

tienne. Pour ce qui est des préceptes judiciels, il est certain que leur obligation a cessé par la venue du Messie. Mais comme ils n'é aient pas établis pour sign fier qu'il devait venir, ils n'ont pas tellement ce-sé par sa venue, qu'on ne pût encore à présent les observer sans péché, si un prince en faisait une loi, pourvu que ce ne fût pas à dessein de les ordonner comme tirant leur vertu de l'institution de l'ancienne loi. Car cette intention serait péché mortel, non-seulement à l'égard du prince qui les aurait ordonnés, mais encore à l'égard de ceux qui les observeraient dans cet esprit. Tout cela est tiré de saint Thomas, 1-2, q. 103 et 104.

CAS II. Le pape a fait publier et afficher à Rome une loi qui règle un point de disci

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