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pline à l'égard de toutes sortes de chanoines. Ceux de Bordeaux, à qui on en a envoyé de Rome un exemplaire, refusent de s'y soumettre. Pèchent-ils ?

R. Les lois pontificales n'obligent en France que quand elles y sont dûment publiées. Et cela est juste, parce qu'il peut arriver que ce qui convient en Italie ne convienne pas ailleurs, ou qu'il soit contraire à des usages qu'on ne peut ni ne doit abolir. Ainsi puisque la loi dont il s'agit n'a pas été publiée en France par l'autorité royale, elle n'oblige pas ces chanoines sous peine de péché: ils peuvent donc persister dans leur ancien usage, pourvu qu'il ne soit pas contraire aux bonnes mœurs.

CAS III. Le roi a fait une loi dont le peuple est bien informé. Hubert prétend n'être point obligé à y obéir, jusqu'à ce qu'elle ait été publiée. N'est-il pas dans l'erreur?

R. Non; car aucune loi n'oblige, si elle n'est connue de ceux pour qui elle a été faite'; et elle n'est censée connue, que par la publication juridique qui s'en fait. Il n'est cependant pas nécessaire que chaque particulier entende cette publication; il suffit que les uns en soient instruits par d'autres qui en ont été témoins. Dans les grands Etats, la publication qui se fait dans la capitale ne suffit pas. Et l'on sait qu'en France, une loi n'oblige que ceux du ressort du parlement où

elle a été vérifiée.

CAS IV. Victor est informé qu'un grand nombre de désordres règnent dans son Etat. Est-il tenu de faire des lois qui les défendent tous sous de justes peines?

R. Non; car le prince doit tolérer certains maux pour en empêcher de plus grands: et il aurait bientôt désolé tous ses Etats, s'il voulait punir tous les désordres. Il lui suffit donc de faire des lois pour empêcher ceux qui sont les plus dommageables à la société, et dont la plus grande partie des hommes peuvent s'abstenir, tels que sont les assassinats,les vols, les sacriléges, et semblables. De là ce mot de saint Augustin: Aufer meretrices de rebus humanis, turbaveris omnia libidinibus, lib. de Ordine. Tout ceci est encore de saint Thomas.

CAS V. Narcisse a souvent violé une loi qui n'est que pénale. A-t-il péché mortelle ment, s'il paraît par ses termes que l'intention du législateur est d'obliger sous peine de péché mortel ses sujets à l'observer?

R. On ne doit pas se régler sur l'intention d'un législateur, pour connaître si la loi oblige sous peine de péché grief, ou de péché léger. Car quand la loi est d'une grande importance au bien public, elle oblige toujours sous pe'ne de péché mortel, quand même le législateur n'aurait pas intention qu'elle y obligeât; et au contraire, si la loi n'est pas importante, elle n'oblige que sous peine d'un péché léger, quoique le législateur ait eu intention qu'elle obligeât sous peine de péché mortel. La raison est que toute véritable loi doit être juste. Or elle ne serait pas juste, si, lorsqu'elle est peu importante, elle obligeait sous peine de péché

mortel; ou si étant fort importante, elle ne commandait une chose que sous peine de péché véniel. C'est pourquoi, si la loi que Narcisse a violée est de peu d'importance au bien public, son péché n'est que véniel, en quelques termes qu'elle soit conçue. Au reste, lorsqu'une loi défend une chose sous peine d'amende, on n'évite pas le péché en la transgressant, quoiqu'on veuille bien s'exposer à la payer, à moins que cette loi ne soit pénale, mixte disjunctive, comme si elle portait qu'on fera telle chose, ou qu'on payera telle amende. Car lorsqu'elle n'est pénale que mixte conjunctive, comme si elle portait qu'on fera telle chose sous peine de telle amende, on pèche en la violant, outre qu'on s'expose au payement de l'amende.

- Nota. 1° Ce cas est mal proposé. Pourquoi appeler purement pénale une loi qu'on suppose portée avec intention d'obliger sous peine de péché mortel? 2° Je crois fort qu'en matière grave le législateur peut vouloir n'obliger que sub veniali, comme il pourrait conseiller, au lieu de commander. Voy. mon Traité des Lois, ch. 5, p. nunc 272. 3° Nous n'avons point de preuves qu'en France il y ait des lois purement pénales.

CAS VI. Juvénal voyant qu'une loi que son prince a fait publier, n'est pas observée par la plus grande partie de ses sujets, prétend qu'il la peut enfreindre sans péché. Ne pèche-t-il pas en la transgressant ?

R. Une loi n'oblige plus, quand elle est abrogée par l'usage; et elle est censée l'être, quand la plus grande et la plus saine partie des sujets ne l'observe pas, et que le prince, qui le sait, ne réclame point. C'est par celle raison qu'un grand nombre de lois que l'Eglise même a faites dans les siècles passés, ont cessé d'obliger, l'usage contraire ayant prévalu.

CAS VII. Chaumond a commis un parricide secret. Peut-il garder son bien, quoiqu'il y ait dans le pays une loi qui en dépouille ipso facto les parricides.

R. I le peut, parce que ces sortes de lois ne sont regardées que comme comminatoires, et n'obligent à la peine qu'après la sentence du juge, à moins que la loi ne prescrivit formellement le contraire; comme il paraît par celle qui oblige les bénéficiers qui ne récitent pas l'office à restituer les fruits de leurs bénéfices, sans qu'il soit besoin d'aucune sentence qui les y condamne.

CAS VIII. Amédée a fait une loi pour le bien de son Etat. Est-il soumis lui-même à sa loi?

R.Il n'y est pas soumis quant à la force coactive, parce qu'étant souverain il n'a point de supérieur qui puisse le punir. Mais il y est soumis quant à la force directive. Car, comme dit la loi IV, Cod. de Legib.: Digna vox majestate regnantis est, legibus alligatum se principem profiteri. Ainsi ce qu'on dit que le prince est au-dessus de la loi, ne se doit entendre que du pouvoir qu'il a d'en dispenser ou de la changer, quand il le trouve expédient pour Futilité publique. Saint Thomas, 1-2, q. 96, a. 5.

LOTERIE.

La loterie est une espèce de jeu usité, selon les uns, dès le temps des Romains, selon d'autres, depuis le xv siècle. Ce jeu consiste en certains billets chiffrés, où l'on écrit tel mot qu'on veut, et qui, après avoir été mêlés ensemble, sont tirés au hasard au profit de celui dont la sentence et le numéro s'y trouvent écrits. Le premier cas va expliquer cette matière.

CAS I. Polycrate et Gabinius ont mis chacun une pistole à une loterie que Caïus a faite, et y ont gagné le gros lot. 1° Caïus n'a-t-il point péché en faisant cette loterie ? 2Ceux qui ont eu des lots ont-ils acquis légitimement ce qu'ils ont gagné ?

R. Les loteries quoique sujettes à beaucoup d'inconvénients ne sont point mauvaises par elles-mêmes; puisque c'est une espèce de jeu, qui n'est condamné ni par le droit naturel ni par le droit divin, ni par les lois de l'Eglise ou de l'Etat. Elles sont cependant injustes, 1° si on retient plus d'argent qu'il n'en faut pour les frais nécessaires; 2 si par fraude on fait échoir de bons billets aux personnes qu'on veut gratifier; ou lorsqu'on ne tire pas fidèlement au sort tous les billets; 3° si on les fait de son autorité privée, et sans l'autorité du supérieur. A moins qu'il ne s'agisse de choses peu considérables. Cela posé, si la loterie faite par Caïus a été dans toutes les règles, ceux qui y ont gagné ont légitimement gagné. Et il leur était aussi permis de le désirer qu'à un commerçant qui ne met sur mer que dans l'intention de faire du profit, et qui d'ailleurs altend tout de la Providence, et rien du hasard. A quoi il faut ajouter que, quand il s'agit d'une loterie en faveur d'une église, d'un hôpital, ou même d'un particulier qui perdrait beaucoup sur ses denrées s'il était obligé de les vendre, la première in

tention d'un vrai chrétien est de contribuer à la bonne œuvre.

CAS II. Théophane a fait une loterie dont le fonds était composé de différentes pièces d'étoffes. Matthieu a eu un lot, pour la délivrance duquel il a été obligé de le faire assigner par-devant le juge de police. Que doit faire ce magistrat?

R. Il y a trois sortes de loteries. Les unes sont défendues; les autres sont permises par le prince, ou par le magistrat ; et les autres sont seulement tolérées. Lorsqu'elles sont défendues, le juge, loin d'écouter ceux qui y ont intérêt, doit punir et celui qui a fait la loterie, et ceux qui y ont mis leur argent, par la confiscation des deniers qui y ont été portés. Quant aux loteries qui se font avec permission, ceux à qui des billets noirs sont échus, ont action pour se faire payer; parce que le prince, ou le magistrat qui autorise nne loterie, doit donner les sûretés dont ont besoin ceux qui y mettent. A l'égard des loteries qui sont seulement tolérées, elles tombent dans le cas des jeux de hasard défendus en général. C'est pourquoi un particulier n'a point d'action en justice pour la délivrance de son lot; et s'il l'intente, il s'expose à la confiscation de son lot, et le maître de la loterie à la confiscation des deniers ou effets qui y ont été mis, et qui lui restent entre les mains, ou au moins à une amende arbitraire. LOUAGE.

Le louage est un contrat par lequel on donne pour un certain temps les fruits ou l'usage de quelque chose à quelqu'un pour une somme d'argent, ou pour quelque autre profit. Nous disons, 1° pour un certain temps, parce que si ce contrat était perpétuel, ce serait une vente; 2° ou l'usage, par où il diffère encore, et de la vente où l'on cède la propriété avec l'usage, et du prêt qu'on appelle mutuum; 3° ou de quelque autre chose: car outre les biens immeubles, on peut louer un cheval, des bœufs, et même une personne pour en retirer le service nécessaire. Mais il y a des choses qu'on ne peut louer, comme une maison à un asurier public; ni une servitude d'un champ, tel qu'est le droit qu'on a de passer par la terre de son voisin pour aller à la sienne.

Pour rendre juste le louage de la part du locateur, il faut; 1 qu'il demeure chargé du péril de la chose qu'il loue, comme en étant le propriétaire, excepté le cas où la chose viendrait à périr par la faute du locataire, ou lorsque le locateur s'en serait chargé; 2 que le locateur fasse toutes les réparations nécessaires à l'entretien de la chose louée, à moins que le locataire ne l'en ait déchargé ; 3° que le locateur avertisse le locataire des défauts nuisibles qui peuvent se rencontrer dans la chose louée, tel qu'est le vice d'un cheval ombrageux; autrement, il serait tenu du dommage causé au locataire par ce défaut, soit qu'il l'ait connu ou qu'il ait négligé de le connaître, car, comme le dit saint Antonin, In hoc etiam contractu venit culpa levis, cum gratia utriusque celebretur; et il y a même quelques cas où ce contrat admet une cause très-légère; 4° que le locateur fasse jouir le locataire de la chose louée pendant tout le temps convenu, faute de quoi il doit l'indemniser. Néanmoins cette dernière règle n'a pas lieu, quand le locataire ne paye pas le prix convenu, et quand il fait un mauvais usage de la chose qu'il tient à louage; comme s'il s'en sert pour des causes réprouvées par les lois.

Le locataire a aussi ses engagements envers le locateur. Car 1° il ne lui est permis de se servir de la chose louée, que pour l'usage dont il est convenu avec le locateur; et s'il en agit autrement, il est tenu de tout le dommage qui en peut arriver; 2 il ne peut quitter la chose qu'il tient à louage, qu'à la fin du terme convenu, à moins qu'il n'y soil contraint par quelque cause juste; auquel cas il doit en avertir le locateur, s'il lui est possible; 3 il doit user de la chose en bon père de famille, c'est-à-dire, la conserver, et faire les réparations

portées par le bail ou par la coutume; 4° il est obligé de payer exactement, et dans le temps convenu le prix du louage au locateur; 5° il doit aussi répondre et de ses faits, et de ceux de ses sous-locataires, domestiques, enfants et semblables.

Quo que plusieur- des règles précédentes puissent s'appliquer aux baux à ferme, il est bon d'en traiter un peu plus en détail. On appelle Bail à ferme, le louage d'un fonds de terre qui produit des fruits en le cultivant, comme un vignoble; ou sans qu'on le cultive, comme un bois taillis, un pré, un étang, en quoi ces sortes de fonds diffèrent des maisons el des autres choses qu'on donne à loyer, et qui ne produisent aucuns fruits. Comme les fruits d'une terre affermée sont incertains, on ne fait un bail que sur la considération de l'espérance qu'a le fermier d'une abondante récolte, et du péril où il s'expose de n'en avoir qu'une très-médiocre et c'est pour cela que le bailleur peut stipuler avec le preneur, qu'il ne pourra prétendre aucune diminution en cas d'une mauvaise récolle.

Le bailleur est tenu, comme dans un autre louage, de faire jouir le preneur, sous peine de lui payer ce qui sera convenu, ou ordonné, pour ses dommages et intérêts; comme il y est tenu sous la même peine, en cas que le preneur soit évincé de la possession. Quand un bail à ferme est fini, et que le fermier continue, du consentement du bailleur, à exploiter la ferme, le bail est censé renouvelé pour un certain temps; c'est ce qu'on appelle tacite réconduction; et elle doit durer au moins une année ou plus, selon la volonté des contractants, et l'usage communément observé. Mais alors si le fermier a donné une caution au bailleur pour sûreté du prix convenu, la caution n'est pas censée renouvelée, non plus que l'hypothèque du propriétaire sur les biens du fermier; ainsi il ne reste alors au bailleur que l'hypothèque naturelle qu'il a sur les fruits provenant de son fonds; à moins qu'elle ne soit faite par-devant notaires, auquel cas même l'hypothèque n'a lieu que du jour de sa date, comme l'observe Domat.

Le fermier a aussi plusieurs engagements envers le bailleur. Car, 1° il doit jouir du fonds qu'il tient à ferme en bon père de famille, sans le détériorer, et observer toutes les clauses de son bail. Ainsi, si ce sont des terres labourables, il ne peut ensemencer celles qui doivent demeurer en guéret, ni semer du froment quand on n'y doit semer que de menus grains; 2° quand le bail, fait pour plusieurs années, porte que le propriétaire aura une certaine portion des fruits pour le prix de son bail, au lieu d'argent, le fermier doit fournir de sa part les frais des semences et de la culture; et comme un tel bail tient de la nature d'une société, où chacun hasarde de son côté, il doit porter les cas fortuits à cet égard, sans pré endre aucun dédommagement contre le propriétaire, quand même le fonds n'aurait produit aucuns fruits; mais quand le bail est fait pour un an à prix d'argent, le fermier est exempt de payer le prix convenu, quand il ne recueille point de fruits par un cas fortuit, comme d'une grêle ou d'une irruption de gens de guerre, à moins qu'il ne se fût obligé par son bail à porter ces sortes de cas; 3° quand le fermier dont le bail n'est que pour une année, ne souffre que de légères pertes, soit par la petite quantité ou par la mauvaise qualité des fruits, il ne peut prétendre aucune diminution du prix qu'il s'est obligé de payer au propriétaire. Si néanmoins le dommage était considérable, il serait juste que le propriétaire accordât au fermier quelque diminution, dont l'un et l'autre peuvent convenir, ou qui doit être réglée par le juge ou par un arbitre équitable, quand même le bail serait de plusieurs annees. Si le fermier abandonne la culture de sa ferme, le propriétaire a droit de le poursuivre pour ses dommages et intérêts. Le propriétaire est tenu de rembourser au fermier les améliorations que celui-ci a faites, sur le fonds affermé, quand il les a faites sans y être obligé par son bail; comme s'il a planté un bois taillis, ou une vigne dans quelque terrain infe tile, etc.

On appelle bail à loyer celui des maisons et celui des meubles; loyer le louage du travail ou du service. Les devis, marchés, prix faits pour l'entreprise d'un ouvrage moyennant un prix déterminé sont aussi un louage, lorsque la matière est fournie par celui pour qui l'ouvrage se fait. On peut louer toutes sortes de biens, meubles et immeubles; sont exceptées les choses qui se consomment par l'usage; elles ne se louent pas. On peut louer ou par écrit, ou verbalement. Voyez BAIL. La promesse de bail vaut bail lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. Le preneur a le droit de souslouer et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite pour le tout ou partie : cette clause est toujours de rigueur. Si le locataire sous-loue malgré la défense qui lui en est faite par une clause de son bail, il s'expose à la résiliation. Si la location est verbale, comme il n'y a pas d'interdiction prononcée, le locataire conserve son droit de sous-louer. Le propriétaire ne doit connaître que le principal locataire qui est toujours garant, non-seulement du prix du loyer de la chose qu'il a sous-louée, mais encore des dégradations que pourraient faire les sous-locataires. Le locataire ne peut, à moins d'autorisation écrite du propriétaire, sous-louer à des personnes exerçant une profession prohibée, ou qui ne pourrait convenir à l'usage auquel la maison aurait servi jusque-là. Les obligations, droits et priviléges du principal locataire envers les sous-locataires sont les mêmes que ceux du propriétaire envers le principal locataire. Le locataire principal est le seul que doive connaître le sous-locataire, à moins que le propriétaire n'établisse envers lui sa qualité par une signification d'acte. Lorsque le principal locataire ne paye point au propriétaire le prix de la location, les sous-locataires ne sont tenus de payer le propriétaire que s'il fait entre leurs mains des saisies-arrêts, et s'il fait ordonner par justice qu'ils se

ront tenus de le payer. Au surplus, les obligations et droits des sous-locataires vis-à-vis du principal locataire sont les mêmes que ceux du locataire vis-à-vis du propriétaire. Dans tous les cas, le locataire peut emporter les meubles et les ouvrages de menuiserie qu'il aurait fait sceller dans les murs, sauf à remettre ces murs dans leur état primitif. Il ne peut dégrader ni gâter les peintures qu'il a fait faire sur les murs; de même il ne peut arracher les papiers qu'il a collés sur le mur ni les dégrader, quand même le propriétaire ne voudrait pas lui en payer la valeur. Si pendant la durée du bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes, et qui ne puissent être différées jusqu'à sa fin, le locataire doit les souffrir, quelque incommodité qu'elles causent et quoiqu'il soit privé, pendant qu'elles se font, d'une partie de la chose louée; mais si ces réparations durent plus de quarante jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé; si les réparations sont de telle nature qu'elles rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du locataire et de sa famille, celui-ci pourra faire résilier le bail. Si le locataire a été troublé dans sa jouissance par suite d'une action concernant la propriété du fonds, il a droit à une diminution proportionnée sur le prix du bail, pourvu que le trouble et l'empêchement aient été dénoncés au propriétaire. Le locataire répond des dégradations qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faule. Il répond de l'incendie. Voyez Incendie.

Le locataire à qui le propriétaire demanderait payement de plusieurs termes et qui ne pourrait produire de quittance ne serait pas admis à prouver par témoins qu'il a payé, et le propriétaire serait cru sur serment.

Avant le code civil, le bailleur pouvait faire résilier le bail, s'il voulait occuper lui-même sa maison ou cultiver lui-même ses terres; aujourd'hui, le bailleur ne peut exercer un pareil droit que lorsqu'il a été formellement stipulé par le bail. Le preneur ne peut, à raison de la vente, demander la résiliation; seulement il peut exiger que l'acquéreur déclare de suite s'il entend ou non entretenir le bail. Que le bail soit ou non authentique, qu'il ait ou n'ait pas date certaine, l'acquéreur ne peut expulser le locataire de maison, boutique ou appartement qu'en l'avertissant au temps d'avance usité dans le lieu pour les congés; et le fermier des biens ruraux qu'en l'avertissant au moins un an d'avance. Voyez BAIL. Les obligations de ceux qui sous-louent en garni leurs appartements sont les mêmes que celles des maîtres d'hôtels garnis, aubergistes, logeurs de profession.

CAS I. Laurent a loué 20 arpents de terre labourable à Janvier, pour cinq années: à la troisième année ces terres sont entièrement ravagées par une inondation, ou devenues inutiles par une grande stérilité. Laurent est-il obligé à porter ce dommage?

R. Il doit le porter, selon Grégoire IX, c.3, de Locato, et selon la jurisprudence de ce royaume. Au fond, un pauvre fermier est assez à plaindre quand il perd ses semences et le fruit de ses travaux, sans être encore obligé à payer le prix des fruits qu'il n'a pas perçus, et sur la récolte desquels ce prix est néanmoins fondé. On convient pourtant avec Papon qu'ordinairement on n'accorde pas de diminution au fermier, quand son bail est de trois ans, et à plus forte raison quand il est de cinq ou plus; parce qu'on suppose avec raison que l'année qui ne lui est pas avantageuse est assez compensée par l'abondance des précédentes et des suivantes; mais on en doit juger autrement, lorsque le bail n'est que pour une année, ou quelquefois même pour deux.

Il faut néanmoins observer, 1° que si le locateur et le locataire avaient fait une convention contraire, ou que les terres affermées fussent sujettes à la stérilité, comme sont celles qui sont situées le long d'une rivière qui les inonde souvent, le locataire n'aurait pas droit de demander une diminution, parce qu'ayant pu et dû prévoir la sté rilité ordinaire d'un tel fonds, il est censé avoir bien voulu en courir les risques, et que par celle raison il a moins loué les terres qu'il ne les eût louées, si elles avaient été exemptes du danger de cet accident; 2° que ce que nous venons de dire se doit seulement

DICTIONNAIRE DE CAS DE CONSCIENCE. II.

entendre d'un louage fait à prix d'argent; car, si le locateur et le locataire étaient convenus qu'ils partageraient le profit ou la perte, le locataire n'aurait alors aucun droit d'exiger aucune indemnité du locateur.Leg. 5, ff. Locati, etc., lib. xix, tit. 2.

CAS II. Vandel a donné à ferme pour 5 ans une métairie à Aquidan. Après que les blés ont éte engrangés, ils ont été consumés par le feu du ciel. Aquidan demande à Vandel une diminution de la moitié du prix annucl de son bail. Vandel est-il obligé d'entrer dans cette perte?

R. Pendant que les blés sont encore sur pied, le maître du fonds doit supporter une partie du dommage qui leur arrive, parce qu'alors ils sont censés faire partie du fonds, et qu'un fermier ne contracte l'obligation do payer le prix convenu au maître du fonds, qu'en conséquence de la perception des fruits. Mais quand les blés sont enlevés, c'est le fermier seul qui en devient le maître, sous la condition de payer ce qu'il a promis à celui qui est propriétaire du fonds: d'où il suit que la perte des blés que le fermier a recueillis, arrivée par un cas purement fortuit, doit tomber uniquement sur lui, et non sur le propriétaire de la terre; quoique la charité veuille que le maître entre alors dans une partie de la perte que le fermier a soulferte, un tel accident étant capable de le rui. ner de fond en comble.

Nota. La loi et la coutume n'accordent au fermier le privilége d'exiger une diminution, en cas d'accidents fortuits, qu'à l'égard des fruits industriels, c'est-à-dire de ceux qui ne sont produits que par la culture et les peines des hommes. Car si les fruits naturels, tels

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que sont les foins et les bois, viennent à périr par l'incursion des ennemis, ou autrement, le fermier seul en doit porter toute la perte, et ne peut avoir d'autre recours qu'à la seule charité de son maître.

CAS III. Eustase a loué pour six ans une métairie à Bernard, et est convenu avec lui, dans le bail, qu'il serait payé de cette somme entière, nonobstant les cas fortuits qui pourraient arriver pendant le cours de six années. Quatre ans après, la guerre venant à être déclarée, lorsqu'on y pensait le moins, les armées ont consommé tous les grains et autres fruits de cette métairie. Bernard prétend s'exempter de payer l'année à Eustase; celui-ci veut être payé, puisqu'il est porté par le bail que les cas fortuits tomberont sur Bernard, et que sans cela il lui aurait affermé bien plus cher sa mélairie, d'où il a tiré un profit considérable les trois premières années. Qui a raison?

R. Une règle en toutes sortes de conventions est que les clauses qu'on y met ne doivent jamais être étendues à des choses qui vraisemblablement ne devaient pas venir dans la pensée des contractants. Iniquum est, dit la loi 9, ff. de Transact., perimi pacto id de quo cogitatum non docetur. Or, les cas fortuits, mentionnés dans le bail dont il s'agit, ne se doivent naturellement entendre que de ce à quoi l'on peut s'attendre, tels que sont la grêle, la gelée, la pluie continuelle et autres pareils accidents, et non pas de ce qui peut arriver par le fait des hommes, comme par une guerre ou par une violence, qui sont des choses où les contractants ne sont pas présumés avoir dû s'attendre. Donc Bernard a raison de vouloir s'exempter de la perte causée par le cas fortuit dont il s'agit ici. C'est la décision de Ferrière, de Domat et de Ménard qui le prouve par arrêt.

CAS IV. Odon, ayant affermé à Landri une métairie pour cinq années, moyennant 400 liv. par an, Landri est troublé dans la jouissance de cette ferme par Godefroy. Ce fermier a-t-il son recours contre Odon, nonseulement pour être déchargé du prix du bail, mais encore pour ses dommages et intérêts?

R. Si Odon peut empêcher ce trouble, et qu'il ne le fasse pas, la perte du prix du bail doit tomber sur lui, et il est en outre tenu de tous les dommages et intérêts envers son locataire, et de tout le profit que cet homme eût pu faire pendant le reste de son bail. Mais s'il ne le peut pas, il en est quitte en remettant au locataire le prix du bail, à proportion de la non-jouissance, sans être tenu du profit qu'il aurait fait en jouissant. Leg. 23 et 24, ff. Locati, etc.

CAS V. Patrocle a loué sa maison à Sylvain. Celui-ci a eu querelle avec un voisin, qui a mis le feu à sa grange, laquelle a été consumée avec tous les grains dont elle était remplie. Patrocle veut obliger Sylvain à rebâtir sa grange. Sylvain prétend n'être pas même tenu de la perte des grains, parce que c'est un cas fortuit. Sur lequel des deux doit tomber le dommage?

R. Il doit tomber sur Sylvain, s'il s'est at<< tiré cet orage par sa faute et son imprudence; parce que, qui occasionem præstat, damnum fecisse videtur. Mais si le voisin a été l'injuste agresseur, et qu'on ne puisse imputer aucun tort à Sylvain; si, v. g. dans un procès intenté par un autre contre ce voisin, Sylvain a été contraint de déposer contre lui, et que, pour s'en venger, il ait brûlé la grange de Sylvain, ce cas doit être considéré comme purement fortuit, et par conséquent il n'en serait pas responsable, mais le dommage du bâtiment de la grange tomberait uniquement sur le locateur. Voyez le cas CYPRIEN.

CAS VI. Prosper, ayant affermé vingt arpents de terre à Bénigne, pour neuf ans, à condition que Bénigne lui paiera 120 boisseaux de froment, la stérilité a été si grande la dernière année, que Bénigne n'a presque rien recueilli; sur quoi il demande à Prosper un dédommagement, tant pour ses semences que pour son labourage, ce que Prosper lui refuse. Lequel des deux a raison ?

R. Quand un bail à ferme est fait pour un temps si long, non en argent, mais en certaine portion de fruits, et qu'il arrive dans quelques-unes de ces années des pertes causées par des cas fortnits qui ne sont pas extraordinaires, elles doivent tomber sur le locataire, et non sur le locateur. La raison est que, comme dans une annee très-fertile le locataire ne doit rien de p us que ce dont il est convenu, de même, dans une année de stérilité, il ne doit rien de moins Son hil ertra consuetudinem acciderit, dɔmnum coloni est. Leg. 15, Locati, etc

Cas VII. Geofroi, ayant loué pour sept ans 45 arpents de terre à Vincent, ce termier veut ensemencer tous les ans ces terres de froment. Geofroi prétend qu'il n'en d.t ensemencer que le tiers, et l'autre tiers de menus grains, et laisser le reste en guéret ou ja~ chère, sans y rien semer. A-t-il raison?

R. Oui, pourvu que cela soit porté par les conventions du bail, ou réglé par l'usage général du pays; car, au défaut des conventions du bail, le locataire est obligé de s'y conformer comme à une loi qu'il doit suivre. Nam diuturni mores consensu utentium comprobati legem imitantur, dit Justinien, Instit. 1. 1, tit. 2.

CAS VIII. Gratien a affermé pour cinq ans une mélairie à Bertin, qui y a fait de son chef des améliorations considérables, ayant planté une vigne dans un lieu qui était auparavant inculte. Le bail étant fini, et Gratien ne voulant pas le lui continuer, lui a demandé le remboursement des dépenses qu'il y a faites. Gratien lui a répondu qu'il les avait faites sans son ordre, et qu'ainsi il ne devait pas lui en tenir compte. Ce propriétaire est-il bien fondé dans son refus?

R. Si ce locataire était obligé par son bail à faire ces améliorations, Gratien n'est tenu à lui en faire aucun remboursement; mais s'il ne s'y est pas obligé par son bail, et qu'il ait augmenté par là le revenu de la métairie, Gratien est tenu de le désintéresser. C'est ainsi que le décide la loi 15, cod. de Eviction.,

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