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tion du gouvernement, s'abstinrent d'ordonner la saisie du sousmarin (1).

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Les contestations civiles qui intéressent les gens de l'équipage d'un navire de guerre doivent être soustraites à la juridiction territoriale aussi bien que celles qui regardent le navire lui-même, tout au moins lorsqu'elle ont trait à des actes qui touchent à l'exercice de leurs fonctions, car dans cette mesure les hommes sont vraiment les délégués de l'Etat auquel le bâtiment appartient. Il s'agit, notamment, d'une action civile en dommages-intérêts pour abordage introduite contre le commandant d'un navire de guerre ou d'une instance relative à un contrat de fourniture de vivres que le gestionnaire d'un bâtiment de guerre passé pour l'alimentation des hommes du bord la connaissance en devra appartenir aux autorités de l'Etat du navire. Ce sont seulement les actes indépendants de la mission publique dont les marins sont revêtus qui peuvent être justiciables des juridictions locales. « Les obligations contractées personnellement à titre privé par des hommes du bord envers des personnes étrangères, déclare dans son article 23 le règlement de 1898 de l'Institut de droit international, les engagent au même titre que tous autres étrangers; les différends qui peuvent surgir à cette occasion sont du ressort des juridictions compétentes et soumis aux lois applicables d'après les règles du droit commun, sans qu'on puisse atteindre les gens régulièrement portés sur le rôle d'équipage par des exécutions personnelles, telles que la contrainte par corps, et les distraire ainsi du service du bord ». Dans une affaire jugée en 1906 par la cour suprême de HongKong, au sujet du navire de la force navale des Etats-Unis Alexander, il a été décidé que les officiers du bord ne peuvent pas être actionnés en responsabilité civile devant les tribunaux du pays dans les eaux duquel se trouve leur navire lorsque les actes dont on veut les rendre responsables ont été accomplis dans les limites de leurs fonctions (2).

Une sentence de la cour d'appel de Santiago du Chili du 5 novembre 1907, dans une affaire civile où le ministre de l'Equateur était partie, a déclaré que « le navire de guerre étranger jouit, dans les ports où il est admis à stationner, du privilège de l'exterritorialité et qu'en conséquences les tribunaux sous la juridiction desquels sont placés ces ports n'ont pas compétence pour connaître des réclamations formées par des commerçants locaux pour fournitures de vivres impayés (3).

(1) V. rapport de M. van Slooten au Comité maritime international, dans le Bulletin n° 51 du Comité, 1922.

(2) V. Naval war college, op. cit., 1907, pp. 35-42.

(3) Revista de derecho y jurisprudencia, 1907. I. 265; J. I. P., t. XXVI, P. 244.

6202.

2. Plaçons-nous maintenant en dehos de tout procès. Deux hypothèses peuvent en particulier se présenter :

a) Un enfant naît à bord d'un vaisseau de guerre ancré dans un port étranger. C'est, par exemple, l'enfant d'un des officiers du bord qui vient au monde sur un croiseur français mouillé dans un port du Venezuela. Cet enfant sera-t-il considéré comme né en France ou comme né au Venezuela? La question a son importance: né en France, cet enfant sera Français d'une manière absolue, à l'égard de tous les pays; né au Venezuela, il sera Français pour la France comme né de parents français, mais en outre pour le Venezuela il aura acquis dès sa naissance la nationalité vénézuélienne, la loi vénézuélienne déclarant nationaux les individus nés sur son sol, A notre avis, on ne doit pas hésiter à se prononcer dans le dernier de ces deux sens, car le navire mouillé dans les eaux du Venezuela se trouve strictement sur le territoire vénézuelien : les navires de guerre dans un port étranger jouissent sans doute de certaines immunités; mais s'ils en jouissent, c'est uniquement dans la mesure où elles sont indispensables pour que soit respectée la souveraineté de l'Etat qu'ils représentent et pour qu'ils puissent accomplir librement leur mission publique; or, bien évidemment, la souveraineté de l'Etat n'est pas intéressée et la mission des navires n'est pas liée au sort des enfants qui naissent à bord d'un bâtiment de guerre. C'est une solution diamétralement contraire qu'il faudrait admettre si, adoptant la fiction d'exterritorialité ou de territorialité des navires de guerre, on considérait ces navires comme une portion flottante détachée du territoire de l'Etat auquel ils appartiennent né sur un vaisseau de guerre français dans les eaux d'un pays étranger, l'enfant devra alors être réputé avoir vu le jour en France. C'est de la même façon qu'il conviendrait de résoudre le cas d'un décès survenu sur le navire de guerre le décès devrait être considéré comme s'étant produit dans le pays où le navire est mouillé.

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b) Au point de vue de la forme des actes juridiques passés sur un navire de guerre, la règle qu'il convient d'appliquer est la règle locus regit actum. Mais l'application de cette règle doit avoir des conséquences différentes selon qu'on estime ou non que le navire est le prolongement du territoire de l'Etat dont il dépend les actes seront soumis, dans le premier cas, à la forme prescrite par la législation du pays du navire de guerre, et, dans le second, à celle exigée par les lois de l'Etat dans les eaux duquel le bâtiment a son mouillage.

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Navires de guerre dans les eaux littorales d'un Etat étranger.

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621. De même que pour les ports et les rades, pour les eaux littorales ou territoriales, une double question se pose: 1° Les navires de guerre étrangers peuvent-ils y être admis ? 2° S'ils ont le droit d'y pénétrer, à quel régime convient-il de les soumettre ↑ 622. 1° Admission des navires de guerre dans les eaux littorales. La question de l'admission des navires de guerre d'un Etat dans la mer territoriale d'un autre Etat doit être diversement résolue suivant qu'on considère que cette mer est le territoire du pays côtier ou une partie de la mer libre sur laquelle ce pays a certains droits d'un caractère particulier ce sont, dans le premie. cas, des idées de restriction, et, dans le second, des idées de liberté qui devront dominer. Mais, même dans l'opinion qui fait rentrer la mer territoriale dans le domaine maritime de l'Etat, les vues ne doivent pas être uniformes: car l'accord est loin d'exister sur la nature du droit de domaine dont cette mer est susceptible.

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Ceux qui pensent que l'Etat riverain a sur ses eaux territoriales, portion de son territoire maritime, un droit de propriété ou un droit de souveraineté d'une nature absolue sont forcément amenés à refuser aux navires de guerre étrangers tout droit à y circuler : l'Etat riverain est maître de les leur fermer ou de les leur ouvrir à son gré. Et, pour être logiques, les partisans d'une semblable conception doivent en décider ainsi sans distinction entre les navires de commerce et les navires de guerre. Mais peu d'auteurs vont jusque-là on ne peut guère citer en ce sens que Klüber qui déclare d'une manière générale qu'« on ne pourrait accuser un Etat d'injustice s'il défendait le passage des vaisseaux sur mer sous le canon de ses côtes » (1). La plupart, distinguant entre les bâtiments marchands et les vaisseaux de guerre, accordent aux premiers un droit de passage innocent mais le refusent aux seconds. C'est notamment le cas de Hall, qui justifie comme suit son opinion : « Le droit de passage innocent ne peut être étendu aux navires de guerre. La possession par eux d'un pareil droit ne saurait s'expliquer par les motifs qui légitiment un passage commereial. Les intérêts du monde entier imposent l'existence de la plus grande liberté de navigation pour que se fasse le commerce par les navires de tous les Etats. Mais les intérêts généraux n'exigent ni nécessairement ni ordinairement qu'un Etat possède un droit de naviguer avec ses navires de guerre dans les eaux d'un autre Etat. Un tel droit serait seulement à l'avantage d'un Etat déter

(1) Klüber, op. cit., § 76.

miné. Il pourrait même souvent être dommageable aux autres Etats et pourrait être parfois dangereux pour le propriétaire des eaux dont il est fait usage. Un Etat a donc toujours le droit de refuser l'accès de ses eaux territoriales aux navires armés des autres Etats » (1).

C'est dans un sens tout différent que se prononcent la grande majorité des auteurs qui considèrent la mer territoriale comme un véritable territoire maritime : ils estiment que les navires de guerre étrangers ont, tout comme les navires de commerce, un droit à y pénétrer. Ainsi décident notamment Bonfils, Cobbett, Despagnet-de Boeck, Lawrence, Moore, Perels, Pradier-Fodéré, Rivier, Westlake (2). Mais comment accorder ce droit avec le droit de propriété ou le droit de souveraineté que ces auteurs reconnaissent à l'Etat sur ses eaux littorales: est-il possible qu'un Etat tiers puisse avoir un droit à l'usage de ces eaux, si l'Etat riverain en est le maître par droit de propriété ou par droit de souveraineté ? L'objection est sérieuse. On a cherché de diverses manières à la réfuter. On a recouru, d'abord, à l'idée de servitude : les eaux territoriales sont grevées au profit de la pleine mer d'une servitude de transit innocent. On a invoqué encore les convenances internationales. l'esprit de cosmopolitisme, les exigences du commerce maritime. Le principe de la liberté de navigation sur la haute mer a paru également imposer le passage innocent dans les eaux littorales: car sans lui le droit de naviguer en pleine mer serait en fait une impossibilité. La véritable raison qui doit faire admettre le droit de passage innocent des navires est qu'en réalité le droit de propriété et le droit de souveraineté territoriale d'un Etat sont non pas des droits absolus mais des droits limités par les droits essentiels à leur existence qui appartiennent aux autres Etats (V. n° 4925). Mais, s'il existe ainsi un droit de passage innocent au profit des navires étrangers, il y a pas de motifs pour ne pas en faire bénéficier les navires de guerre aussi bien que les navires de commerce. En effet, les navires de guerre peuvent avoir, tout comme les bâtiments marchands, besoin de traverser les eaux littorales des Etats pour se rendre dans les ports qui leur sont ouverts. Certains soutiennent même qu'ils ont un droit à entrer dans ces ports: s'il en est ainsi, force est bien de leur reconnaître le droit de circuler dans les eaux territoriales qui en sont le

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Cobbett, op. cit., t. I, p. 149.
Lawrence, op. cit., § 88.
- Pradier-Fodéré, op. cit., t. II,
Westlake, op. cit.,

(1) Hall, op. cit., § 42, p. 163. (2) V. Bonfils, op. cit., n° 507. pagnet-de Boeck, op. cit., n" 403 et 417. op. cit., t. I, § 144. Perels, op. cit., 103. p. n° 622, 628 et 629. Rivier, op. cit., t. I, p. 152. 't. I, p. 192.

vestibule. Au cours d'un voyage légitime, il peut leur être au surplus difficile en fait d'éviter de pénétrer dans des eaux territoriales, surtout si on donne à ces eaux une grande étendue. Les eaux territoriales ne sont séparées de la haute mer que par une ligne imaginaire. Les courants, les vents et les accidents de mer peuvent, d'autre part, obliger les navires à s'approcher de la côte, soit pour leur protection, soit malgré leurs efforts. Dans certaines mers, comme la Méditerranée, la majeure partie de la navigation doit se faire, pour sa sécurité, dans l'étendue de la mer territoriale. Les dangers qu'on redoute du passage des navires de guerre étrangers sont en réalité peu à craindre et l'Etat riverain a toujours la possibilité de s'en garantir par des mesures appropriées.

En dehors de ces deux systèmes qui sont l'un et l'autre absolus, le premier déniant, le second accordant le droit de passage innocent aux navires de guerre, il en est un troisième qui est d'une nature intermédiaire. Soutenu par M. de Louter, il n'admet de droit les navires de guerre à la traversée de la mer territoriale que s'il n'existe pas d'autre voie d'accès entre différentes parties de la haute mer (1).

Telles sont les diverses conceptions qui ont été présentées en partant de l'idée que la mer territoriale doit être assimilée au territoire. Mais, on l'a vu (n° 492), cette assimilation nous a paru inexacte et nous avons admis que les eaux territoriales ne sont pas en définitive autre chose qu'une partie de la mer libre. La conclusion qu'il faut ici en tirer est dès lors la suivante: puisque la mer territoriale est la mer libre, les navires de guerre étrangers doivent avoir le droit de circuler sur cette mer comme en pleine mer, c'est-à-dire librement en vertu du principe de la liberté des mers, qui y reçoit toute son application, ils ont un droit à y exercer leur navigation. D'où cette conséquence qu'il n'appar tient pas à l'Etat côtier de fermer directement ou indirectement la mer territoriale, c'est-à-dire de s'opposer au libre passage des navires de guerre, ou de les obliger à payer un péage.

Mais, s'il faut reconnaître aux bâtiments de guerre d'un Etat un droit de passage dans la mer territoriale d'un autre Etat, c'est seulement un droit de passage innocent qu'on doit leur attribuer : leur passage ne doit impliquer aucun fait qui puisse mettre en danger la paix et la sécurité de l'Etat riverain. Un double motif l'exige. Un Etat, même sur la haute mer, ne doit rien faire qui soit de nature à nuire aux droits des autres Etats. Et, d'un autre côté, l'Etat côtier, s'il ne possède sur la mer territoriale ni droit de propriété, ni droit de souveraineté, a, en vertu de son droit de

(1) De Louter. op. cit., t. I, p. 430.

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