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vernements (britannique et français) conviennent de ne pas laisser élever des fortifications ou des ouvrages stratégiques quelconques sur la partie de la zone marocaine comprise entre Melilla et les hauteurs qui dominent la rive droite du Sebou exclusivement », et par une déclaration du 3 octobre suivant, ainsi que par un accord secret de la même date avec la France (art. 1 et 4), l'Espagne a donné son adhésion à la déclaration franco-anglaise du mois d'avril. On doit aussi citer dans le même sens le traité franco-espagnol du 27 novembre 1912 (art. 6). Il faut encore rappeler à propos du détroit de Gibraltar l'accord du 16 mai 1907 par lequel l'Espagne, la France et la Grande-Bretagne, en s'engageant à maintenir le statu quo et à ne pas le modifier sans accord entre les trois pays, ont maintenu le régime de neutralisation établi en 1904. — Le 13 mars 1780, l'Espagne, qui faisait le blocus de la forteresse de Gibraltar, a, dans un règlement pour la navigation du détroit de Gibraltar, prescrit aux navires étrangers traversant le détroit la condition de longer la côte d'Afrique, de recevoir et même d'attendre l'escorte de ses bâtiments de guerre, toutes les fois qu'ils jugeraient à propos de l'imposer et ce, sous peine de saisie et de confiscation contre tous ceux qui ne se soumettaient pas à ces ordres arbitraires (1).

4. Détroit de Magellan (2)

510. Aussitôt que fut découvert en 1520, par Fernand de Magellan, Portugais au service de l'Espagne, le détroit, de 3 à 40 kilomètres de large, qui au sud de l'Amérique fait communiquer F'océan Atlantique et l'océan Pacifique, la couronne de Castille adopta à son endroit une politique des plus étroites s'en croyant maîtresse absolue, elle voulut le fermer aux pavillons étrangers. Afin d'écarter de la voie nouvelle les vaisseaux des autres peuples, elle chercha d'abord à en tenir secrète la découverte ; puis, quand celle-ci ne put plus être cachée, elle répandit le bruit que la route s'était perdue, quelque ile poussée par la force des vagues et par le vent ayant bouché l'ouverture du détroit. Cependant, en 1578, un aventurier anglais, Francis Drake, dans une de ses expéditions contre les colonies espagnoles des rivages du Pacifique, retrouvait le passage. Alors, le roi d'Espagne Philippe II résolut de fortifier le détroit de Magellan et de former des colonies sur ses côtes pour en interdire l'accès aux ennemis de la propriété espagnole. Mais les expéditions qu'à cet effet il organisa à partir

(1) V. G. F. de Martens, Recueil de traités, t. III, p. 94.

(2) V. Abribat, Le détroit de Magellan au point de vue international, 1902.

de 1580 furent malheureuses. Découragée, l'Espagne abandonna désormais tout projet d'exclure du détroit les navires étrangers. Cet abandon ne devait pas d'ailleurs lui être bien ́nuisible. Car, par la reconnaissance que des Hollandais firent en 1615 de la voie plus sûre du cap Horn, pour joindre l'Atlantique et le Pacifique, le détroit de Magellan perdit toute importance commerciale pendant une période de plus de deux siècles il ne fut plus parcouru que par quelques expéditions scientifiques.

5101.

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Le mouvement d'émancipation des colonies espagnoles de l'Amérique qui se produisit en 1810 et qui bientôt substitua, dans les territoires traversés par le détroit de Magellan, à la souveraineté de l'Espagne celle du Chili et de la République Argentine, n'amena aucun changement dans la situation de celui-ci : pendant les premières années de leur émancipation, le Chili et la République Argentine restèrent aussi indifférents à l'égard de la Magellanie que l'Espagne l'avait été depuis la fin du xvr° siècle ; et, dès lors, le détroit, ne se trouvant en fait soumis à l'autorité effective d'aucun Etat déterminé, continua à demeurer ouvert et libre à la navigation de tous les pays. Cela dura jusqu'en 1840. A cette époque, un des rares navigateurs qui parcouraient le canal de Magellan ayant eu l'idée de s'emparer au nom de son gouvernement de la région avoisinante qu'il supposait res nullius, le Chili s'émut et ordonna à un officier de marine militaire de conduire sur les bords du détroit, en y arborant le drapeau national, la force nécessaire pour les dominer. Mais, quelques années plus tard, en 1847, à la suite de l'expédition chilienne qui avait conduit à la fondation d'une colonie, la République Argentine, invoquant des titres remontant jusqu'à l'époque où l'Espagne avait pris possession de la contrée, contesta les droits de souveraineté du Chili sur le détroit de Magellan et sur les terres adjacentes. Le Chili et l'Argentine décidèrent alors de procéder à la délimitation des territoires et, après de longs pourparlers, signèrent le 30 août 1855 un traité dans lequel, reconnaissant que leurs frontières sont celles qu'ils avaient en se séparant de l'Espagne ou en 1810, ils convinrent d'ajourner les difficultés et, au cas où elles ne pourraient être résolues d'un commun accord, de les soumettre à la décision d'une nation amie. C'est cette dernière éventualité qui se produisit par une convention du 6 décembre 1878, les deux Etats organisèrent un tribunal arbitral composé de deux Chiliens et de deux Argentins qui devaient eux-mêmes désigner un homme d'Etat américain ne relevant ni de l'une ni de l'autre des puissances signataires; mais ce tribunal ne fonctionna point. Les retards et les complications qu'éprouvait de la sorte la solution de la question des limites entre le

Chili et l'Argentine, qui en définitive se confondait avec celle de la souveraineté des rives du détroit de Magellan, finirent à la longue par préoccuper certaines puissances. Au mois de janvier 1879, les Etats-Unis jugèrent opportun d'indiquer la condition qui, à leur avis, devrait être reconnue au détroit: « Le gouvernement des Etats-Unis, écrivit le 18 le secrétaire d'Etat Evarts à M. A. Osborn, son représentant au Chili, ne saurait tolérer qu'une nation quelconque élevât des prétentions exclusives au détroit de Magellan et tiendrait pour responsable tout gouvernement qui entreprendrait, n'importe sous quel prétexte, de soumettre à des droits ou à des empêchements le commerce des Etats-Unis à travers ce détroit ». Cependant, le conflit ne s'apaisait toujours pas. Alors, deux ans plus tard, les deux ministres nord américains à Buenos-Aires et à Santiago, MM. O. Osborn et A. Osborn, s'interposèrent, sur l'initiative du premier, entre les gouvernements intéressés pour leur proposer les bases d'un arrangement équitable. L'entente finit par se faire et, le 23 juillet 1881, fut signé à Buenos-Aires par les deux Etats, dont les pouvoirs législatifs ratifièrent ensuite la décision (1), un traité de démarcation qui, en ce qui concerne le détroit de Magellan, par ses articles 2 et 3, en donna les deux rives au Chili à l'exception d'une petite partie de la côte septentrionale entre les caps Dungeness et des Vierges qu'il attribua à la République Argentine et, en même temps, dans un article 5, en fixa ainsi qu'il suit la situation: « Le détroit de Magellan demeure neutralisé à perpétuité et sa libre navigation est assurée aux pavillons de toutes les nations. Afin d'assurer le respect de cette liberté et de cette neutralité, il ne sera construit sur ses côtes ni fortifications, ni ouvrages de défense militaire qui puissent contrarier ce but ». Ainsi, grâce à l'entremise indirecte des Etats-Unis, les cabinets de Santiago et de Buenos-Aires parvenaient, après un temps très long, à créer une condition juridique conventionnelle au détroit de Magellan (2).

5102. Quelle est exactement cette condition ? Elle se résume en réalité dans les trois règles suivantes : 1° le bras de mer est perpétuellement neutre ; 2° la libre navigation y est assurée à

(1) L'échange des ratifications du traité du 23 juillet 1881 eut lieu à Santiago le 22 octobre suivant.

(2) On a prétendu que l'article 5 de la convention du 23 juillet 1881 qui, en ce qui concerne le détroit de Magellan, stipule une renonciation à des attributs de la souveraineté, était inconstitutionnel à l'égard du Chili et qu'en conséquence il pouvait être frappé de nullité. Mais on a en même temps reconnu que, faisant partie d'un traité conclu par les organes gouvernementaux compétents, ce texte n'en existe pas moins tant que la nullité n'en est pas prononcée et que dès lors il lie. V. Abribat, op. cit., pp. 247-259.

la marine de tous les Etats; 3° les puissances riveraines ne peuvent en fortifier les côtes. Il importe de déterminer le sens

de chacune de ces règles.

Avant de procéder à cette détermination, afin d'établir d'une manière complète la situation du détroit, un autre point toutefois doit être examiné le détroit de Magellan est-il un détroit entièrement territorial, dont toutes les eaux appartiennent à un ou à plusieurs Etats? On sait que, d'après la doctrine généralement admise, un détroit est considéré comme faisant entièrement partie du territoire des Etats riverains lorsque ceux-ci peuvent faire sentir sur lui leur domination, c'est-à-dire lorsque sa largeur ne dépasse pas le double de l'étendue de leurs eaux littorales, constitutives de leur territoire, qui équivaut, suivant les systèmes, soit à deux fois la plus grande portée du canon, soit à une distance de six milles marins des côtes (11 kil. 112) (n° 506). Est-ce le cas du détroit de Magellan ? Les deux rives de ce détroit, long de plus de 574 kilomètres, qui, d'après le traité du 23 juillet 1881, appartiennent au Chili à l'exception d'une partie de sa côte septentrionale, d'environ 9 kilomètres, qui relève de la République Argentine, ont un écartement qui, en certains endroits, va jusqu'à 40 kilomètres et en d'autres n'atteint que 3 kilomètres. Si on calcule le pouvoir de domination des riverains d'après la plus grande portée du canon, toujours supérieure à 40 kilomètres, on doit don" admettre que le canal de Magellan dépend entièrement, mais dans des proportions inégales, du Chili et de la République Argentine Si, au contraire, on tient compte de la règle des six milles, la conclusion doit être que certaines parties du détroit ne seront pas complètement couvertes par les eaux côtières des puissances riveraines et que dès lors elles comprendront en leur milieu une zone absolument libre. Doit-on dire cependant que les parties où existera ainsi une pareille zone ne formeront jamais le territoire des riverains? On peut soutenir qu'il faut réputer entièrement territoriales toutes les parties d'un détroit, quelle que soit leur largeur, qui se trouvent comprises entre deux points où, l'écartement des rives étant faible, les riverains ont la possibilité d'exercer leur domination (n° 506). Le Chili a prétendu que le détroit de Magellan faisait en son entier partie de son territoire. En effet, le 15 décembre 1914, lors de la guerre mondiale, il a pris un décret ainsi conçu : << Considérant que le détroit de Magellan aussi bien que les canaux de la région australe se trouvent dans les limites internationales du Chili et par conséquent font partie du territoire de la République, décrète Par les effets de la neutralité, doivent être considérées comme faisant partie de la mer juridictionnelle ou neutre les eaux intérieures du détroit de

Magellan et des canaux de la région australe, même dans les parties qui sont distantes de plus de trois milles de l'une ou de l'autre rive » (1).

5102. 1° Neutralisation du détroit de Magellan. C'est une idée que le Chili avait déjà exprimée antérieurement, car, dans une note qu'il adressait le 26 octobre 1873 aux puissances étrangères, i annonçait que, si le bras de mer lui était attribué, il avait l'intention de le déclarer « neutre >> afin qu'en cas de guerre les navires de toutes les nations ne pussent pas y être traités autrement qu'en temps de paix (2). La République Argentine ne tenait pas moins que le Chili à cette idée dans la correspondance diplomatique qu'elle échangea avec lui à l'occasion. de la confection du traité de 1881, elle insista particulièrement pour qu'« on garantisse au monde entier que les eaux du détroit de Magellan seront neutres » (3). A quoi véritablement oblige cette clause de neutralisation? Dire qu'un espace de mer est neutralisé, cela veut dire qu'en cas de guerre les belligérants doivent le respecter, le considérer comme si l'état de paix était toujours existant, s'abstenir d'y accomplir des actes d'hostilité. La stipulation du traité doit donc entraîner comme conséquence l'obligation, à la charge du Chili et de l'Argentine, riverains du détroit, de n'y exécuter « à perpétuité » aucun fait de guerre. Et, comme le texte ne fait nulle distinction, il faut décider qu'une pareille obligation existe pour eux, non pas seulement vis-à-vis d'euxmêmes, mais encore "envers tous les Etats maritimes ainsi le Chili, en guerre avec le Pérou, n'aura pas plus le droit de capturer dans le détroit un vaisseau péruvien qu'il n'aurait le droit d'y saisir un navire argentin s'il était en guerre avec la République Argentine. Mais est-ce exclusivement au Chili et à l'Argentine que les actes d'hostilité sont interdits ? Les nations autres que le Chili et l'Argentine pourront-elles se livrer dans le détroit à des faits de guerre ? En ne s'obligeant pas à porter leur accord à la connaisance des puissances étrangères et à les inviter à y accéder, le Chili et la République Argentine semblent bien n'avoir voulu rendre le canal neutre que pour eux seuls (4). Ce n'est

(1) V. Paul Fauchille, La guerre de 1914, t. I, p. 354. (2) Memoria de relaciones esteriores, 1874, p. 284.

(3) Memoria de relaciones esteriores, 1881, p. 154.

son

(4) Ils ont sans doute proclamé dans l'article 5 de leur traité « la libre navigation assurée aux pavillons de toutes les nations », et ainsi on pourrait être tenté d'admettre qu'ils ont fait une stipulation pour autrui. Mais, si on peut concevoir qu'un Etat fasse acquérir des droits à un autre sans consentement, il est difficile de croire qu'il ait le pouvoir de lui imposer ainsi des obligations, par exemple le pouvoir de lui interdire en certaines circonstances des opérations déterminées (comp. n° 51217).

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