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fortifications dans ce but (art. 23), et d'acheter ou de louer, en vue de la protection efficace du canal et la conservation de sa neutralité, les terrains nécessaires pour établir des stations navales et de charbon (art. 25). En retour, les Etats-Unis garantirent l'indépendance de la république de Panama et promirent de lui payer 10 millions de dollars et une redevance annuelle de 250.000 dollars neuf ans après l'échange des ratifications (art. 1, 14). Il fut enfin déclaré que « le canal, lorsqu'il sera construit, et les entrées du canal, seront neutres à perpétuité et seront ouverts aux conditions fixées par la section 1 de l'article 3 du traité conclu entre les gouvernements des Etats-Unis et de la GrandeBretagne le 18 novembre 1901 et en conformité avec toutes les stipulations de ce traité (art. 18); il est question dans l'article 9 des péages et des taxes auxquels peuvent être soumis les navires qui utilisent le canal. L'échange des ratifications du traité eut lieu à Washington le 20 février 1904. On a parfois argumenté de ce traité pour dire que les Etats-Unis exerçaient sur la république de Panama une sorte de protectorat (V. no 181'). On a également prétendu que par le traité du 18 novembre 1903 le canal de Panama avait cessé d'être un canal international pour devenir un canal purement national (1). Il y a là quelque exagération. Si le canal de Panama n'est pas, comme le canal de Suez, établi sur le territoire d'un pays qui est, comme l'Egypte, par essence un pays international, et si les Etats-Unis ont sur le canal des pouvoirs considérables, il n'en reste pas moins que, d'après le traité de 1903, la route de Panama doit être ouverte sur le pied d'une entière égalité à toutes les nations, et qu'elle est en principe soumise aux règles que la convention du 29 octobre 1888 a édictées pour le canal de Suez.

Ainsi, après plus d'un demi-siècle, recevait sa solution par les deux traités Hay-Pauncefote du 18 novembre 1901 et Hay-Bunau Varilla du 18 novembre 1903, complétés par la convention du 29 octobre 1888 sur le canal de Suez, un problème qui intéressait le commerce du monde autant que la sécurité des Etats-Unis, et qui avait passé par les péripéties les plus diverses. En définitive, dans leurs négociations au sujet du canal interocéanique, les Etats-Unis avaient suivi successivement trois politiques différentes. Avant la guerre de Sécession, ils se déclarèrent partisans d'un canal établi par l'initiative privée, libre et ouvert à toutes les nations sans exception et sous le contrôle d'aucune d'entre elles. Ils se prononcèrent ensuite en faveur d'un canal construit

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(1) V. Pensa, La république et le canal de Panama, p. 301. V. aussi Ariga, Revue diplomatique (japonaise), octobre 1910 (comp. R. D. I. P., t. XVIII, p. 90).

à l'aide de capitaux privés mais soumis au contrôle politique des Etats-Unis. Ils furent finalement d'avis que le canal devait être une entreprise du gouvernement américain assujettie à son contrôle (1). 5131.

La période diplomatique désormais close, les travaux du canal furent immédiatement commencés par les Etats-Unis, et la nouvelle route maritime put être livrée à la navigation le 16 août 1914 (2). Mais, dès le 24 juin 1904, le président des Etats-Unis avait déclaré que le canal de Panama, dont les villes d'Ancon et de Crystobal devaient constituer les ports d'entrée, serait ouvert au commerce de toutes les nations amies, et, le 24 août 1912, une loi était édictée concernant les mesures nécessaires pour son ouverture (3). Le 9 juillet 1914, les Etats-Unis publièrent un règlement pour l'opération et la navigation du canal de Panama et ses approches, y compris toutes les eaux sous leur juridiction. Le 2 septembre 1914, une convention fut signée entre les Etats-Unis et le Panama en vue de délimiter la zône du canal de Panama.

513. —- A la suite des évènements qui s'étaient accomplis en novembre 1903 dans l'isthme de Panama, les rapports s'étaient naturellement singulièrement refroidis entre la Colombie et les Etats-Unis, la première ayant vu l'action des seconds dans la sécession de la province de Panama. Le 6 avril 1914, un traité fut conclu entre les deux pays afin de rétablir les anciennes relations d'amitié. Par ce traité, les Etats-Unis, exprimant leurs regrets

(1) V. Huberich, The trans-isthmian canal, 1904, p. 31.

(2) L'administration de la zone du canal de Panama fournit dans son rapport de 1920 des renseignements intéressants relatifs au trafic sur la grande voie interocéanique de l'Amérique centrale. En 1920, 2.814 navires de commerce ont franchi le canal de Panama.

Le tableau comparatif suivant indique, année par année, de 1914 à 1920, le tonnage de marchandises en transit depuis l'ouverture du canal:

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Parmi les navires qui ont franchi le canal en 1920, le pavillon américain était représenté pour 1.821, le pavillon britannique pour 867 et le pavillon français pour 53 unités.

D'après le rapport du gouverneur de la zone du canal de Panama, lə nombre des navires qui ont franchi le canal dans l'année fiscale 1922-1923 a été de 3.697, transportant 19.568.000 tonnes de marchandises.

(3) V. A. J., 1912, p. 976.

pour ce qui s'était passé, s'obligèrent à payer à la Colombie une somme de 25 million's de dollars et lui reconnurent à l'égard du canal et du chemin de fer de Panama certains droits particuliers ; 'en retour, la Colombie, acceptant les regrets des Etats-Unis, déclara reconnaître expressément le Panama comme nation indépendante. Approuvé dès 1914 par le Congrès colombien, le traité du 6 avril n'a été accepté par le Sénat des Etats-Unis que le 20 avril 1921 avec quelques modifications que le Congrès colombien a ratifiées le 14 octobre suivant (1).

513.

L'interprétation des traités relatifs au canal de Panama a donné lieu à plusieurs difficultés :

1° En 1910, le gouvernement des Etats-Unis, se prévalant des articles 3 et 23 du traité du 18 novembre 1903, a affirmé son droit de fortifier d'une manière permanente le canal de Panama. Le président des Etats-Unis, M. Taft, dans son message du 6 décembre de cette année, en indiquait la nécessité. C'est la thèse qu'avait également soutenue, dans un discours prononcé au mois de septembre précédent, l'ancien président des Etats-Unis M. Roosevelt. Mais l'un des rédacteurs du traité du 18 novembre 1903, M. BunauVarilla, a contesté l'exactitude de cette solution: le traité de 1903, d'après lui, a autorisé non des fortifications permanentes, mais seulement des fortifications éventuelles, du même ordre transitoire que l'emploi des forces militaires obligé par les circonstances telles qu'émeutes, révolutions, banditisme et cessant avec ces circonstances passagères (2).

2o La loi américaine du 24 août 1912, relative aux mesures nécessaires pour l'ouverture du canal de Panama, traite, au point de vue des droits de passage à travers le canal, les navires des Etats-Unis plus favorablement que les navires des autres EtatsUne pareille disposition a soulevé les protestations de certaines puissances et spécialement de la Grande-Bretagne ; on a prétendu qu'elle était contraire au traité Hay-Pauncefote du 18 novembre 1901 et au traité Hay-Bunau-Varilla du 18 novembre 1903 ainsi qu'aux principes du droit international (3).Devant ces protestations

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V. encore

Davis, Fortification

(1) V. A. J., 1921, p. 430. De Boeck, R. D. I. P., 2e série, t. V, p. 51. (2) V. R. D. I. P., t. XVII, pp. 549 et 624 et t. XVIII, p. 89. à ce sujet Bunau-Varilla, Panama, 1913, pp. 697 et s. of Panama, A. J., 1909, p. 885.- Hains, Neutralization of the Panama canal, A. J., 1909, p. 354. - Kennedy, The canal fortifications and the treaty, A. J., 1911, p. 620. Mahan, North American Review, mars 1911, p. 331. Olney, Fortification of the Panama canal, A. J., 1911, The right to fortify the Panama canal, A. J., 1911, p. 615.

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p. 298. Wambaugh,

Butte,

(3) Sur cette question, V. Balch, L'interprétation du traité Hay-Pauncefote relatif au canal de Panama, R. D. I., 2e série, t. XV, p. 139. Great Britain and the Panama canal: a study of the tolls question, 1913. Kaufmann, La loi américaine du 24 août 1912 sur le canal de Panama et le

le président des Etats-Unis, M. Wilson, a, au mois d'octobre 1913, manifesté l'intention de demander au Congrès de renoncer à l'application des règles édictées par la loi de 1912; le 11 juin 1914, le Sénat, par 50 voix contre 35, et le 12, la Chambre des représentants, par 216 voix contre 71, ont adopté un projet de loi annulant les règles de 1912; le bill abrogeant ainsi l'exemption des droits de péage du canal de Panama dont devaient bénéficier les navires des Etats-Unis, a été signé le 15 juin par le président Wilson (1). Au mois de mai 1920, le sénateur républicain Borah a fait au Sénat une proposition tendant à accorder au cabotage américain l'exonération du paiement des droits dans le canal de Panama cette proposition, qui revenait ainsi sur la loi du 15 juin 1914, a été votée par le Sénat le 10 octobre 1921 (2); mais, transmise à la Chambre des représentants, elle n'y a fait l'objet d'aucune délibération, de telle sorte que la loi du 15 juin 1914 est restée en vigueur.

5131. Dès le début de la grande guerre de 1914-1919, le 10 octobre 1914, les Etats-Unis, demeurés neutres, signèrent avec la république de Panama un protocole relatif à l'hospitalité des navires belligérants dans le canal de Panama, et, le 13 novembre 1914, ils rendirent une proclamation prescrivant une série de règles pour l'usage du canal par les vaisseaux des belligérants. Quand ils entrèrent dans la guerre, en 1917, ils édictèrent, le 23 mai de cette année, une nouvelle proclamation en ce qui concerne l'administration, la protection et le maintien de la neutralité du canal interocéanique. On peut encore citer une ordonnance du 27 août 1917 (3). Par la proclamation du 13 novembre 1914, le

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Latané, The Panama

p. 46.

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Oppenheim,

Root, Panama Rowes, The work

droit international, R. D. I., 2e série, t. XIV, p. 581. canal Act and the british protest, A. J., 1913, p. 17. · Lehmann, Der Panamakanal, seine Geschichte, die Befestigungs-und die Befestigungs-und die Gebührenfrage, Zeitschrift für intern, Recht de Niemeyer, t. XXIII, The Panama canal conflict between Great Britain and the United States of America, 1913. Richards, The Panama canal controversy, 1913 et en français dans Revue politique internationale, 1914, t. II, p. 64. canal tolls: the obligations of the United States, 1913. of the joint international Commission on Panama claims, A. J., 1914, p. 738. Wambaugh, Exemption from Panama tolls, A. J.. 1913, p. 233. e: Tower, Our duty concerning the Panama canal tolls, 1913. (1) V. le Temps du 12 octobre 1913, p. 4, et des 13, 14 et 17 juin 1914, p. 1. The repeal of the provision of the Panama canal Act exempting american coastwise vessels from the payment of tolls, A. J., 1914, p. 592. (2) V. Times des 22 et 23 juillet 1920, pp. 15 et 13, Temps du 12 octobre 1921, p. 1.

White

(3) V. Paul Fauchille, La guerre de 1914, t. I, pp. 271 et 273. A. J. 1917, Documents. p. 165. Comp. Brown Scott, A survey of international relations between the United States and Germany, 1917, p 128. Comp. A. J., 1915, p. 167. V. aussi Naval war collège, International law documents, 1915, pp. 11 et 14; 1916, pp. 94 et 96; 1917, pp. 241 et 243.

passage des navires de guerre belligérants a été expressément permis et aucune restriction n'a été opposée au passage des navires marchands portant de la contrebande de guerre quelle que fût leur nationalité. Mais, aux termes de la proclamation du 23 mai 1917, l'usage du canal a été interdit aux navires publics et privés appartenant à un ennemi ou aux alliés d'un ennemi. Par une ordonnance promulguée en vertu de la loi des Etats-Unis du 15 juin 1917, le gouverneur du canal de Panama fut autorisé à réglementer la circulation des navires dans les eaux et territoires du canal et, par une proclamation du 27 août 1917, il fut déclaré illicite de transporter sans permis en dehors des EtatsUni's ou de leurs possessions territoriales des munitions de guerre à destination de l'ennemi.

51319. Malgré l'existence d'une route interocéanique par la voie de Panama qui est devenue effective en 1914, les Etats-Unis ne se sont pas entièrement désintéressés d'un canal qui emprunterait le tracé du Nicaragua. Prévoyant que le développement de la navigation par le canal de Panama pourrait rendre un jour nécessaire la construction d'une seconde route maritime entre l'Atlantique et le Pacifique et désireux d'empêcher qu'une autre puissance qu'eux-mêmes ne l'entreprît, ils ont cherché à se faire accorder par le Nicaragua une option pour la construction d'un pareil canal. C'est le but que se proposa d'atteindre M. Bryan, secrétaire d'Etat sous le président Wilson, en signant en 1913 un traité avec le Nicaragua ; mais, devant l'opposition que ce traité rencontra au Costa-Rica, au Salvador et au Honduras, on renonça aux Etats-Unis à le ratifier. Le projet fut cependant repris l'année suivante par M. Bryan, et, cette fois, il aboutit. Le 5 août 1914, les Etats-Unis et le Nicaragua ont signé une convention, dont les ratifications ont été échangées à Washington le 22 juin 1916, aux termes de laquelle, contre paiement d'une somme de 3 millions de dollars, les droits de propriété nécessaires ainsi que le bail de certaines îles dans la mer des Caraïbes et la concession d'une base navale dans le golfe de Fonseca sont accordés aux Etats-Unis pour la construction d'un canal interocéanique à travers le Nicaragua (n° 1813) (1). Le 3 novembre 1916, la Colombie protesta auprès des Etats-Unis contre le traité relatif au canal de Nicaragua. Le Costa-Rica, le Salvador et le Honduras avaient auparavant élevé aussi des protestations à Washington; les deux premiers de ces Etats ont, d'autre part, introduit devant la Cour de justice de l'Amérique centrale une action contre la

Imbart, Der Nicaraguakanal, 1920.
V. le texte du traité du 5 août 1914, A. J.,

(1) V. Finch, A. J., 1916, p. 344. Reeves, A. J., 1923, p. 309. Documents, 1916, p. 258.

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