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république de Nicaragua à fin de faire déclarer que cette république n'avait pu passer régulièrement un pareil traité qui portait directement ou indirectement atteinte à leurs intérêts: la cour, à la date du 30 septembre 1916, a rendu une décision favorable à la thèse des demandeurs (1).

513. En 1910, un ingénieur chilien, M. Undurraga, a proposé de creuser un canal interocéanique qui traverserait du nord au sud le territoire de la Colombie en empruntant, sur un trajet plus ou moins long, le cours d'un de ses fleuves principaux, l'Atrato. Ce projet fut soumis au Congrès colombien et excita dans le pays. un grand enthousiasme ; mais il est demeuré sans suite (2).

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514. Le canal de Corinthe, ouvert le 24 août 1893, rapproche l'Attique, Athènes, de l'Europe occidentale, abrège la route du commerce de l'Adriatique aux côtes de l'Asie-Mineure, à Constantinople et à la mer Noire, permet d'éviter les dangers du cap Matapan, fécond en naufrages. Néron avait fait faire des études, creuser des puits d'exploration. La tentative avortée de Néron n'a été reprise que dix-huit siècles plus tard. Le canal a environ six kilomètres de longueur. Il est tout entier en plein territoire hellénique; il fait partie des eaux de la Grèce propriété, empire, juridiction, la Grèce a tous les droits. Le canal de Corinthe n'a été l'objet d'aucune convention internationale. II est en fait librement ouvert à la navigation des navires de toutes les nations. Ce canal est indifférent à la grande navigation méditerranéenne. Suez est d'intérêt général, Corinthe d'intérêt secondaire. Cette nouvelle voie n'améliore que les relations de l'Adriatique avec la Grèce orientale, le Bosphore, l'Asie-Mineure et la mer Noire. Suez relie toute l'Europe centrale et occidentale à l'Inde, à l'océan Indien, à l'Extrême-Orient, à l'Afrique orientale, à l'Australie (3).

4. Canal de Kiel ou de l'empereur Guillaume

515. Depuis le mois de juin 1896, un canal maritime réunit la baie de Kiel, dans la mer Baltique, à l'embouchure de l'Elbe, dans la mer du Nord, à la hauteur de Cuxhaven. Ce canal a été creusé sur le territoire que l'Allemagne, ou plus exactement la Prusse, a enlevé au Danemark en 1864. Il n'est pas dû à l'initiative

(1) V. Marshall Brown, A. J., 1917, p. 156.

(2) V. Prudhomme, R. D. I. P., t. XVIII, p. 449.

(3) Comp. Fleury, Canaux maritimes, Revue des Deux-Mondes du 15 novem bre 1893.

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individuelle. Il a été établi par l'Allemagne dans un but plus stratégique que commercial. Il a pour but d'établir une communication plus facile entre les deux arsenaux allemands de Wilhelmshaven et de Kiel, d'éviter aux flottes allemandes d'avoir à traverser les détroits du Sund et des deux Belts et à passer sous les feux des canons du Danemark. Ce sont des préoccupations d'ordre belliqueux qui l'ont fait construire. Le feld-maréchal de Moltke pensait que, dans le cas d'une guerre maritime, il faudrait d'abord s'assurer que l'Allemagne n'a rien à craindre du côté du Danemark. Le commerce de Hambourg, de Brême, avec la Baltique ne doit pas moins profiter dans une large mesure de l'ouverture de cette voie de communication. Celle-ci peut rendre également des services à la navigation commerciale étrangère. Le canal, qui a

98 kilomètres environ de longueur, présente un caractère exclusivement national. Propriété, empire, juridiction, administration, exploitation, tout est à l'Allemagne. Il en résulte, au moins pour ceux qui pensent que le souverain d'un territoire en étant maître absolu peut l'ouvrir ou le fermer à son gré, que l'usage du canal de Kiel par les navires des puissances autres que l'Etat allemand se trouve abandonné entièrement à la discrétion de cet Etat. S'agissant d'une voie artificielle, œuvre de la souveraineté territoriale, il est en tout cas légitime que les navires qui en profitent paient à celle-ci une taxe correspondant aux dépenses de l'établissement et de l'entretien du canal: c'est le régime auquel l'empire d'Allemagne a expressément assujetti ses voies navigables artificiel, les dans l'article 54, § 4 de sa constitution du 16 avril 1871. En fait, la circulation des navires étrangers sur le canal de Kiel a été par l'Allemagne subordonnée à une permission de sa part et au paiement de droits de péage (1). N'y avait-il pas cependant ici un motif particulier qui devait empêcher l'Allemagne de percevoir des taxes pour le passage dans le canal? On l'a soutenu, au lendemain de son ouverture, en faisant remarquer qu'en ce qui concerne le territoire du canal l'Allemagne avait remplacé le Danemark et que celui-ci, par le traité du 14 mars 1857, avait renoncé à la perception de toutes taxes sur les voies existantes ou à créer entre la mer du Nord et la mer Baltique. Cette argumentation repose sur une erreur d'interprétation du traité de 1857. En réalité, ce traité a établi deux choses distinctes : il a

(1) Cela ressort notamment d'une dépêche de l'ambassadeur des Etats-Unis à Berlin, M. White, à M. Hay, secrétaire d'Etat, du 18 juillet 1901, où il est dit que le navire des Etats-Unis Enterprise a obtenu la permission, demandée par l'ambassade, de passer par le canal de l'empereur Guillaume et qu'il a payé comme droits une somme de 400 marks. V. encore, au sujet du navire américain Buffalo, M. Jackson à M. Hay, 19 octobre 1901, Foreign relations, 1901, p. 184. - V. Moore, op. cit., t. III, p. 269.

supprimé tous droits sur les navires étrangers et leurs cargaisons et il a stipulé un dégrèvement sur les marchandises transitant par les routes et canaux (préambule, art. 1 et 2, 5° et 6o); or c'est uniquement pour le passage dans le Sund et les Belts qu'il a édicté la suppression des droits de passage, seul le dégrèvement sur les marchandises a constitué une mesure générale applicable « à toutes les routes ou canaux qui relient actuellement ou qui viendraient à relier plus tard la mer du Nord et l'Elbe à la mer Baltique » (V. mêmes dispositions et déclarations des délégués des Villes libres de Lubeck et Hambourg, de Mecklembourg et de Prusse, de Clercq, Recueil des traités de la France, t. VII, p. 241). En admettant que la Prusse (l'Allemagne) ait succédé aux obligations du Danemark, il ne lui était donc pas défendu de soumettre à des droits de péage le passage des navires par le canal de Kiel; elle était simplement tenue d'opérer sur les marchandises en transit le dégrèvement prévu en 1857.

Le caractère national que présentait le canal de l'empereur Guillaume au moment de sa création n'a-t-il pas depuis disparu ? A la suite de la guerre mondiale de 1914-1919, le canal de Kiel a fait l'objet, dans le traité de paix de Versailles du 28 juin 1919, de dispositions particulières (art. 380-386), qui ont posé notamment les règles suivantes : 1° « Le canal de Kiel et ses accès seront toujours libres et ouverts sur un pied de parfaite égalité aux navires de guerre et de commerce de toutes les nations en paix avec l'Allemagne » (art. 380).2° « Les ressortissants, les biens et les navires et bateaux de toutes les puissances seront sous tous les rapports traités sur le pied d'une parfaite égalité pour l'usage du canal, de telle sorte qu'aucune distinction ne soit faite, au détriment des ressortissants, des biens et des navires et bateaux d'une puissance quelconque, entre ceux-ci et les ressortissants, les biens et les navires et bateaux de l'Allemagne ou de la nation la plus favorisée. Il ne sera apporté à la circulation des personnes et des navires et bateaux d'autres entraves que celles résultant des dispositions relatives à la police, aux douanes, aux prescriptions sanitaires, à l'émigration ou à l'immigration ainsi que celles concernant l'importation ou l'exportation des marchandises prohibées. Ces dispositions devront être raisonnables et uniformes et ne devront pas entraver inutilement le trafic » (art. 381). 3° « Il ne pourra être perçu sur les navires et bateaux que les taxes destinées à couvrir, d'une manière équitable, les frais d'entretien de la navigabilité ou de l'amélioration du canal ou de ses accès ou à subvenir à des dépenses faites dans l'intérêt de la navigation. Ces taxes seront établies de manière à ne pas rendre nécessaire un examen détaillé de la cargaison. Sur le parcours comme sur les accès du canal de Kiel, il ne pourra pas être perçu

de redevance d'aucune espèce autre que celles prévues dans le présent traité » (art. 382 et 384) (1). 4° L'Allemagne doit prendre toutes mesures convenables pour l'enlèvement des obstacles ou dangers pour la navigation et assurer le maintien des bonnes conditions de navigation; elle ne peut entreprendre de travaux de nature à porter atteinte à la navigation sur le canal ou sur ses accès (art. 385). Ces dispositions n'ont-elles pas eu pour effet d'enlever au canal de Kiel sa qualité de voie navigable nationale ? La question peut être discutée. Certains ont soutenu que ce canal a été simplement soumis par le traité de Versailles à certaines règles restrictives du droit de souveraineté de l'Allemagne, que le droit au libre passage que le traité proclame n'est qu'une servitude internationale imposée au territoire allemand. Mais d'autres ont prétendu que de l'article 380 du traité il résulte que le canal a cessé d'être une voie navigable intérieure, nationale, et qu'il est devenu une voie internationale, destinée à rendre plus facile, sous la garantie d'un traité, l'accès de la Baltique, dans l'intérêt de toutes les nations du monde. C'est à la seconde opinion que s'est ralliée la Cour permanente de justice internationale de la Haye par un arrêt du 17 août 1923 (affaire du Wimbledon).

Une difficulté s'est à deux reprises produite dans la pratique, depuis le traité de Versailles, au sujet du canal de l'empereur Guillaume. 1° Argumentant de ce que le canal de Kiel doit être considéré comme une voie navigable intérieure purement allemande, et à laquelle les lois de la neutralité sont strictement applicables, l'Allemagne a prétendu, en septembre 1920, lors des hostilités entre la Pologne et la Russie soviétique, qu'étant restée neutre elle devait fermer le canal à tout transport de munitions quel qu'il fût à destination des belligérants: c'est ainsi qu'elle obligé à rebrousser chemin le vapeur danois Dorrit chargé de munitions de guerre et d'approvisionnements à destination de la Pologne. La Conférence des ambassadeurs, dans une note du mois d'octobre 1920, lui a rappelé que, conformément aux clauses du traité de Versailles, la navigation sur le canal de Kiel est entièrement libre (2). 2° Un fait identique s'est passé le 21 mars 1921, à propos du vapeur britannique Wimbledon, affrêté par une compagnie française, qui, en route pour Dantzig, s'est vu refuser l'accès du canal de Kiel, sous prétexte qu'il portait du matériel de guerre à destination de la Pologne note de protestation à

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(1) La constitution du Reich allemand du 11 août 1919, dans son article 99, déclare, comme celle de 1871 dans son article 54, que, sur les voies navigables artificielles, des taxes ne peuvent être perçues que dans la mesure des frais d'établissement et d'entretien.

(2) Temps du 12 septembre 1920, p. 2, et du 7 octobre 1920, p. 1.

l'Allemagne de la Conférence des ambassadeurs fondée sur la violation de l'article 380 du traité de Versailles (1). - Le dernier de ces deux cas a, conformément à l'article 386 du traité de Versailles, donné lieu, de la part de la France, de la GrandeBretagne, de l'Italie, du Japon et de la Pologne (comme partie intervenante), à une action en responsabilité contre l'Allemagne devant la Cour permanente de justice internationale. Cette cour a décidé, le 17 août 1923, que le passage du canal de Kiel, déclaré ouvert par le traité (art. 380) sans distinction aux navires de guerre ou de commerce de toutes les nations, ne peut être interdit que dans les seuls cas expressément prévus par lui, c'est-à-dire dans le cas où les navires appartiennent à des nations en guerre avec l'Allemagne (art. 380) et lorsque l'exigent des motifs relatifs à la police, aux douanes, à la santé, à l'émigration ou à l'immigration, à l'importation ou à l'exportation de marchandises prohibées (art. 381); qu'en conséquence il ne saurait l'être, pour la sauvegarde des droits et des devoirs de neutralité du souverain territorial, vis-à-vis de navires transportant de la contrebande de guerre à destination d'un Etat engagé dans un conflit armé. C'est à la majorité que la cour a ainsi statué : MM. Anzilotti et Huber, juges, et M. Schücking, juge national allemand, ont, par application de l'article 57 du statut de la cour, joint à l'arrêt de celle-ci l'exposé de leur opinion dissidente (2).

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516. La mer peut pénétrer plus ou moins profondément dans les terres. Elle forme alors des golfes, des baies, des rades ou des ports. Les enfoncements qu'ainsi elle constituě peuvent être l'œuvre de la nature, ce qui est le cas des golfes et des baies, ou celle de l'homme, comme pour les ports et parfois aussi les rades.

5161.

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Les espaces de mer qui s'avancent naturellement dans les terres et qui, selon qu'ils sont plus ou moins considérables, prennent le nom de golfes ou de baies, doivent-ils être considérés comme une partie du territoire maritime des Etats riverains?

(1) Temps du 7 avril 1921, p. 6.

(2) V. le texte de la décision de la Cour de la Haye et des opinions dissidentes R. D. I. P., 2e série, t. VI, Documents, pp. 1 et s.

(3) V. Balch, La baie d'Hudson est-elle une mer libre ou une mer fermée? R. D. I., 2e série, t. XIII, p. 539; La baie d'Hudson est une grande mer ouverte, R. D. I., 20 série, t. XV, p. 153. Charteris, Recent international disputes regarding territorial bays, Compte-rendu de la session de Paris de

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