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chise du port avait été dans l'intention des puissances une condi→ tion de l'acquisition de Batoum par la Russie. Le traité de paix de Versailles du 28 juin 1919 a obligé l'Allemagne à maintenir dans ses ports les zones franches qui y existaient au 1er août 1914 et lui a imposé l'établissement de pareilles zones dans certains dè ses ports (art. 65, 328 et s., 363). Le même traité de Versailles a stipulé dans son article 104 qu'une convention entre la Pologne et la Ville de Dantzig, dont les principales puissances alliées et associées négocieraient les termes, établirait une zone franche dans le port de Dantzig: cette convention est intervenue le 9 novembre 1920, complétée le 20 juin 1921. Peut-on admettre encore l'existence de ports fermés et de ports ouverts ? Puisque les ports font partie du domaine des Etats, il faut reconnaître que ceux-ci en sont souverains. Et, dès lors, il semble qu'ils doivent pouvoir en faire tel usage qu'ils veulent, y prendre en ce qui concerne l'entrée des bâtiments étrangers toutes les dispositions qu'ils jugent convenables, les ouvrir et les fermer à leur gré. Assurément, le principe de la souveraineté territoriale, entendu dans un sens absolu, aboutit logiquement à assurer de pareils droits aux Etats. Mais, on le sait (n° 253), la tendance du droit international moderne est, en raison de l'interdépendance et de la solidarité des Etats, de substituer, dans une mesure plus ou moins large, au principe d'une souveraineté absolue la règle d'une souveraineté relative : un Etat, en agissant en maître sur son territoire, doit toujours tenir compte des droits particuliers des autres puissances ainsi que des intérêts généraux de la communauté internationale; et, au nombre de ces droits et de ces intérêts, figure le commerce, qui est une nécessité de la vie des nations comme de celle des individus. On est ainsi conduit à ériger en règle l'ouverture et non pas la fermeture des frontières relativement au territoire maritime comme relativement au territoire terrestre. Mais cette règle doit elle-même subir un tempérament, réclamé par les exigences du droit de conservation de l'Etat au droit d'accès dans ses ports chaque Etat est en droit d'établir des conditions et des limitations dans les limites que réclame sa propre existence. C'est aux conséquences suivantes qu'aboutit l'application de ces idées générales : 1° Un Etat doit laisser ses ports de commerce ouverts aux navires de guerre et aux navires de commerce étrangers. Toutefois, en ce qui concerne l'entrée des navires de guerre, certaines précautions peuvent être prises les navires de guerre doivent prévenir, avant de pénétrer dans les ports; des restrictions peuvent être imposées soit quant au nombre des navires admis à entrer, soit quant à la durée de leur séjour. Ces mesures de précaution s'expliquent aisément. La présence de navires de guerre est susceptible, dans certaines conditions, d'entraîner des conflits et même d'avoir des

dangers; on peut redouter des attaques par surprise. Les règles à suivre à cet égard sont établies soit dans des conventions, soit dans des règlements intérieurs. Des considérations de sécurité ou sanitaires peuvent aussi justifier, même à l'égard des navires de commerce, un refus d'admission, une surveillance particulière, la prohibition de communiquer avec la terre. 2° Un Etat peut fermer ses ports militaires à tous navires étrangers, de guerre ou de commerce. Il y a des dangers d'espionnage contre lesquels il convient de se prémunir. 3° Un Etat peut réglementer librement, au point de vue fiscal, l'entrée des navires de commerce étrangers; mais il ne doit pas établir de différence entre les Etats de manière à favoriser les uns au détriment des autres. Dans tous les cas, l'entrée d'un port ne saurait être défendue aux navires étrangers en cas de danger de mer il y a à cela des motifs d'humanité, une question de devoir international. Les droits des Etats peuvent ici encore être restreints par suite de servitudes internationales. Ainsi le traité de Berlin du 13 juillet 1878, qui a donné au Monténégro le port d'Antivari, a en même temps décidé, dans son article 29, que l'Autriche exercerait la police maritime et sanitaire tant dans ce port que le long de la côte du Monténégro et que le port d'Antivari et toutes les eaux monténégrines resteraient fermés aux bâti ments de guerre de toutes les nations cette servitude a disparu en 1909 (n° 347).

5173. L'idée d'interdépendance et de solidarité internationales s'est affirmée d'une manière particulière, en ce qui touche les ports, à la conférence diplomatique qui s'est tenue à Barcelone au mois de mars 1921. Cette conférence, par application de l'article 23 du Pacte de la Société des Nations et à la suite des travaux effectués à Paris en 1920 par la commission d'étude des voies de communication et du transit, a en effet adopté le 20 avril 1921 des « recommandations » prévoyant que les Etats peuvent, par des traités ou par des actes unilatéraux, placer certains de leurs ports, avec ou sans zones franches, sous un régime spécial, dit international, constitutif d'une entière liberté et d'une complète coopération. Une distinction nouvelle s'est trouvée ainsi introduite entre les ports d'un pays: il pourra y avoir désormais dans chaque Etat des ports soumis au régime international et des Forts non soumis au régime international. Le régime international, déterminé par la conférence de Barcelone comme un statut-type pouvant s'appliquer le cas échéant, peut se résumer d'une manière générale dans les quatre règles suivantes : 1° Liberté d'utilisation du port par les ressortissants, les biens et les pavillons de tous les Etats membres de la Société des Nations et égalité de traitement pour tous les pavillons, aucune distinction n'étant faite entre les divers Etats et l'Etat sous la souveraineté ou l'autorité duquel

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le port est placé : la circulation des personnes et des navires ne peut subir d'autres entraves que celles résultant des dispositions relatives aux douanes, à la police, aux prescriptions sanitaires, à l'émigration ou à l'immigration ainsi qu'à l'importation ou à l'exportation des marchandises prohibées, sans que ces dispositions, raisonnables et uniformes, doivent entraver, sans motif valable, le trafic. 2° Perception égale et raisonnable de redevances, en raison de l'utilisation du port, appropriées aux dépenses faites par l'autorité du port pour son administration, son entretien et son amélioration ou dans l'intérêt de la navigation. 3° Perception de droits identiques de douane, d'octroi local ou de consommation sur les marchandises, quel que soit le pavillon du navire transporteur et, à moins de circonstances particulières, régime pareil à celui s'exerçant sur les autres frontières de l'Etat qui possède le port. 4° Obligation pour l'Etat du port d'enlever tous obstacles et tous dangers à la navigation et de suspendre tout travail de nature à compromettre les facilités d'utilisation du port. La même conférence de Barcelone a, dans l'article 9 de son statut du 20 avril 1921 sur le régime des voies navigables internationales, établi un régime semblable pour les « ports placés sur les voies navigables d'intérêt international »>. C'est une distinction et un régime analogues, qu'en s'inspirant des travaux de la commission d'étude des voies de communication et du transit le traité de paix de Sèvres conclu le 10 août 1920 avec la Turquie avait déjà consacrés dans ses articles 335 et s. Ce traité a effectivement reconnu qu'il peut y avoir des ports d'intérêt international et des ports d'intérêt non international, et il a déclaré qu'étaient des ports d'intérêt international les ports d'Orient dont les noms suivent : Constantinople, Haïdar-Pacha, Smyrne, Alexandrette, Caïffa, Bassorah, Trébizonde et Batoum. Le régime auquel il a assujetti ces ports est à peu de choses près celui qu'a établi la conférence de Barcelone; il faut toutefois noter que le traité de Sèvres a expressément stipulé que les ports qu'il décrétait d'intérêt international devaient comprendre des zones franches. Le traité de paix de Lausanne du 24 juillet 1923, qui a remplacé le traité de Sèvres non ratifié, s'est borné à dire, dans son article 103, que « la Turquie déclare adhérer aux recommandations de la conférence de Barcelone en date du 20 avril 1921 concernant les ports soumis au régime international » et qu'« elle fera connaître ultérieurement les ports qui seront placés sous ce régime ». Dans le texte de Barcelone, il a été prévu que les différends susceptibles de se produire dans l'interprétation ou l'application du statut des ports seraient déférés d'abord, pour règlement amiable, à un organe spécial, la Commission consultative et technique des communications et du transit, et ensuite, à défaut de solution amia

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ble, à la Cour permanente de justice internationale. Au mois de décembre 1923, la deuxième conférence générale des communications et du transit, réunie à Genève, a élaboré un projet de convention et de statut relatif à l'ensemble des ports maritimes, c'est-à-dire de ceux servant normalement à la navigation maritime commerciale. Ce projet, du 9 décembre 1923, a non seulement établi pour ces ports, comme la conférence de Barcelone l'avait fait pour certains, le principe de l'égalité de traitement entre tous les Etats contractants, mais encore celui du droit de libre accès. Ces principes ne doivent pas, d'après le projet, sauf accord contraire auquel l'Etat territorialement intéressé est ou sera partie, s'appliquer aux navires et bâtiments de guerre, de police, de contrôle, et en général aux bâtiments exerçant à un titre quelconque la puissance publique (art. 2 et 3 du statut). On trouve encore dans le projet de 1923 certains articles ayant trait aux différends pouvant naître de l'interprétation ou de l'application du statut (art. 21 et 22): le système admis par ces articles s'éloigne à quelques points de vue de celui adopté à Barcelone en 1921 (1).

517'. Havres. Les hâvres font, comme les ports, partie du territoire de l'Etat. Ce sont des espèces de ports. Ils peuvent être sans doute une création de la nature. Mais, s'ils n'ont pas été l'objet du travail des hommes, rien n'empêche l'Etat qui les entoure d'appliquer sur eux son action: les actes de possession exclusive ne dépendent à leur sujet que de sa volonté ; il les accomplit s'il lui plaît.

517. Rades. Il faut distinguer les rades fermées et les rades foraines ou extérieures. Les premières, qui sont constituées par des ouvrages artificiels ou qui tout au moins ne sont pas incompatibles avec l'exécution de pareils ouvrages, sont une portion du territoire maritime de l'Etat elles sont le prolongement et une dépendance des ports. Les secondes, c'est-à-dire les rades foraines, sont au contraire de véritables parties de mer qui, par leur voisinage de la côte, forment la mer territoriale de cette dernière (2). C'est à tort que l'Institut de droit international, dans son règlement de 1898, a assimilé les rades foraines aux ports et aux hâvres (3).

E.- Embouchures des fleuves

518. Tous les fleuves ne se jettent pas dans la mer d'une façon identique. Le plus souvent, ils gagnent la mer directement,

(1) Sur le projet de Genève de 1923, v. Ch. de Visscher, op. cit., pp. 108116.

(2) V. Despagnet-de Boeck, op. cit., n° 405. (3) Annuaire de l'Institut, t. XVII, p. 273.

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Nys, op. cit., t. I, p. 484.

en conservant l'aspect qu'ils avaient sur tout leur parcours. Mais parfois ils se jettent dans l'océan par un estuaire plus ou moins vaste, dont la forme est celle d'une baie. C'est, par exemple, le cas, en Europe, de la Seine, de la Gironde et de l'Ems; en Amérique, du Mississipi et du Rio de la Plata. Et, dans ce dernier cas, les rives opposées de l'estuaire peuvent appartenir tantôt à un seul Etat, tantôt à deux ou plusieurs Etats: ainsi, les estuaires de la Seine, de la Gironde, du Mississipi ont respectivement comme riverains uniquement la France et les EtatsUnis d'Amérique, tandis que l'estuaire de l'Ems sépare les PaysBas et l'Allemagne et celui du Rio de la Plata l'Uruguay et la République Argentine. Les embouchures des fleuves font-elles ou ne font-elles pas partie dans ces diverses hypothèses du territoire des Etats qui les bordent ?

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5181. 1° Fleuves se jetant directement dans la mer en conservant leur aspect de fleuves. L'embouchure du fleuve se confond ici avec une simple ligne c'est l'endroit où finit le fleuve et où commence la mer. Mais quel est exactement cet endroit ? Pour nous, la limite du fleuve vers la mer est à l'endroit où ses eaux franchissent une ligne entre les points extrêmes des rivages jusqu'à cette ligne, c'est le territoire proprement dit de l'Etat, son territoire fluvial; au delà, c'est la mer, plus exactement la mer territoriale du pays riverain. Il s'en suit donc : 1° que le territoire fluvial d'un Etat ne saurait se prolonger au delà du point où le fleuve coupe les falaises ou le rivage de la mer, bien qu'on en puisse encore suivre la trace ou le courant dans les eaux de l'océan ; 2° que le territoire maritime ne saurait s'étendre en deça de la ligne des falaises ou du rivage jusqu'à l'endroit où les eaux de la mer cessent de se mêler à celles du fleuve et où ces dernières ne sont plus salées. Ces solutions sont loin toutefois d'être unanimement admises.

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On a d'abord soutenu qu'un fleuve se continue dans la mer aussi longtemps que son courant s'y fait sentir, et qu'ainsi ses embouchures dans la haute mer forment une partie du territoire de l'Etat. C'est la thèse que les Pays-Bas ont notamment présentée en 1919 dans l'affaire de la passe des Wielingen (n° 492) : ils ont dit en effet que cette passe, qui longe la côte de la Flandre zélandaise, puis la côte belge jusqu'au large de Blankenberghe, à moins de trois milles du littoral, n'était que le prolongement de l'Escaut dans la mer, de telle sorte qu'elle se trouvait dans toute son étendue sous leur souveraineté. Une pareille doctrine se heurte à de sérieuses objections. Un fleuve est inséparable de ses rives là où il n'existe aucunes rives, il ne peut pas y avoir de fleuve. I est, d'autre part, matériellement impossible de distinguer en pleine mer les contours d'un fleuve avec assez de préci

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