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un protocole du 21 janvier 1921 (1), complété par un protocole additionnel du 29 mars 1923. Les modifications ainsi annoncées par le traité de Versailles sont les suivantes: 1° La commission prévue par la convention de Mannheim, et qui siègera à Strasbourg devenue ville française, se composera désormais de 19 membres, comprenant un président nommé par la France, 2 Hollandais, 2 Suisses, 4 Allemands, 4 Français, 2 Anglais, 2 Italiens, 2 Belges, donc de délégués des non-riverains comme des riverains, avec un nombre de voix, non plus égal à une voix par Etat, mais proportionnel au nombre des représentants accordé (art. 355). 2° Il y aura égalité de droits pour les bateaux de toutes les nationalités : la liberté de la navigation doit appartenir aux non-riverains aussi bien 'qu'aux riverains, et les articles 15 et 20 de la convention de Mannheim (relatifs à la patente de bâtelier), 26 (concernant le service des pilotes et avertisseurs) ainsi que l'article 4 du protocole de clôture de la même convention ne feront désormais aucun obstacle à la navigation des bateaux et équipages de toute nationalité sur le Rhin (art. 356). 3° L'Allemagne cèdera à la France: a) des remorqueurs et des bateaux ou des parts d'intérêts dans la Société allemande de navigation sur le Rhin (quantité à fixer par des arbitres indiqués par les Etats-Unis d'Amérique); b) des établissements, docks, etc. que les Allemands possédaient dans le port de Rotterdam au 1er août 1914 et leurs parts d'intérêts dans ces établissements (même procédure d'arbitrage que ci-dessus) (art. 357). 4° La France aura le droit de prélever l'eau du Rhin pour ses canaux, irrigations, etc. et d'exécuter à cette fin les travaux nécessaires sur la rive allemande. La Belgique aura le même droit pour alimenter le canal Rhin-Meuse à grande section qu'elle projette et dont l'Allemagne devra assurer la construction éventuelle en ce qui concerne son territoire. La France possèdera en outre le droit exclusif à l'utilisation de l'énergie hydraulique du Rhin dans la section du fleuve formant frontière francoallemande (art. 358 et 361).

Aux termes du traité de paix de Versailles (art. 362), l'Allemagne accepte du Rhin que les pouvoirs de la Commission soient éventuellement étendus à la Moselle et à la partie du Rhin située entre Bâle et le lac de Constance (sous réserve de l'approbation respectivement du Luxembourg et de la Suisse). 526*. Le 11 mai 1919, le gouvernement helvétique a fait présenter à la Conférence de la paix de Paris certaines observations au sujet du régime de la navigation du Rhin. C'est la question de l'aménagement du Haut-Rhin, dans la section entre Huningue et

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(1) V. le texte de ce protocole: Annuaire Grotius, 1921-1922, p. 48.

Strasbourg, qu'elle a ainsi soulevée : la Suisse craint que la France, par le désir d'utiliser les forces motrices du fleuve, ne nuise à la navigation de celui-ci qui lui est particulièrement précieuse. Le règlement de cette question a été, par l'article 358 du traité de paix, soumis à la Commission centrale du Rhin.

526'. En exécution de l'article 354 du traité de Versailles, la Commission centrale s'est réunie le 25 février 1921 à Strasbourg pour procéder à la revision de la convention de Mannheim et résoudre tous les points sur lesquels elle a reçu compétence. Le projet de revision que la commission est ainsi chargée de rédiger doit, aux termes du même article 354, être conforme aux dispositions de la convention générale relative aux voies navigables, que les puissances alliées et associées ont à établir avec l'approbation de la Société des Nations, et qui, suivant cet article, s'appliquera au Rhin. Il est déclaré, en outre, par l'article 354, qu'au cas d'opposition entre certaines des dispositions de la convention existante de Mannheim et les dispositions de la convention générale, les dispositions de la convention générale devront prévaloir. C'est le 20 avril 1921, à Barcelone, que la convention générale, à laquelle se référait le traité de Versailles, a été conclue, avec un statut annexe. Signée par l'Albanie, l'Autriche, la Belgique, la Bolivie, la Bulgarie, le Chili, la Chine, le Danemark, l'empire Britannique, la Nouvelle-Zélande, l'Inde, l'Espagne, l'Esthonie, la Finlande, la France, la Grèce, le Guatemala, la Lithuanie, le Luxembourg, la Norvège, le Panama, la Pologne, le Portugal, la Suède, la Tchéco-Slovaquie et l'Uruguay, elle a posé en principe que la libre navigation des voies navigables d'un caractère international est ouverte aux navires et bateaux battant pavillon de l'un quelconque des Etats contractants. L'Allemagne s'est engagée, par les articles 338 et 354 du traité de Versailles, à adhérer à la convention générale à intervenir ainsi qu'à tout projet de revision de la convention de Mannheim. Diverses causes ont retardé le travail de revision auquel la commission avait dès le 25 février 1921 projeté de se livrer. Sans avoir pu encore accomplir en son entier la revision de la convention de Mannheim, la commission centrale est toutefois parvenue à arrêter certaines dispositions. Une convention du 14 décembre 1922, dont les clauses furent préparées par elle, a en effet reconnu à tous les Etats contractants indistinctement le droit de délivrer des patentes de bâtelier aux conditions déterminées par un réglement de la même date qui, entre autres prescriptions, exige de tous les candidats à la patente un stage de douze mois de service effectif sur le Rhin. Par un protocole du 22 décembre 1923, la commission a, en outre, précisé la portée de cette convention, en décidant que ses dispositions seront provi

soirement appliquées, aux lieu et place des articles 15 à 21 de la convention de Mannheim, jusqu'à la revision générale de cette convention, et qu'au plus tard à l'expiration d'un délai de deux ans après leur mise en vigueur elles seront examinées de nouveau en tenant compte de l'expérience acquise pendant ce délai. A la date du 10 mai 1922, la commission centrale du Rhin a, d'autre part, donné son approbation à un accord intervenu entre l'Allemagne, la France et la Suisse, pour l'acceptation, moyennant certaines conditions, du plan de dérivation du Rhin proposé par la France dans le secteur de Kembs et du principe de la régularisation du fleuve entre Bâle et Strasbourg demandée par la Suisse. 526'. Quelle est l'étendue exacte du Rhin qui doit être ainsi soumise au régime conventionnel ? Ce point a soulevé pendant longtemps des difficultés entre les riverains. Il fut l'un de ceux dont l'examen retarda l'élaboration du règlement de Mayence et il fut encore vivement discuté à Mannheim en 1868. Le traité de 1814 et le règlement de 1815 proclamaient la liberté de la navigation dans le cours du Rhin du point où il devient navigable jusqu'à la mer. Que signifiaient ces derniers mots ? que les termes Le gouvernement néerlandais soutint en 1816 jusqu'à la mer étaient synonymes, non pas des termes jusque dans la mer, mais des termes jusqu'à l'endroit où les eaux du Rhin se mêlent à celles de la mer, de sorte que lès nombreuses embouchures que le Rhin forme avant de se jeter dans la mer libre et où on rencontre les eaux salées devaient être soustraites à la liberté de la navigation et soumises entièrement aux lois néerlandaises. Les autres Etats riverains prétendirent au contraire qu'il fallait entendre les expressions jusqu'à la mer dans le sens de jusqu'à la pleine mer, de façon que tout le cours du fleuve jusque dans la mer libre était libre et qu'il ne pouvait être permis à l'Etat d'aval de barrer l'accès à la mer libre en interposant entre le fleuve et cette mer un territoire maritime entièrement soumis à ses lois. A Mayence, en 1831, la question fut discutée, et on établit un modus vivendi provisoire; la convention de en substituant Mannheim trancha définitivement la controverse aux mots jusqu'à la mer les mots jusqu'à la pleine mer (art. 1or du règlement).

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527. L'Escaut qui, à l'époque moderne, malgré les modifications territoriales des Etats, a toujours, sauf pendant quelques

(1) V. Bourquin, Le nouveau régime de l'Escaut, après le projet de traité Brigode et Ducarne, hollando-belge, R. D. I. P., 2 série, t. II, p. 5.

années, de 1810 à 1814, où il fut entièrement français, constitué un fleuve international, a connu tous les régimes qui peuvent être appliqués à un fleuve de ce genre. Le traité de Munster du 30 janvier 1648, entre les Provinces-Unies et l'Espagne, dans son article 14, stipula sa fermeture. Et cette stipulation, que confirmèrent les traités de la Haye (1701), d'Utrecht et de Rastadt (1713), de la Barrière (1716), de Vienne (1731), d'Aix-la-Chapelle (1748), fut maintenue par le traité de Fontainebleau du 8 novembre 1785 (art. 7), après que les provinces belges eussent en 1715 cessé d'appartenir à l'Espagne pour être rattachées à l'Autriche, en dépit des efforts de l'empereur Joseph II en faveur de la liberté de l'Escaut. Cependant le principe de l'affranchissement du fleuve ne devait pas tarder à triompher. La Révolution française, par la déclaration de son Conseil exécutif provisoire du 16 novembre 1792 et par le traité qu'elle signa à la Haye le 16 mai 1795 avec la République batave (art. 18), le proclama ouvert à tous les riverains. Allant plus loin, l'article III secret du traité de Paris du 30 mai 1814 admit sur l'Escaut, qui traversait maintenant le territoire des Pays-Bas et celui de la France, la liberté de la navigation même au profit des nations non-riveraines. Et, peu après, le règlement concernant la libre navigation

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L'Escaut, le droit international et les traités, 1911; Des bâtiments militaires belges sur l'Escaut hollandais, 1914. Clunet, L'Allemagne et l'Escaut Crommelin, De devant le droit international, J. I. P., t. XLV, p. 1159. Verpflecting van Nederland as neutrale Mogendheid ten opzichten der Grandgainage, Le Schelde, 1880. Deibel, De Scheldekwestie, 1916. péage de l'Escaut, 1868. Baron Guillaume, L'Escaut depuis 1830, 1903. Van Hamel, De Schelde-beslommeringen, 1919. Hogendorp, De flumine Scaldo clauso, 1827. Lémonon, Accès de l'Escaut aux navires de guerre, J. I. P., t. XXXVIII, p. 847. Linguet, Considérations sur l'ouverture de l'Escaut, 1784. Maeterlinck, The freedom of the Scheldt, Société Grotius, t. IV, p. 253 et La liberté de l'Escaut, J. I. P., t. XLVI, pp. 205 et s. Mirabeau, Doutes sur la Magnette, Joseph II et la liberté de l'Escaut. Naoumof, De la navigaliberté de l'Escaut. Euvres, 1821, pp. 316-427. tion sur l'Escaut. Nys, L'Escaut en droit des gens, R. D. I., 2e série, t. V, p. 517; Une clause des traités de 1814 et de 1839; Anvers, port de commerce, 1911; L'Escaut en temps de guerre, J. I. P.,t. XXXVIII, p. 854; L'Escaut et la Belgique, 1920. Pety de Thozée, La fermeture, le péage et Picard, De vaart op de Schelde in l'affranchissement de l'Escaut, 1874. vredes-en oorlogstijd, 1916. Den Beer Portugael, L'Escaut et la neutralité permanente de la Belgique d'après les traités de 1839 et 1907, 1910; La neutralité sur l'Escaut, 1911. Rotsaert, Histoire de l'Escaut depuis le traité de Munster, 1918. de Ryckin, L'Escaut hollandais et les navires de · De Saint-Vincent, L'Escaut, 1913. guerre, Le Droit maritime, 1914, p. 36.

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De VerTrévise et Nervien, Les traités de 1831 et de 1839, pp. 44-56. De Visscher, La revision des traités non, La question de l'Escaut, 1921. de 1839, Revue générale du 25 septembre 1919; Le droit international des Westlake, La fortificommunications, 1924, pp. 53 et s. Wery, op. cit. cation de l'Escaut occidental, R. D. I., 2e série, t. XIII, p. 105.

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des rivières arrêté au congrès de Vienne le 24 mars 1815, après avoir décidé que la navigation des fleuves internationaux, et spécialement du Rhin, ne pourrait, sous le rapport du commerce, être interdite à personne, déclara dans les articles 1 et 7 de son chapitre III que le régime de l'Escaut «< serait définitivement réglé de la manière la plus favorable au commerce et à la navigation et la plus analogue à ce qui a été fixé pour le Rhin ». Aucun autre texte n'intervint toutefois au sujet de ce fleuve que l'acte final du congrès de Vienne du 9 juin 1815 qui, dans son article 109, proclama, en termes généraux et d'une manière absolue, le principe de la libre navigation commerciale des rivières internationales. Mais, en fait, depuis le traité de 1814, l'Escaut demeura ouvert au commerce de toutes les nations et exempt de tout péage. Il en alla ainsi jusqu'en 1830. A ce moment survint la révolution qui sépara la Belgique de la Hollande. Le roi Guillaume des Pays-Bas, prétendant que l'article 14 du traité de Munster redevenait applicable, prononça alors la clôture des bouches de l'Escaut. Cet état de choses, néanmoins, ne dura pas : il disparut le 20 janvier 1831, à la suite des protestations des cinq grandes puissances réunies à Londres en conférence pour connaître des affaires de Belgique. Et, quelques mois plus tard, des préliminaires de paix entre la Hollande et la Belgique (traité dit des XVIII articles), préparés par les puissances, insérérent dans un article 7 que « les dispositions des articles 108 jusqu'à 117 inclusivement de l'acte de Vienne seront appliquées aux fleuves et rivières qui traversent le territoire hollandais et le territoire belge ». Les préliminaires de paix, que la Hollande refusa d'approuver, furent ensuite suivis, le 15 novembre 1831, d'un traité dit des XXIV articles, entre la Belgique, l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, qui reproduisit dans son article 9 l'article 7 des préliminaires, en y ajoutant un paragraphe 2 disposant, « en ce qui concerne spécialement la navigation de l'Escaut », que « le pilotage et le balisage, ainsi que la conservation des passes en aval d'Anvers seront soumis à une surveillance commune exercée par des commissaires nommés à cet effet de part et d'autre ; que des droits de pilotage modérés seront fixés d'un commun accord et que ces droits seront les mêmes pour le commerce hollandais et pour le commerce belge >>. Mais le cabinet de la Haye ne voulut pas davantage adhérer à ce traité qu'aux préliminaires, alléguant qu'il était contraire au droit de souveraineté de la Hollande que le pilotage et le balisage d'un de ses fleuves fussent soumis à la surveillance commune d'un gouvernement étranger. Finalement, après de longues négociations qu'interrompirent pendant un certain temps des opérations militaires exécutées en Belgique par l'armée fran

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