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les délits de pêche (n° 483 et s.), la détérioration ou destruction des câbles télégraphiques sous-marins (n° 483" et s.), la traite des noirs (n° 401' et s.), l'usurpation de pavillon, la piraterie, etc.

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La vérification du pavillon, que

483. quelques auteurs dénomment autrement, reconnaissance de nationalité, vérification des papiers de bord, right of approach, a pour but de s'assurer de la nationalité d'un navire et de son droit à arborer le pavillon de tel ou tel Etat. Elle s'exerce en temps de paix comme en

temps de guerre.

Cette mesure se justifie par l'intérêt qu'ont toutes les nations maritimes à se prêter un mutuel appui, pour tout ce qui peut rendre la vigilance efficace et assurer la sécurité de la navigation, - par le devoir et le droit de tout Etat à couvrir de sa protection le commerce national.

Cette enquête du pavillon se réalise de la manière suivante. Le navire de guerre, qui rencontre en haute mer, ou dans la mer territoriale de l'Etat dont il relève, un navire marchand, arbore son pavillon pour l'avertir de montrer lui-même ses couleurs, si le marchand ne l'a pas déjà fait spontanément par déférence. Pour attirer l'attention du navire de commerce et lui enlever toute excuse, le navire de guerre peut appuyer son avertissement d'un coup de canon à poudre dit d'assurance ou de semonce. Si le navire marchand ne hisse pas de pavillon, le bâtiment de guerre fait une intimation plus péremptoire, en tirant un coup de canon à boulet dans les avants du bateau de commerce. C'est lui signifier que le retard est suspect, qu'il va autoriser des mesures énergiques et que la route du navire va être barrée. Si le marchand refuse de hisser pavillon ou si l'on a de graves raisons de soupçonner que le pavillon arboré est un pavillon emprunté, le vaisseau de guerre fait signal de mettre en panne et envoie un canot armé, monté par quelques hommes, accoster le navire marchand, et un officier chargé de reconnaître la nationalité de ce navire en demandant l'exhibition des papiers de bord. L'officier usera de modération, de prudence et, si les soupçons ne sont pas fondés, se retirera immédiatement.

Le navire marchand refuse-t-il d'exhiber ses papiers de bord, oppose-t-il de la résistance, le commandant du navire de guerre prendra les mesures qui lui paraîtront commandées par les circonstances. La question de savoir si les circonstances justifient suffisamment la demande de hisser pavillon est seule difficile et délicate. Si le commandant d'un navire de guerre se décide à faire la sommation, il doit ensuite faire tout ce qui dépend de

lui pour qu'elle soit suivie d'effet; sinon il compromettrait son prestige et celui de son pavillon (1).

Remarquez qu'en pratique l'œil exercé des marins reconnaît facilement la nationalité d'un navire de commerce à sa forme extérieure, à son gréement, sa voilure, etc., et autres indices qui varient d'une marine à l'autre.

L'enquête ou vérification du pavillon a été très contestée au nom de la liberté des mers, de l'indépendance et de la dignité des Etats (2).

Les instructions, rédigées en 1859, pour les commandants des marines de guerre anglaise et française, consacrent expressément le droit de vérifier la sincérité du pavillon et indiquent les modes de cette vérification. L'acte général de la conférence antiesclavagiste de Bruxelles, du 2 juillet 1890, n'a permis la vérification du pavillon, en cas de soupçon d'usurpation, que lorsqu'il s'agit d'un navire d'un tonnage inférieur à 500 tonneaux et rencontré dans une zone déclarée suspecte. Mais il n'a évidemment pas été dans l'intention des signataires de cet acte de restreindre les pouvoirs universellement reconnus à tous les navires de guerre, comme protecteurs et gardiens de la sécurité des mers. On n'a voulu décider que la question relative à la traite maritime et non les questions que soulève la piraterie (V. n° 407). Une convention signée à Saint-Germain-en-Laye le 10 septembre 1919 a abrogé l'acte de 1890 et la déclaration en date du même jour en leur substituant certaines dispositions en ce qui concerne la traite des noirs et l'esclavage; mais on ne trouve pas dans cette convention de dispositions précises relatives aux moyens d'empêcher l'esclavage et la traite (n° 408").

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483"1. A côté de la faculté de vérification de nationalité ou de pavillon, faut-il reconnaître aux navires de guerre de tout Etat un droit de visite à l'égard des navires de commerce des autres Etats droit de visite autorisant des perquisitions et des recherches à bord du navire, même à fond de cale, sur la nature et la composition de la cargaison, la quantité des marchandises embarquées, sur leur provenance, sur leur destination, etc. ?

1° Remarquons, tout d'abord, que la terminologie, employée par les auteurs en cette matière, manque de précision. Les Français disent droit de visite, et plusieurs comprennent sous cette appellation la simple vérification du pavillon, tandis que

(1) Ortolan, Diplomatie de la mer, t. I, p. 225. Perels, Manuel, p. 75. (2) Hautefeuille, Droits et devoirs des nations neutres, t. III, pp. 102 et 103.

d'autres, peu nombreux, distinguent la visite de la vérification. Pradier-Fodéré fait soigneusement la distinction entre la visite et l'enquête de pavillon et justifie cette distinction (op cit., t. V, n° 2543).

La plupart des auteurs anglais et américains emploient les expressions right of visit and search, qui correspondent à l'idée compréhensive et complexe que les Français (en général) indiquent par les termes droit de visite. Ainsi font notamment Westlake et Moore (1). — Néanmoins quelques auteurs anglais, comme Phillimore et Oppenheim, font une distinction entre la visit, qui s'arrête à la vérification de la nationalité, et la recherche, search, qui va plus loin et qui implique inspection du navire et de la cargaison. Ils ne veulent pas confondre la visite qui peut s'exercer en temps de guerre, right of visit and search, avec la visite possible en temps de paix, le right of approach, qui se borne à l'inspection des papiers de bord et ne s'étend pas, comme le premier droit, à l'inspection du navire lui-même (2). Lord Aberdeen proposait cette distinction dans la dépêche adressée, 13 octobre 1841, à l'envoyé des Etats-Unis à Londres. L'Américain Woolsey pense que cette distinction est rationnelle. Lawrence la repousse. Le terme anglais visit n'est régulièrement

traduit en français que par enquête ou recherche de pavillon. 483. 2° En second lieu, remarquons que la question du droit de visite ne se pose pas, ne peut pas se poser à l'égard des navires de commerce ressortissant au même Etat que le navire de guerre. - Tout Etat a incontestablement le droit de soumettre, soit en haute mer, soit à fortiori dans ses eaux territoriales, les navires de commerce nationaux à la visite de ses navires de guerre. It régit alors des personnes et des choses qui sont subordonnées à son pouvoir de législation et de commandement.

483. — 3° Un Etat peut faire exercer le droit de visite sur les navires de commerce étrangers qui se trouvent dans ses propres eaux territoriales. Tout Etat a le droit de soumettre à telles exige ees de police et de sûreté qu'il juge utile d'établir les navires étrangers qui entrent, en vue d'aborder ses côtes, dans la portion de la mer sur laquelle il a certains pouvoirs pour sa défense. A ce sujet, un incident s'est produit en 1895, au début de l'insurrection cubaine, entre l'Espagne et les Etats-Unis, à propos du navire américain l'Alliance, que le croiseur espagnol Venadito voulut arrêter auprès de la côte de Cuba (3).

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483". 4° Les Etats peuvent convenir de s'accorder mutuellement dans certains cas déterminés, et en vue de buts aussi déterminés, un droit de visite réciproque en pleine mer ou dans leurs eaux littorales (non dans les eaux d'une puissance tierce), ou stipuler à leur profit un droit de visite non réciproque. Quoi qu'en aient pu dire certains auteurs, il n'y a pas alors abandon de souveraineté, mais bien délégation partielle et momentanée d'un des attributs de cette souveraineté. Pareilles conventions ne sont donc pas nulles; mais, par essence, elles sont temporaires et ne peuvent évidemment être obligatoires que pour les Etats qui les ont conciues. Ce droit de visite a été établi conventionnellement dans les nombreux traités passés par la Grande-Bretagne pour la répression de la traite des noirs (n° 402 et s.) et plus récemment, en partie du moins et très atténué, dans l'acte général de la conférence anti-esclavagiste de Bruxelles du 2 juillet 1890 (n°407). - Un droit de visite est aussi reconnu et réglementé dans la convention internationale, signée à la Haye, le 6 mai 1882, et relative à la pêche dans la mer du Nord (n° 483). La convention conclue le 7 juillet 1911 entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Japon et la Russie pour la protection des phoques dans les eaux du Pacifique septentrional envisage la visite des navires sous le pavillon d'un des Etats contractants quand ils sont suspects de se livrer d'une manière irrégulière à la pêche des phoques (art. 1).

Ces réserves faites, que décider, en principe, quant au droit de visite en pleine mer (1) ?

4835. A. Ce droit est reconnu, en temps de guerre, aux belligérants à l'égard des navires de commerce des puissances neutres. Il est justifié par une double considération. Les vaisseaux de commerce de l'ennemi pourraient éviter toute prise en hissant un pavillon neutre, si les belligérants n'avaient pas le droit de constater le véritable caractère du vaisseau et celui de sa cargaison. Les belligérants doivent pouvoir s'assurer que les neutres n'abusent pas de leur liberté commerciale au profit de l'adversaire et ne lui portent pas de la contrebande de guerre (V. Neutralité). Dans ce but, les navires de guerre des Etats belligérants ont le droit, reconnu par la coutume internationale, d'arrêter les navires neutres, non seulement dans les eaux dépendant des territoires de belligérants, mais encore en pleine mer,

(1) Cette question de la visite en pleine mer qui a passionné à plusieurs reprises, en France, les Chambres et l'opinion publique, est complètement exposée, tant au point de vue de la doctrine qu'à celui de l'histoire, dans le Traité de Pradier-Fodéré, t. V, n° 2532 à 2543. V. Loewentha!, Das Untersuchungsrecht des internationalen Seerechts in Krieg und Frieden, 1905.

et de vérifier s'ils ne transportent pas des articles prohibés. Le droit de vérification s'étend à la nature, à la propriété et à la destination de toute cargaison, en temps de guerre. Nul doute sur l'existence de ce droit, ni sur la manière dont il peut être exercé. Le droit de visite, right of visit and search, en temps de guerre, est bien établi et indiscutable.

483". — B. — Quid du droit de visite, en temps de paix ? Prétendre, en pleine paix et en haute mer, se présenter à bord du navire de commerce étranger et s'y livrer à des actes d'examen, de vérification et de recherche, pour y constater certains faits relatifs à son chargement, c'est oublier que les navires des divers Etats sont, en pleine mer, complètement indépendants les uns des autres et qu'un navire de commerce en haute mer n'est soumis qu'à la seule souveraineté de sa nation. Pareille visite serait l'exercice d'un droit de suprématie et de prépondérance contraire aux principes de la liberté des mers et de l'indépendance des Etats. La liberté de navigation n'existerait plus, si les navires de commerce étaient livrés à la merci du premier navire de guerre étranger auquel il prendrait la fantaisie de les visiter en plein océan, même dans le but de faire triompher les principes de justice et d'humanité » (Pradier-Fodéré, op cit., t. V. n° 2533). Le prétendu droit de visite, en temps de paix, n'est reconnu comme un principe de droit international, ni par la doctrine, ni par la coutume. Il est repoussé par un grand nombre d'écrivains allemands ou français, Heffter, Gessner, Kalterborn, Hautefeuille, Ortolan, Cauchy, Massé, Pradier-Fodéré, Rayneval (1). Il est, au contraire, admis par quelques juristes ou publicistes anglais. 483. En pratique, le droit de visite, en temps de paix, ne peut être exercé qu'au cas de soupçon de piraterie, mais avec et sous la responsabilité des commandants des navires de guerre quant aux conséquences des mesures prises sans motifs suffisants.La répression de la piraterie implique nécessairement le droit d'examiner, sans égard au pavillon arboré, les vaisseaux éveillant, dans l'esprit de ceux qui sont chargés de la police des mers, des doutes sur leur véritable caractère. Sinon, il serait par trop facile à un pirate d'éviter toute capture, en se mettant à couvert sous un pavillon quelconque.

Ce droit de visite, en temps de paix, au cas de soupçon de

-

Kalter

(1) Heffter, op. cit., § 80. Gessner, Droit des neutres, p. 303. born, Seerecht, t. II, p. 350. Hautefeuille, Des droits et devoirs, etc., t. III, p. 476. Ortolan, op. cit., t. II, pp. 234 et s.

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Massé, op. cit.,

Rayneval,

liv. II. tit. I, n° 307. Cauchy, op. cit., t. II, pp. 90, 389 et s. Liberté des mers, t. I, ch. III, § 2.

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