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espagnol Anna, les Etats-Unis prétendirent, devant la cour des prises britannique, que la capture avait été effectuée dans leur mer territoriale, attendu que l'endroit où elle avait été faite, s'il était à plus de trois mille des côtes du continent, était à moins de trois milles de petites îles de vase, composées de terre et d'arbres entraînés par le fleuve et situées à un mille et demi de ce dernier; par une décision de la Haute-Cour d'Amirauté de la même année, Lord Stowell admit la thèse américaine, en considérant que les îles en question, formées par alluvion, étaient, non pas des terres sans maître, mais une partie du territoire des Etats-Unis, des rivages de laquelle il fallait en conséquence calculer l'étendue de la mer territoriale (affaire de l'Anna, 1805, 5 C. Rob. 373) (1). Une décision analogue de la même cour a été rendue en 1916 dans l'affaire The secretary of State for India c. Sri Raja Chellikani Rama Rao (32 T L R 652). L'ordonnance des prises allemande du 30 septembre 1909-3 août 1914 a regardé comme une partie du rivage les îles qui ne sont pas situées à plus de six milles marins de la côte (art. 3a). Il a été stipulé par l'article 46 du traité de Berlin du 13 juillet 1878 que les îles formant le delta du Danube ainsi que l'île des Serpents devaient être réunies à la Roumanie. Le traité de paix de Lausanne du 24 juillet 1923, entre les puissances alliées et la Turquie, a, dans son article 6, alinéa 2, dé laré que, sauf stipulations contraires, les îles et les îlots situés à moins de trois milles de la côte sont considérés comme compris dans les frontières maritimes de l'Etat riverain. Envisageant le cas d'une île formée dans un fleuve frontière « par corrosion du rivage, par avulsion violente, par dessèchement partiel ou par changement du cours de l'eau », la convention du 6 février 1869, entre l'Autriche et la Prusse, a, d'autre part, déclaré que cette île doit appartenir à chacun des Etats, si elle s'étend à sa limite frontière ou, si elle est en entier dans la limite de l'un des deux Etats. entièrement à cet Etat (art. 5).

4° Lit abandonné d'un cours d'eau. Un fleuve qui sépare deux Etats abandonne son lit pour se former un nouveau cours sur le territoire d'un des Etats riverains en doit-il résulter, à titre d'accession, une acquisition ou une perte de territoire pour l'un ou l'autre de ces Etats ? On peut à ce sujet concevoir trois solutions différentes, dont quelques-unes ont été en fait plus ou moins appliquées : 1o Le lit abandonné par le cours d'eau doit être attribué par accession à l'un et à l'autre des Etats riverains. C'était la règle admise par le droit romain (1. 1, § 7, Dig., lib.

(1) V. Scott, Cases on international law, p. 195. t. I, § 82, pp. 269 et s.

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Comp. Moore, Digest,

XLIII, tit. XII; Institutes, lib. 11, tit. 1, § 23). En réalité, il n'y a alors ni acquisition, ni perte de territoire pour aucun des deux Etats, car le lit abandonné leur servant de limite se trouvait déjà partagé entre eux. On exprime souvent cette opinion d'une façon plus exacte en disant que, quand un fleuve changeant complètement de lit se jette en entier sur un seul territoire, il devient la propriété exclusive de l'Etat maître de ce territoire et que la limite précédemment creusée par le courant de l'ancien lit reste la ligne de séparation entre les deux Etats. Tel est le système qui a été adopté aux Etats-Unis en ce qui concerne le Mississipi (Cour suprême des Etats-Unis, 19 mars 1919) et que les traités de paix de Versailles et de Saint-Germain de 1919 (art. 30) et de Lausanne de 1923 (art. 6) ont autorisé les commissions de délimitation à consacrer. C'est aussi celui auquel s'est ralliée, le 10 juin 1911, la commission arbitrale chargée de statuer entre les EtatsUnis et le Mexique dans le cas de la terre Chamizal. 2° L'Etat sur le territoire duquel se trouve le nouveau cours du fleuve doit prendre à titre d'indemnité l'ancien lit abandonné dans la proportion du terrain qui lui est enlevé. De là acquisition de territoire pour l'Etat où le fleuve a désormais son cours aux dépens de l'Etat jadis arrosé par ses eaux. C'est la solution qu'en droit privé sanctionne le code civil français (art. 563). Il ne semble pas qu'elle ait été jamais admise en droit international par la pratique des Etats. 3o La ligne frontière entre les deux Etats doit suivre le déplacement du fleuve, de telle sorte que l'Etat qui a cessé d'être le riverain du fleuve devient maître en son entier du lit abandonné et en outre de tout le terrain situé entre ce lit et la nouvelle frontière. Ce système, à la différence du précédent, a ainsi pour conséquence de faire bénéficier d'une acquisition de territoire l'Etat anciennement contigu au fleuve et non plus l'Etat sur le sol duquel le nouveau lit a pris naissance. Il a été en fait assez souvent consacré. On le trouve plus ou moins nettement stipulé, à propos de la Meuse, dans un traité du 8 août 1843 entre la Belgique et les Pays-Bas (art. 11); et, à propos de la Thaya et de la March, dans une convention du 19 mars 1921 entre l'Autriche et la Tchéco-Slovaquie ; il figure également dans les traités de Versailles (art. 30), de Saint-Germain (art. 30) et de Lausanne (art. 6) comme l'une des deux solutions imposées aux commissions de délimitation des frontières fluviales; c'est enfin celui qui fut suivi, en 1888, au sujet de la Drewens, dans les rapports de l'Allemagne et de la Russie (comp. n° 487). De ces trois théories c'est la première qui parait avoir recueilli les préférences de la doctrine. D'après elle, en effet, l'ancien lit continuant à servir de ligne de démarcation, il ne peut résulter du changement de direction du fleuve pour les riverains aucune extension ni réduction de leur

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territoire. Tel est notamment le sens dans lequel se prononcent sur la question Bluntschli (op. cit., art. 299), Despagnet-de-Boeck (op. cit., n° 377, p. 565), Hyde (op. cit., t. I, § 138, p. 246), Oppenheim (op. cit., t. I, §§ 199 et 234), Pradier-Fodéré (op. cit., t. II, no 816), Rivier (op. cit., t. I, p. 168). Si, dans les deux autres systèmes, il peut y avoir, au contraire, acquisition ou aliénation d'un territoire, il faut en tout cas noter que cette acquisition ou cette aliénation ne saurait jamais se réaliser que par un mode dérivé il ne peut pas s'agir ici d'un mode originaire d'acquisition ou d'aliénation du domaine international. Quand un fleuve frontière, au lieu de changer brusquement son lit, se retire simplement d'une façon insensible en se portant d'un seul côté, on est unanime à décider que la limite se modifie avec les changements du fleuve et que l'Etat riverain profite par accession de la portion du lit ainsi abandonné par les eaux (n° 4873).

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5332.

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Aussi bien que les forces de la nature, le travail hu› main peut avoir comme conséquence d'accroître un territoire par voie d'accession. L'acquisition de territoire peut avoir lieu d'abord sur la mer; et, dans ce cas, elle ne peut avoir qu'un caractère originaire car le terrain gagné sur la mer l'est sur une chose qui n'appartient à personne. Quoique, en ce faisant, un Etat avance sa frontière de mer et par suite diminue d'autant la portion de l'océan soumise à une entière liberté, aucun doute n'a été élevé sur la légitimité du procédé (1). Des endiguements, des dessèchements, des draînages sont ici les moyens les plus ordinairement employés c'est par des travaux de ce genre que les Pays-Bas ont, dans le Zuiderzée, repris aux flots le sol que, dans les siècles passés, ceux-ci avaient envahi. Mais des accroisse

ments de territoire par la main de l'homme peuvent aussi se concevoir dans des eaux intérieures. Sont-ils également légitimes? Supposons un fleuve frontière un des Etats limitrophes peut vouloir empêcher par des endiguements les eaux de la rivière d'envahir son territoire; seulement par ces travaux il rejettera "les flots sur la rive adverse qui alors risquera d'être grignotée par eux; il pourra y avoir ainsi, par un mode qui ne saurait être que dérivé, tout à la fois pour les riverains une acquisition et une perte de territoire. Afin d'éviter un pareil résultat on doit décider que, lorsqu'un cours d'eau constitue la frontière de deux Etats, aucun de ces Etats ne doit pouvoir, sans l'assentiment de l'autre, y apporter des changements préjudicia

(1) V. de Louter, op. cit., t. I, p. 345. Oppenheim, op. cit., t. I, § 231.

bles à la rive de l'autre Etat. Telle est la solution qu'a émise l'Institut de droit internationnal dans ses résolutions du 20 avril 1911 sur la réglementation internationale de l'usage des cours d'eau internationaux (n° 523°) (1), Et elle a été de même consacrée par un certain nombre de traités (V. par exemple 23 octobre 1829, France et Prusse, art. 3; 2 février 1848, Etats-Unis et Mexique, art. 7; 12 novembre 1884, Etats-Unis et Mexique, art. 3 ; 1er mars 1889, Etats-Unis et Mexique, art. 5; 26 octobre 1905, Suède et Norvège, art. 2; 11 janvier 1909, Etats-Unis et GrandeBretagne, art. 2, 3 et 4). Comp. art. 3 et 4, projet de convention sur l'aménagement des forces hydrauliques fait à Genève le 9 décembre 1923 par la deuxième conférence des communications et du transit (n° 487, 525" et 525). Il faut, de plus, admettre qu'au cas où des travaux sont effectués dans un fleuve frontière, ces travaux ne sauraient avoir pour effet de changer la ligne frontière du fleuve, de telle manière que le territoire d'un des Etats riverains ne doit pas être augmenté au préjudice du territoire de l'autre.« Il n'est pas permis, écrivait déjà Vattel au XVIIIe siècle, de faire sur le bord de l'eau des ouvrages tendant à en détourner le cours et à le rejeter sur la rive opposée. Ce serait vouloir gagner au préjudice d'autrui. Chacun peut seulement se garantir et empêcher que le courant ne mine et n'entraîne son terrain » (2). Les auteurs modernes ne décident pas autrement (V. Hyde, op. cit., t., I, § 138, p. 248; Oppenheim, op. cit., t. I, §§ 127, 178a., 231). Une difficulté s'est produite en 1906 dans les rapports des EtatsUnis et du Mexique à l'occasion de travaux opérés dans le Rio Grande et qui en avaient modifié le cours naturel (comp. n° 525) (3). En définitive, comme cela a été jugé en 1914 dans une affaire Attorney general of Southern Nigeria c. John Holt (L. R. App. cas. 599, 1914), l'accession, si elle peut être dans les fleuves un mode d'acquisition de territoire quand elle est naturelle, peut pas avoir ce caractère lorsqu'elle est artificielle (4).

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534. L'occupation est, d'une manière générale, le fait par unEtat d'appréhender, avec l'intention de s'en comporter en maî-

(1) V. Annuaire de l'Institut de droit international, t. XXIV, p. 365. (2) Vattel, op. cit., liv. I, chap. XXII, § 271.

(3) V. A. J., 1912, p. 478.

(4) V. Scott, Cases on international law, p. 197, note 16.

(5) V. spécialement Bernini, L'occupazione dei territori coloniali ed il principio dell'hinterland. Deherpe, Essai sur le développement de l'occupation en droit international, 1903. Fiege, Der Gebietserwerb durch völkerrechtliche okkupation, 1908. Galtier, Des conditions de l'occupation des territoires, 1901. Jèze, Etude sur l'occupation comme mode d'acquérir

tre, une chose qui n'appartient à aucun autre Etat, mais qui est susceptible de souveraineté.

Quel est le fondement de l'occupation? Est-elle en soi légitime? -Cette question, plus philosophique que juridique, ne laisse pas que d'être délicate, et il n'est point facile de lui donner une solution précise. Cette recherche n'est cependant pas inutile, car elle permet de fixer plus sûrement la nature des conditions que doit remplir l'occupation pour exister valablement. Grotius donne comme base au droit d'occupation une prétendue communauté originaire des choses. « Au début du monde, dit cet auteur (1), toutes choses restaient communes et appartenaient par indivis à tous comme un patrimoine commun. ; de là, il arrivait que chaque homme pouvait s'emparer pour ses besoins de ce qu'il voulait et consommer ce qui pouvait être consommé ». Mais. bientôt des différends s'élevèrent, et pour les éviter une convention s'établit entre les hommes qui créa le droit de propriété de chacun sur les choses. « La propriété, dit Grotius, fut le résultat d'une convention soit expresse : au moyen d'un partage, par exemple; soit tacite au moyen, par exemple, d'une occupation. Il faut présumer, en effet, que du moment où la communauté des biens déplut, sans en venir à un partage, tous tombèrent d'accord que ce que chacun occuperait il le possèderait en propre ». Grotius, en parlant ainsi du fondement de l'occupation, ne fait allusion qu'à l'occupation du droit privé, effectuée par des particuliers, à celle qui fait acquérir la propriété. On peut toutefois penser qu'il reconnaît une base analogue à l'occupation du droit des gens. C'est en effet immédiatement après avoir traité de l'occupation par les particuliers qu'il examine celle réalisée par des Etats, et à celle-ci il ne consacre que quelques lignes pour dire qu'elle ne diffère de la première que par son but elle ne fait pas acquérir seulement la propriété, elle fait acquérir encore la souveraineté (2). D'après Grotius, les territoires non appropriés étaient donc au début communs aux divers Etats, mais pour éviter les inconvénients de cette, communauté ceux-ci convinrent tacitement que chacun aurait la souveraineté de ce qu'il viendrait

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les territoires en droit international, 1896. Lentner, Das internationale Occupations recht. Litta, L'occupazione, 1881. Salomon, De l'occupation des territoires sans maître, 1889. Schultz, Der Gebietserwerb durch völkerrechtliche Okkupation, 1909. Siebert, Begriff und Arten der Okkupation in Völkerrecht unter besonderer Berucksichtigung des Okkupation herrenlosen Gebietes, 1920. Tartarin, Traité de l'occupation suivant le droit De Verneville, De l'occupation comme un mode d'acquisition de la propriété en droit des gens, 1892.

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naturel, le droit civil et le droit international, 1873.

(1) Grotius, De jure belli ac pacis, lib. II, cap. 2, II, 1 et 5. (2) Lib. II, cap. 3, IV, 1 et 2.

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