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597. Une des garanties qu'offre le droit international à l'intercourse maritime, et non la moins importante, se trouve dans la nationalité que tout navire doit posséder. Tout navire, pour jouir de la liberté des mers, pour y pratiquer un libre parcours, pour ne pas encourir le soupçon de se livrer à la piraterie, doit avoir une nationalité et être en mesure de la prouver. atteinte est portée à ce libre usage, un recours doit être possible, une réparation doit être accordée. Mais, pour ce faire, tout navire doit se rattacher à une nation déterminée. Là sont la cause et la justification de l'intervention de l'Etat et de la protection qu'il accorde. Les navires doivent relever d'un Etat offrant à sa propre marine une protection légale et des garanties aux autres Etats maritimes.

Outre cette nécessité, certains avantages sont attachés à la nationalité du navire, tels que le droit exclusif au cabotage grand ou petit, l'intercourse coloniale, l'exemption de certaines taxes ou droits, la pêche côtière, etc. D'après la loi du 2 avril 1889, modifiée par celle du 22 juillet 1909, la navigation ne peut avoir lieu entre les ports de France et ceux de l'Algérie que sous pavillon français. Mais les surtaxes de pavillon que payaient, dans certaines conditions, les navires étrangers importateurs en France, ont été abolies par les lois des 19 mai 1866 et 30 juillet 1873. Dans certains pays, il y a des lois sur la marine marchande qui établissent des primes pour la construction et l'armement, et qui ne s'appliquent pas de la même façon aux navires nationaux et aux navires étrangers: ainsi, en France, la loi du 29 janvier 1881, renouvelée par la loi du 30 janvier 1893. Au point de vue de l'application du droit privé, la distinction des navires nationaux et des navires étrangers a aussi son importance, les navires ayant

(1) V. Cantillon de Tramont, De la nationalité des navires, 1907.

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dans une mesure plus ou moins large un statut personnel : c'est, par exemple, la loi du pavillon qui doit être considérée pour la constitution de l'hypothèque. L'intérêt de la distinction existe en temps de guerre comme en temps de paix : en temps de guerre, la situation des navires ennemis et celle des navires neutres sont différentes.

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5971. Si tout navire doit avoir une nationalité, il doit n'en avoir qu'une. Règle nécessaire. La dualité de nationalités pour les navires entraînerait des difficultés et des fraudes. Il y aurait incertitude sur l'Etat qui peut et doit surveiller le navire le capitaine, suivant son intérêt, se prévaudrait de telle ou telle nationalité. C'est en cas de guerre que des fraudes pourraient surtout s'exercer. Cette règle est conforme à l'esprit de la législation française ainsi, d'après la loi du 10 avril 1825 sur la répression de la piraterie, un corsaire ne peut recevoir des lettres de marque de deux Etats différents, non seulement de deux Etats belligérants, mais même de deux Etats alliés. La question s'est présentée dans des conditions assez singulières dans la dernière décade du XIX siècle. Des bâtiments de commerce français hypothéqués à une créance française avaient été affrétés pour Haïti où ils devaient pratiquer le commerce du cabotage. Mais, d'après la loi haïtienne, le cabotage ne peut être fait que par des navires nationaux. Le ministre de France à Haïti, dont l'intervention était nécessaire pour que les navires pussent être naturalisés haïtiens, refusa son autorisation parce que, d'après la loi française du 10 juillet 1885 sur l'hypothèque maritime (art. 33), quand un navire français est hypothéqué, il ne peut être vendu de manière à perdre sa nationalité. Cette conduite du ministre était régulière, car les navires ne pouvaient pas avoir deux nationalités et ils ne pouvaient pas perdre la nationalité française sans porter atteinte à des droits acquis, c'est-à-dire aux droits du créancier hypothécaire.

598.

1° Eléments de la nationalité.

Pour les navires de guerre, la nationalité consiste à faire partie de la marine militaire de tel ou tel Etat, à être affectés à son service et à être commandés par des officiers de son armée de mer. Construits et équipés en vue d'un service public ou dans le but de protéger et d'assurer la souveraineté et l'indépendance nationales, les navires de guerre sont une propriété de l'Etat. L'équipage complet de ces navires, depuis le commandant jusqu'aux mousses, appartient au pays dont ils portent le pavillon et dépend directement du gouvernement de ce pays. Les bâtiments de guerre représentent eux-mêmes la souveraineté et l'indépendance de l'Etat.

Quant aux bâtiments privés, nolisés pour un service public et commandés par des officiers de la marine militaire, ces navires,

d'après l'opinion de Calvo (1), ne sont pas, dans la stricte acception du mot, des navires de guerre, puisqu'ils n'appartiennent pas à l'Etat et ne sont pas propres au combat, mais ils doivent être assimilés aux bâtiments de guerre, tant qu'ils sont employés au service de la marine militaire.

599. En ce qui concerne la nationalité des bâtiments de commerce, chaque Etat, selon ses ressources et selon ses besoins, trouvant ou ne trouvant pas sur son sol les matériaux de construction, possédant ou ne possédant pas de grands chantiers, désireux de réserver à ses sujets les avantages de la navigation, etc., chaque Etat a soin de restreindre ou d'étendre, de simplifier ou de compliquer les éléments constitutifs de la nationalité. Aussi les législations sont-elles en cette matière fort variées. C'est au droit public de chaque pays à fixer les conditions auxquelles il accorde aux navires son indigénat maritime. Il y a là une question de droit interne. Les dispositions sur la nationalité des navires se trouvent dans des codes ou dans des lois générales sur la marine marchande; elles sont aussi dans des lois spéciales qu'on appelle quelquefois actes de navigation l'acte français de navigation est constitué par la loi du 21 septembre 1793.

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Les législateurs, pour fixer la nationalité d'un navire, s'attachent à quelques points principaux construction et origine du navire, qualité des propriétaires, - nationalité du capitaine ou des officiers du bord, composition de l'équipage. La plu part des Etats maritimes exigent l'indigénat des propriétaires du vaisseau : ainsi, Allemagne, Angleterre, Portugal. Quelques-uns seulement la copropriété des nationaux. Un grand nombre exigent l'indigénat dans la personne du capitaine; d'autres veulent aussi l'indigénat de plusieurs officiers du bord ou d'une partie ou de la totalité de l'équipage. Quand les navires appartiennent à des individus, il est facile de constater l'accomplissement de la condition que ces navires doivent être pour une part déterminée la propriété de nationaux car on connaît la nationalité des propriétaires. Mais, en fait, les navires appartiennent le plus souvent à des sociétés, généralement à des sociétés anonymes ou à des commandites par actions; et alors, pour décider si le navire est ou non la propriété de nationaux, la question qui se pose est celle de savoir ce qui constitue la nationalité d'une société question difficile et que le législateur n'a pas toujours résolue. Voici quelques indications relatives aux principaux pays :

En France, l'acte de navigation du 21 septembre 1793 exigeait

(1) Calvo, op. cit., t. I, § 387.

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trois conditions pour qu'un navire pût porter le pavillon français: 1° le navire doit être construit en France; 2° il doit appartenir entièrement à des Français ; 3° les officiers et les trois quarts de l'équipage doivent être de nationalité française. Mais, depuis, la législation a plusieurs fois varié. La loi du 19 mai 1866 n'exige plus le fait de la construction en France. On admet la francisation des navires construits à l'étranger. Le navire doit appartenir pour moitié au moins à des regnicoles (Loi du 9 juin 1845). Le capitaine, les officiers, les trois quarts de l'équipage doivent être français (Loi du 21 septembre 1793). On admet une exception à l'égard des caboteurs algériens et des navires pratiquant le cabotage international colonial sans attache avec la métropole (Loi du 7 avril 1902). Pour la pêche de la baleine, le capitaine peut être étranger, mais la moitié de l'équipage est française (Loi du 19 mai 1866. Décret du 21 avril 1882). Il n'existe en France aucune disposition spéciale prévoyant le cas où le navire est la propriété d'une société : si on admet qu'une société est française dès lors qu'elle a son siège social en France, il faudra décider qu'un navire sera français s'il appartient à une société dont le siège est en France, bien qu'elle ait pour administrateurs et directeur des étrangers: les intérêts français seront alors insuffisamment sauvegardés, car ce sont des étrangers qui auront à s'occuper des conflits auxquels le navire pourra donner lieu.

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En Angleterre (Merchant shipping Act de 1894), la construction du navire en Angleterre n'est pas exigée; mais le vaisseau doit appartenir en totalité à des Anglais; le capitaine et l'équipage ne doivent pas avoir nécessairement la nationalité britannique. - Aux Etats-Unis, tous les copropriétaires doivent être citoyens de l'Union le capitaine et les officiers américains, sauf exception. En Allemagne, où il y a unité de pavillon depuis 1871, une seule condition est exigée. Le navire doit être la propriété exclusive de personnes ayant la nationalité d'Empire auxquelles sont assimilées les sociétés remplissant certaines conditions (Loi du 22 juin 1899 ; loi du 29 mai 1901) peu importe le lieu de construction, la nationalité du capitaine, des officiers et des hommes de l'équipage. En Autriche-Hongrie, le capitaine doit être autrichien ou hongrois et le navire appartenir pour les deux tiers à des sujets de la monarchie, ou à des sociétés par actions ayant leur siège en Autriche ou en Hongrie (Loi autrichienne du 7 mai 1879 et Loi hongroise du 9 avril 1879). — En Belgique, d'après la loi du 20 septembre 1903, la lettre de mer dont les navires de mer doivent être munis pour naviguer sous pavillon belge n'est délivrée qu'à des navires appartenant pour plus de moitié à des Belges, à des sociétés commerciales auxquel

les la loi reconnaît une individualité juridique et qui ont leur siège en Belgique, à des étrangers ayant une année de résidence continue en Belgique ou qui ont établi leur domicile en Belgique avec l'autorisation du Roi; aucune condition de nationalité n'est exigée chez les officiers et les hommes de l'équipage : il en est de même aux Pays-Bas (1). En Italie, les étrangers peuvent être intéressés à concurrence d'un tiers dans la propriété d'un navire celui-ci peut aussi appartenir à une personne ayant cinq ans de domicile (Code de la marine marchande de 1877, art. 40); le capitaine et les deux tiers de l'équipage doivent être italiens. Au Chili, le navire doit appartenir à un Chilien ou à un étranger domicilié au Chili; les étrangers non domiciliés peuvent avoir la propriété d'un navire s'ils ont une maison de commerce ou s'ils donnent caution pour la moitié de la valeur du navire; l'équipage doit être pour un tiers chilien (Loi de navigation du 24 juin 1878). En République Argentine et en Colombie, les navires peuvent appartenir indifféremment à des nationaux ou à des étrangers; la loi argentine exige qu'il y ait au moins un marin argentin (2).

L'inscription des navires de commerce sur des registres spéciaux et la délivrance d'un certificat sont des formalités admises par presque toutes les législations des Etats maritimes.

Cette variété dans les législations des Etats en ce qui concerne la nationalité des navires de commerce ne laisse pas de présenter certains inconvénients (3). Mais un système uniforme à cet égard est difficile à réaliser. En effet, pour une semblable réglementation, un Etat n'a pas seulement à se préoccuper d'idées abstraites, il doit s'inquiéter de ses intérêts, et ici les intérêts sont très différents. Dans tel pays, il y a un grand nombre de marins à qui il faut donner du travail on comprend que dans

ce pays les navires nationaux doivent avoir des marins nationaux. Dans un autre il y a trop de capitaux: ici les navires seront des navires nationaux dès qu'ils seront construits avec

(1) Archives diplomatiques, 3e série, t. 89, 1904, p. 59.

(2) Pour les autres législations, V. Fromageot, Le droit de pavillon pour les navires de commerce: notice sur la loi allemande du 22 juin 1899, Annuaire de législation étrangère de la Société ae législation comparée, 1900. V. aussi dans l'Annuaire de l'Institut de droit international (t. XV, pp. 57 et s.) l'indication des règles admises par les diverses législations sur la nationalité des navires. V. également l'Annexe II, n° 1, des Instructions du ministère de la marine aux officiers de la marine française du 30 janvier 1916. V. encore Danjon, Traité de droit maritime, t. I, 1910, pp. 63 Comp. Pazos y Garcia, Qui peut acquérir, posséder et créer des navires en Espagne? Revista de derecho intern. y polit. exterior, 1905, n° 4. (3) V. à ce sujet Annuaire de l'Institut de droit international, t. XV,

et s.

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