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assimilé à des pirates les membres d'un navire neutre qui reçoivent de leur Etat des commissions ou lettres de marque pour agir hostilement contre une nation belligérante ou pour inquiéter le commerce et les propriétés de ses sujets ou citoyens. Rappelons que le traité de Washington du 6 février 1922 entre les Etats-Unis, l'Empire britannique, la France, l'Italie et le Japon a assimilé à un pirate celui qui viole les règles du droit international relatives à l'attaque, à la saisie et à la destruction En temps de guerre des navires de commerce par des navires de surface ou par des sous-marins (n° 483").

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483". Un crime ou un délit quelconque ne devient-il pas un acte de piraterie selon la portée du droit des gens dès lors qu'il est traité comme tel dans la pratique par tous les Etats civilisés ? On l'a soutenu (1). Mais nous croyons cette solution inexacte. Ce qui fait d'un crime ou d'un délit un acte de piraterie internationale, c'est en effet uniquement sa nature propre. Comme le dit très justement Pradier-Fodéré, « quand bien même tous les Etats civilisés se seraient accordés par une convention générale pour donner à tel délit le caractère d'un acte de piraterie selon la portée du droit des gens, ce délit n'en serait pas moins un acte de piraterie suivant le droit international conventionnel, s'il n'a pas le caractère qui constitue essentiellement la piraterie suivant le droit international universel (2).

483°. — On ne doit pas comprendre dans la notion de piraterie la faculté qui, au Moyen-Age, sous la dénomination de droit d'épave, était accordée à l'Etat ou aux habitants du littoral de s'emparer par occupation des objets provenant des naufrages, comme s'ils étaient des produits de l'océan. La coutume fut même étendue, en certaines localités, aux naufragés qui étaient, ou mis à mort, ou réduits en esclavage, à moins qu'ils ne payassent rançon. Les habitants des côtes allaient même jusqu'à provoquer des naufrages, en allumant des signaux trompeurs.- Sous sa forme la plus douce, le droit d'épave se bornait à la réclamation, par le propriétaire du sol, d'une sorte de taxe sur les navires échoués à la côte comme réparation des dommages causés au littoral par le naufrage.

Contre cette spoliation des naufragés, le concile de Latran de 1199 édicta l'excommunication. Les rôles d'Oléron prononcèrent des peines sévères, ainsi que l'ordonnance de Charles-Quint de 1532. En vain, le pillage continua.

Quelques Etats firent délivrer à leurs sujets des lettres les affranchissant du droit d'épave. Les Villes Hanséatiques agirent

(1) V. Travers Twiss, Le droit des gens, 1889, chap. X, n° 205, t. II, P. 409 (2) Pradier-Fodéré, op. cit., t. V, n° 2502, p. 824 et note 1.

ainsi à l'égard du Danemark. Au xvr siècle, commença à s'établir fort lentement un usage plus conforme aux notions de communauté internationale.

De nos jours, tous les Etats civilisés considèrent le droit d'épave comme une pratique honteuse. En cas de naufrage et de danger de mer, les habitants du littoral, les autorités sont tenus de prêter assistance, de procéder au sauvetage des navires et des cargaisons, sauf à réclamer la rémunération du service rendu. Le fisc ne participe plus à la rançon des objets sauvés. Il n'a plus droit qu'aux objets échoués dont les propriétaires restent inconnus.

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Un grand nombre de traités ont cherché à prévenir les traitements arbitraires parfois infligés aux étrangers, en assurant aux naufragés, sujets des contractants, aide et protection réciproques et en les assimilant aux nationaux en ce qui concerne le droit de sauvetage (convention entre France et Angleterre du 29 octobre 1889).

484.

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En ce qui concerne le domaine terrestre, une double question se pose de quoi se compose ce domaine ? quelle peut en être l'étendue ?

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4841. Le domaine terrestre comprend le sol même, l'ensemble des propriétés privées appartenant aux sujets de l'Etat, les biens du domaine public que les fonctionnaires de l'Etat ont le devoir d'entretenir dans l'intérêt de la communauté des citoyens, tels que routes, canaux, chemins de fer, certains édifices publics, etc.

Parmi ces choses, les chemins de fer et les lignes télégraphiques occupent une importante place au point de vue des rapports

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- Fawcett, Ghirardini, La sovra

(1) V. Adami, I confini di Stato nella legislazione internazionale, 1919. Barbagelata, Boundaries and Frontiers, 1911. Cavaglieri, Territori internazionali, R. I. 1906, p. 285; Frontiere, 1905, Enciclopedia juridica italiana. Cavaretta, Diritti sul territori altrui nel diritto internazionale contemporaneo, 1905. V. aussi Archivio giuridico, juillet-août 1904. - Del Bon, Proprieta terriCurzon of Kedleston, toriale negli Stati, 1867. Frontiers, 1907. Donati, Stato e territorio, R. I., 1914, pp. 319 et 465; 1923, p. 349. Frontiers, 1918. Fricker, Vom Staatsgebiet, 1867. nita territoriale nel diritto internazionale, 1913. Holdich, Political frontiers and boundary making, 1916. Keul, Grenzstreitigkeiten, 1913. Landau, Die Territorien, 1854. Moulin, Le litige chilo-argentin et la déli mitation politique des frontières naturelles, 1902. Ortolan, Du domaine international, 1851. Radnitzki, Die rechtliche Natur des Staatsgebietes, Archiv für öffentl. Recht, 1906, p. 313. Schroeder, Grenzregulierung durch Staatsvertrage, 1891. Willoughby, Territories and dependencies of the United States, 1905. Wright, Territorial propinquity, A. J., 1918, p. 519..

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internationaux. Le mode et les règles de leur exploitation intéressent, par voie de répercussion directe, les Etats limitrophes et les sujets de ces Etats. Pour activer le développement économique, pour accroître la prospérité commerciale de tous les pays en facilitant les échanges, les importations et les exportations, il importe de donner aux voies ferrées comme aux lignes télégraphiques une organisation internationale combinée avec leur organisation particulière et nationale, de les soumettre autant que possible à des législations semblables, assurant la régularité, l'économie et la célérité des transports. Nous retrouverons dans une autre partie les mesures adoptées dans ce but et constaterons le progrès accompli par une entente internationale de plus en plus générale.

Font partie du domaine terrestre (ou territoire) d'un Etat les continents, les îles qui se trouvent dans les fleuves ou dans les eaux territoriales, les colonies instituées dans des îles ou des continents d'une autre région du globe. Au xx siècle, le territoire de plusieurs Etats se compose d'un nombre plus ou moins grand de portions de la surface de la terre, séparées les unes des antres par des espaces plus ou moins considérables.

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484. Les colonies sont des dépendances distinctes du sol de la mère-patrie; mais elles sont soumises à la juridiction, à la souveraineté de l'Etat et font juridiquement partie intégrante de son territoire. Elles sont subordonnées au pouvoir souverain de la métropole, quoiqu'elles puissent être organisées différemment et régies par des législations propres, spéciales et variées. L'Angleterre, la France, la Hollande, l'Italie, etc. ont des colonies d'espèces différentes. Au point de vue du droit international public, cette variété est indifférente. Une colonie est une annexe du territoire continental. Elle n'est qu'un des éléments du patrimoine de l'Etat. Elle n'a pas, vis-à-vis des autres Etats, une vie internationale indépendante.

En droit international public, les possessions terrestres d'un Etat, en quelque lieu du globe qu'elles soient situées, forment juridiquement un tout indivisible.

485. Ce n'est pas seulement la surface du sol qui forme le domaine terrestre des Etats. Le sous-sol, à quelque profondeur que ce soit, en fait également partie. On considère qu'il ne forme pas an territoire spécial, mais une dépendance du territoire que constitue la surface de la terre. Il est soumis à la souveraineté de PEtat souverain de la superficie. Le pouvoir sur le sous-sol a son importance pour l'établissement des lignes souterraines de télégraphie, de téléphonie ou de transport de force, pour l'exploitation des mines et carrières, pour la construction des tunnels.

C'est, dès lors, uniquement le tréfonds de son territoire superficiel qu'un Etat pourra utiliser, mais dans cette mesure il aura seul le droit d'en exploiter les richesses; il ne saurait emprunter le territoire souterrain d'un autre Etat sans l'autorisation de ce dernier (1).

§ 2. - Étendue du domaine terrestre : les frontières.

486. Il importe au plus haut degré de fixer d'une manière claire et précise l'étendue du territoire terrestre d'un Etat, car c'est sur la portion du globe qui le constitue que peut seulement se faire sentir le pouvoir souverain de cet Etat. Pour que les Etats vivent en paix les uns à côté des autres, il faut qu'ils ne soient pas exposés à empiéter sur leurs possessions respectives. L'espace soumis à la souveraineté d'une nation doit donc être circonscrit par des limites. Ces limites sont ce qu'on appelle les frontières. La détermination de celles-ci constitue tout à la fois un droit et une obligation des Etats. On n'imagine pas vraiment le territoire d'un pays sans une démarcation qui le sépare de celui de son voisin, pas plus d'ailleurs qu'on ne conçoit une frontière sans un territoire qu'elle englobe. Il y a dans la réalité un rapport intime entre la question du territoire et la question des frontières. Ce n'est pas à dire cependant que les frontières soient, comme le territoire lui-même, indispensables pour la constitution de l'Etat. Si un Etat ne peut exister lorsqu'il n'a pas un territoire défini (n° 162), il peut exister comme tel dès qu'il possède un territoire, quoique celui-ci ne soit pas légalement délimité l'absence d'une délimitation l'exposera seulement à d'incessants conflits avec les nations qui l'avoisinent. En fait, des Etats souverains ont souvent coexisté pendant un temps, parfois assez long, sans qu'une démarcation eût été tracée entre eux d'une manière juridique.

486'.- Au point de vue formel, la délimitation du domaine terrestre peut avoir une double base. Les frontières des Etats reposent d'abord sur une possession immémoriale et non contestée. Le fait que, depuis un long temps et sans qu'aucune réclamation ait été produite, un Etat a exercé son pouvoir souverain sur un espace allant jusqu'à des points déterminés suffit à établir les limites d'un territoire. Il y a alors comme un accord tacite enfre les Etats. Mais tel n'est pas le moyen le plus communément répandu d'établir les frontières. En général, c'est par des traités que celles-ci sont fixées. Et ces traités sont de nature diverse. Ce sont le plus souvent les traités de paix qui règlent les frontières des Etats, car ces

(1) V. Chrétien, op. cit., n° 90, p. 89. Nys, op. cit., t. I, p. 437. Oppenheim, op. cit., t. I, § 173. Planas Suarez, op. cit., t. I, n' 26. Rivier, op. cit., t. I, p. 140.

traitės stipulent habituellement des modifications, territoriales ; des conventions spéciales, afférentes uniquement à la démarcation des frontières, peuvent aussi intervenir i en sera, ainsi lorsque des Etats, en dehors de toute guerre, se font des cessions de territoires ou lorsque, d'un commun accord, ils décident de modifier, de reviser ou de rectifier leurs limites. Citons à ce sujet les préliminaires de paix du 26 février 1871 et le traité de paix du 10 mai 1871 entre la France et l'Allemagne, les traités de limites conclus à Courtrai le 28 mars 1820 entre la France et les Pays-Bas et à Bayonne le 26 mai 1866 entre la France et l'Espagne. C'est d'ordinaire par une entente expresse des parties intéressées qu'a lieu la délimitation. Mais celle-ci peut leur être parfois imposée par des Etats tiers: c'est ce qui se produit nécessairement dans le cas de la création d'un Etat nouveau par voie exclusivement diplomatique. Comme cas de ce genre on peut signaler le traité de Berlin du 13 juillet 1878, entre l'Allemagne, l'AutricheHongrie, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, la Russie et la Turquie, qui a fixé les frontières de la principauté de Bulgarie (art. 2), dont il proclamait l'autonomie, ainsi que celles du Monténégro (art. 28) et de la Serbie (art. 36), dont il déclarait l'indépendance, et les traités de Versailles du 28 juin 1919, de SaintGermain du 10 septembre 1919 et de Trianon du 4 juin 1920, conclus par les puissances alliées et associées respectivement avec l'Allemagne, l'Autriche et la Hongrie, qui ont donné des frontières à la Pologne (art. 27,7°. 87 et s., Versailles; 89, Saint-Germain) et à la Tchéco-Slovaquie (art. 27, 6", 82 et 83, Versailles; 27,6", 54 et 55, Saint-Germain; 27, 4°, 49 et 50, Trianon), qu'ils constituaient en Etats souverains. Les conventions de limites sont presque toujours accompagnées de procès-verbaux de délimitation. Dans les traités de paix qui s'occupent de déterminer les frontières, les diplomates se contentent le plus souvent d'arrêter les points principaux de la démarcation. Les Etats nomment ensuite une commission internationale, habituellement composée d'ingénieurs ou d'officiers d'état-major des pays intéressés, chargée de régler sur le terrain la position de la frontière et de dresser à la suite un procès-verbal de délimitation, soumis à l'approbation des gouvernements respectifs. Ce procès-verbal se fait quelquefois longtemps attendre. La clause du traité des Pyrénées du 7 novembre 1659 entre la France et l'Espagne qui, après avoir posé les bases de la délimitation des frontières entre les deux Etats, s'en remettait à un accord ultérieur pour une détermination précise sur le terrain, ne reçut son exécution que par un traité de limites devenu définitif le 26 mai 1866. C'est de même seulement le 26 avril 1877 qu'a été dressé à Metz le procès-verbal de délimitation entre la France et l'Allemagne, bien que le traité définitif de paix ait été

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