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tiré, je prefte fur gages.

SCAPIN.

La retraite eft meritoire.

CHAMPAGNE.

Ma foy, il n'y a plus que ce metier-là pour faire quel que chofe; iln'y a rien de tel, quand on a de l'argent, d'en aider des particuliers dans leurs neceffitez preffan

tes.

SCAPIN.

Voila un motif fort charitable.

CHAMPAGNE. Je me fuis affocié d'un fort honnefte homme, qui eft, je penfe, luy, affocié d'un autre fort honnefte homme chez qui il m'envoye prendre deux mille huit cens li

vres.

SCAPIN.

Deux mille huit cens livres ? ( à part. ) Serions-nous affez heureux... Cela feroit admirable. Tu es affocié avec Monfieur Mathieu ?

CHAMPAGNE.

fubal

Avec Monfieur Mathieu ; mais je fuis un peu terne à la verité. Nous demeurons ensemble, il me loge fort haut, me meuble modeftement, m'habille chaudement pour l'Eté, fraîchement pour l'Hiver, me nourrit fobrement, ne me doune point de gages, mais ce que je prens c'est pour moy.

SCAPIN.

Voila une bonne condition. Et, dis- moy, es-tu tou→ jours auffi yvrogne qu'avant ta Lettre de cachet? CHAMPAGNE.

Je bois beaucoup de vin, mais je ne l'aime pas.
SCAPIN.

Tu vas donc recevoir deux mil huit cens livres ?

CHAMPAGNE.

Deux mil huit cent livres.

SCAPIN.

Chez Monfieur Grifon.

CHAMPAGNE.

CHAMPAGNE.

C'est le nom de notre affocié. Qui te l'a dit?

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Et tu as un billet de Monfieur Mathieu, pour mar que que tu ne viens pas à faux ?

CHAMPAGNE.

Cela eft comme tu le dis. Voila le billet. Hé, d'ou diantre fçais-tu tout cela ?

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SCAPIN.

Je fuis l'affocié du fils de Monfieur Grifon, moy.

CHAMPAGNE.

Quoy, tu te mefles auffi...

SCAPIN.

Nous ne fommes affociez que pour emprunter, nous autres. Le connois-tu Monfieur Grifon?

T

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Tant mieux. Monfieur Grifón n'eft pas au logis; & en attendant qu'il vienne, nous pouvons aller renouveller connoiffance au Cabaret.

CHAMPAGNE.

De tout mon cœur, je ne refuse point des parties d'honneur.

SCAPIN.

Morbleu, j'enrage. Voila un homme à qui j'ay af faire, mais ce ne fera que pour un moment. Va-t'en m'attendre icy prés, aux Barreaux verts; & faire tirer bouteille. Voila un fripon que je friponneray fur ma

B

parole, fi je puis feulement attraper le billet.

SCENE XI.

Mr. GRIFON, MARINE, SCAPIN.

MARINE.

E vous dis, Monfieur, que vous aurez plus de

Jeine que vous ne penfez à reduire cet efprit-là.

SCAPIN.

Ah, Monfieur, je vous cherchois pour vous dire dans peu votre Serenade fera en état. Mr. GRIFON.

que

Bon. Voila ma maifon, & voila celle de ma Maîtreffe.

SCAPIN

Tant mieux, cela eft fort commode

fein.

Mr. GRIFON.

pour mon def

Tu dis donc, Marine, que tu viens de la part de Leonore ?

;

MARINE.

Ouy, Monfieur, pour vous faire des excufes de ee quis eft paffe à votre entrevette.

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Mr. GRIFON.

Elle revient à elle, j'en fuis bien-aife.

MARINE.

Elle eft au defefpoir de n'avoir pû fe contraindre devant Madame fa mere; mais elle dit qu'elle vous hait trop pour fe faire la moindre violence.

Mr. GRIFON.

Voila un fort for compliment. Je n'ay que faire de des excufes-là.

MARINE.

Elle fçait trop bien vivre pour manquer à la civilité; elle m'a chargé de vous prier de ne point preffer Madame fa mere fur votre mariage, & de luy donner du temps pour s'accoutumer à une figure auffi extraor dinaire que la vôtre.

Mr. GRIFON.

Vous etes une impertinente, ma mie; & je ne (çay....

MARINE.

Je vous demande pardon, Monfieur, je vous refpecte trop pour vous rien dire de mon chef qui vous déplaife. Ce font les fentimens de ma Maîtreffe que je vous explique le plus clairement & le plus fuccinte ment qu'il m'eft poffible.

Mr. GRIFON. Je ne veux point fçavoir fes fentimens, tant qu'elle en aura d'auffi ridicules.

MARINE.

Il ne tiendra pas à moy qu'elle ne change; &quelque averfion qu'elle ait pour vous, elle ne laiffera pas de vous époufer, fi elle m'en veut croire. Vous n'avez que votre âge, votre air, &votre vifage contre vous, dans le fond; je gagerois que vous avez les meilleures manieres du monde.

Mr. GRIFON.

Voila une infolente, qui à mon nez, me vient chanter poüille.

MARINE.

C'est votre phifionomie lugubre qui l'a d'abord ef farouchée, elle en reviendra peut-eftre, & vous aimera à la folie, que fçait-on ? Vous ne feriez pas le premier magot, qui auroit épousé une jolie fille. Mr. GRIFON.

Malgré tout ce qu'elle me dit, je ne veux point me facher, elle peut me rendre fervice. Tu me parois d'agreable humeur.

MARINE.

Je fuis affez franche, comme vous voyez.
Mr. GRIFON.

C'eft ce qui me femble. Je veux eftre de tes amis; & fi le mariage fe fait, ne te mets pas en peine. Dismoy un peu en confidence; quelle forte de caractere eft-ce que Leonore, & que faudroit-il que je fiffe pour luy plaire?

MARINE.

Vous n'avez qu'à mourir, Monfieur; c'eft le plus grand plaifir que vous luy puiffiez faire.

Mr. GRIFON."

Ce n'eft pas là ce que je te demande. De quelle hu'meur eft-elle?

MARINE.

Ah! de l'humeur du monde la plus douce. Je ne luy connois qu'un petit défaut.

Quel cft-il?.

Mr. GRIFON.

MARINE.

C'eft, Monfieur, que quand elle s'eft mife quelque chofe en tefte, & qu'on s'avife de la contredire, elle crie, elle pefte, elle jure, elle bat, elle mord, elle égratigne, elle eftropie mefme, en cas de befoin; mais dans le fond c'est une bon enfant,

Mr. GRIFON.

Voila une humeur bien donce vrayment! Et avec cela, n'a-t'elle point quelque paffion dominante? MARINE.

Non, Monfieur, rien ne la domine; elle a du gouft pour toutes les belles manieres: elle vend, pour jouer, tout ce quelle a; elle met fes nipes en gages pour aller à l'Opera & à la Comedie, elle court le Bal fept fois la femaine feulement, elle feffe fon vin de Champagne à merveille, & fur la fin du repas elle devient fort tendre.

Mr.. GRIFON.
Tu crois donc qu'elle pourra m'aimer ?

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