Images de page
PDF
ePub

Mais Belfort qui vous trompe, eft plus digne de blâme,
L'autre afpire du moins à confoler votre ame.
Mon Sexe à de tels foins eft toujours obligé;
Il eft doux d'être plaint, quand on est négligé.
Pour démêler chez vous un point que j'appréhende
Puis-je dans ce moment vous faire une demande ?
Belfort eft fait pour plaire & pour furprendre un cœur.
Parlez; l'aimeriez-vous d'une fincere ardeur ?

EMILIE.

Puifqu'il faut vous ouvrir mon ame avec franchise Je chéris mon Epoux, fans que j'en fois éprife; Mon orgueil eft fenfible à fes mépris choquans, Mais mon cœur eft tranquile, auffi bien

[ocr errors]

CONSTANCE.

que

mes fens.

Bon, j'entens; vous l'aimez par fimple bienféance,
Et comme à la rigueur. Dans cette circonftance
Voilà ce qui pouvoit vous arriver de mieux;
Votre fort en ce cas eft moins difgracieux.

Le grand point dans la vie, autant qu'on en est maître
Eft d'embellir l'état où le Ciel nous fait naître..
Le tout, pour vivre heureux, dépend de s'arranger.
Il n'en eft point par là, qu'on ne puiffe changer,
Vous pouvez après tout, rendre le votre aimable;
Vous n'avez qu'à faifir le côté favorable.
Milédy, pour trancher les difcours fuperflus,

Regardez votre Epoux comme s'il n'étoit plus,
Et vivez fur le pié d'une Veuve à la mode,
Qu'aucun foin ne retient, qu'aucun frein n'inccom-
mode;

Qui toujours, du plaifir fuit les impreffions,
Mais qui défend fon coeur des grandes paffions,
Et court, d'un pié leger, après les ris fans ceffe,
Sans s'écarter jamais des loix de la fageffe.

EMILIE.

Je goûte ce confeil ; je peux fuivre ce plan
D'autant mieux que Belfort n'eft jaloux, ni tiran.
Je payrai fon mépris & fon peu de tendreffe,
D'un dédain decoré de froide politeffe,
Telle que je l'aurois pour un homme inconnu.

CONSTANCE.

L'indifférence alors devient une vertu.

EMILIE.

Oui, je fens tout le prix d'une leçon fi sage:
Pour commencer d'abord à la mettre en usage
Le voilà qui revient & je l'entens monter,
Je veux le prévenir & fors pour l'éviter.

De me fuir le premier, il il n'aura

pas

la gloire1

La retraite pour moi devient une victoire.

SCENE VI.

BELFORT, CONSTANCE.

BELFORT (apart )

LA voilà., par bonheur, feule présentement.

Parlons-lui. (haut.) Ma Coufine, arrêtez un moment, 'ai pour vous une Lettre.

[ocr errors]

CONSTANCE.

Et de qui je vous prie?

BELFORT.

Ne vous alarmez pas. La Mere d'Emilie

CONSTANCE.

Yous l'écrit.

Milord me permet-il...?

BELFORT.

C'eft ma Tante? Ah! donnez ce billet.

[blocks in formation]

Comment donc ? en lifant la lettre d'une Tante

Vous riez, rougiffez? La chose est donc plaifante ?
CONSTANCE.

Vous allez en juger. On vient de me marquer
Que je dois fur le champ vous la communiquer.

Elle donne la Lettre à Melfort.

BELFORT lit.

» Il s'offre pour vous, ma Nićce, un parti que je » crois très-convenable. Milord Faufter qui vous

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

33

כל

a vů chez moi, a pris pour vous une belle paffion,

que

& vous demande en mariage. Il eft riche; il vous aime. Voilà deux grandes qualités pour vous ren» dre heureuse, vous qui n'avez la beauté pour "dot & la jeuneffe pour héritage. Milord, mon Gen"dre connoît particulierement ce vieux Seigneur. Montrez-lui ma lettre & confultez-le làdeffus. Je

כל

כל

[ocr errors]

fçais qu'il s'intéreffe à vous, & je crois qu'il fera » de mon avis.

Je n'en fuis point du tout.

CONSTANCE.

(à part.)

[blocks in formation]

Faufter a foixante ans ; de plus, il est gouteux,
Et ce feroit un meurtre: O ma belle Coufine!

CONSTANCE.

Songez, mon cher Parent, que je fuis orpheline,
Et fans biens...

BELFORT.

Vos yeux feuls valent des millions.
CONSTANCE.

Ce n'eft qu'un doux propos, & des réflexions

Plus fages...

BELFORT.

Sentez mieux tout le prix d'être aimable moi qui parle, un parti plus

J'ai pour vous, fortable,

Et préférable en tout à votre vieux Fauster.
Celui done il s'agit, a beaucoup de mon air :
Il est de mon humeur, au printems de fon âge
Il doit fur fon Rival avoir tout l'avantage ;
Il eft plus genéreux & non moins opulent,
D'auffi bonne maison & beaucoup plus galant.
CONSTANCE.

t

Mais Milord Fauster m'aime,

BELFORT.

Et l'autre vous adore.

Je vous apprens pour lui ce fecret qu'on ignore,

Attendant

que pour

tel il s'ofe préfenter,

Il m'a chargé de le représenter.

De cet emploi charmant, je m'acquitte avec joye,
Souffrez qu'à vos regards mon tranfport fe deploye,
Et perfuadez-vous dans cet heureux moment
Que je fuis en effet moi-même votre Amant,

« PrécédentContinuer »