Sur la foi fimplement d'un contrat qui vous lie,
Dont je fuis le témoin. C'eft une minutie.
BEL FOR T.

Et fi je vous prouvois, moi, que je fuis garçon?
CONSTAN € B.

Je n'ai plus rien à dire & le tr.it eft fort bon.
BELFORT.

L'aveu que je vous fais eft des plus véritables.
Que je fois le dernier de tous les miférables,
Si je fuis marié dans le fonds.

CONSTANCE.

BELFORT.

Vains propos.

Pour vous désabuser, apprenez-en deux mots.

CONSTAN € E.

Je ne veux rien apprendre & rougiffez dans l'ame.

Scachez

BELFORT.

CONSTANCE.

Allez, Monfieur, allez voir votre femme Vous jetter à fes piés, lui demander pardon, Et pour elle écoutant l'eftime & la raison, Tirez-la du chagrin dont elle eft dévorée. Car vous le caufez feul, j'en fuis affez affurée Ce reproche doit vous percer d'un vif remord. Un écart de l'efprit peut s'excufer, Milord, Mais les fautes du coeur jamais ne fe pardonnent,

Et

Et plus que vos difcours, vos procedés m'étonnent.
Ce n'eft qu'avec douleur que j'en fuis le témoin,
Et vous fuir deformais fera mon premier soin.

SCENE

Elle fort.

VII.

Vo

BELFORT seul.

Ous êtes dans l'erreur ; mais elle a pris la fuite. N'importe, de mes feux elle est toujours inftruite. J'ai franchi le plus fort de la difficulté, Et ma raison vainquera fon incrédulité.

34

J'appréhende

Qu'il n'ait perdu, Monfieur, l'efprit entiérement. J'ai beau faire, le mal empire à tout moment.

Dis, quel mal?

BELFORT.

LA

FLEUR.

Ses Vapeurs qui toujours le tourmentent : Et depuis qu'il a vû Madame, elles augmentent. Il eft dans un état qui fait compaffion.

BELFORT à part.

Elle aura mal reçû fa déclaration.

LA FLE U R.

Il fe leve, il s'affied, il fe calme, il s'agite,
Il fe plaint, il fe tait, il prie, il jure ensuite,
Se promene à grands pas, il devient furieux,
Et puis on voit des pleurs qui coulent de fes yeux.
J'ai voulu doucement lui parler de fon pere,
Il m'a par un foufflet fupplié de me taire,
J'ai cru devoir me rendre à cette inftance-là.

BELFORT.

Ses vapeurs ne font rien, fi ce n'eft

que

cela.

LA FLEUR

Oh! ma joue a trouvé cette épreuve très-forte.

Comme il voit cependant que je gagne la porte,
Très-fagement de peur d'être encore battu,
D'une voix égarée, il me crie; » Où vas-tu?

>>

» J'ai besoin de toy... Non... Sors... un moment >> demeure.

» Va dire de ma part à Milord tout-à-l'heure » Qu'il faut que je lui parle indispensablement, » Et qu'il monte au plus vîte à mon appartement.

Auparavant permettez que mon zéle

Vous prévienne, Monfieur, fur fa vapeur nouvelle.
Il tient depuis tantôt fur Madame, & fur vous
Des difcours fi nouveaux, fait des contes fi foux
Que je n'ofe les dire & qu'ils vont vous surprendre
BELFORT.

Quels que foient ces difcours, tu peux me les apprendre,
LA FLEUR.

Il dit, Monfieur, il dit qu'il eft fecrettement
L'Epoux de votre Femme.

BELFORT

Il le dit ?

LA FLEUR.

Qui vraiment.

BELFORT éclatant de rire.

Ah! rien n'eft fi plaifant qu'une pareille idée!

LA FLEUR.

Il foûtient qu'à fes feux vos bontés l'ont cedée.

BELFORT riant toujours.

Ah! comme de fon bien il peut en difpofer.
J'aurois tort là-deffus de lui rien refufer.

LA FLE U R.

Vous riez de fon mal, quand vous devez le plaindre ! BELFORT.

Va, ce mal dans le fonds n'est pas beaucoup à craindre.
LA FLEUR.

Il fait, à chaque inftant, de violens progrès,
Et j'apprehende tout de fon dernier accès.
Sçachez qu'il eft jaloux, mais jaloux à la rage.

BEL FOR T.

De qui ?

LA FLEUR.

De vous.

BELFORT.

D'Orville à ce coup n'eft pas fage.

LA FLEUR.

Votre Epoufe vous aime, il le trouve mauvais.
Vous l'obligeriez fort de ne la voir jamais.

BELFORT.

La chofe eft trop boufonne, & permets-moi d'en rire. LA FLEUR.

Mais vous riez toujours, quoi qu'on puiffe vous dire.