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S'il fe dit mon Ami, c'est bien à juste titre.
Apprends que de mes jours il étoit feul l'arbitre.
Ses foins, pour les fauver, ont tout sacrifié.
Si je refpire encor, c'est grace à l'amitié.
LA FLEUR.

Déja, par ce début, mon ame eft attendrie.
LE MARQUIS.

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Dans le temps que Belfort recherchoit Emilie,
Je la vis, mais à peine un regard me frappa,
Qu'elle embrafa mon cœur, & qu'il l'idolatra.
Mọn ardeur, en naiffant, condamnée au filence
S'accrue par la contrainte; & cette violence
Me conduifit bien-tôt aux portes du trépas.
Mon Ami défolé me ferrant dans fes bras
Me conjure inftamment de parler & de vivre
Me dit que fi je meurs, il eft prêt de me fuivre.
Ses yeux plus éclairez que ceux du Medecin
Pénétrent que mon mal vient d'un feu clandeftin,
Et fa vive amitié tourne fi bien mon ame,
Qu'il arrache l'aveu de ma fecrette flâme.
>> Vivez ( s'écria-t'il) vivez, mon cher Marquis ;
» Je vous céde l'objet dont vous êtes épris.

L'amitié fans effort vous fait ce facrifice. » Emilie est aimable, & je lui rends justice : » Mais j'admire fes traits fans en être touché. Du Tombeau, par ces mots, je me vis arraché.

I A FLEUR.

Voilà ce qu'on appelle un Ami véritable.
LE MARQUIS.

Un obftacle cruel, & prefque infurmontable,
Arrête cependant fon deffein généreux.
Prêts à l'exécuter, nous fentons tous les deux
Qu'aux mains d'un Etranger, la mere d'Emilie
Ne livrera jamais une fille cherie,

L'objet de tous les foins, & fon unique espoir;
Elle qui met fa joye au plaifir de la voir.
Que fait Belfort? le jour que l'hymen se prépare;
Son efprit imagine un moyen fou, bizarre ;
Mais le feul qui pouvoit caufer ma guérison.
Il gagne le Notaire, & fous mon propre nom
Fait dreffer le Contrat, & par ce ftratagême,
Feignant d'être Témoin, je figne pour moi-même
I A ELEUR.

Voilà qui va fort bien. Le trait eft fans égal.
Mais il n'a pas fuffi pour guérir votre mal.
Le foir......

LE MARQUIS.

Tout fucceda parfaitement. La fuite....
LA FLEUR.

Je crois la deviner ; & je vous félicite.
Ah, le joli Romain! pour le rendre parfait
N'eft-il pas vrai? Milord, en confident discret,

Se retire fans bruit, trompant le Domestique,
Après s'être faifi de la lumiere unique

Qu'il avoit fait laiffer dans fon appartement,
Crac, vous prenez, Monfieur fa place doucement;
Et fous le voile heureux de la nuit favorable,
Vous devenez l'Epoux de cette Dame aimable ?
Hem? n'eft-ce pas ainfi que le tout s'arrangea?
LE MARQUIȘ.

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Oui, comme tu le dis, la chofe fe paffa,

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LA FLEUR.

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Faut-il te l'attefter par le plus fort ferment?

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Madame eft du fecret, Monfieur, apparemment ?
LE MARQUIS.

Ma Femme n'en fçait rien; je n'ose l'en inftruire.
L A FLEUR à part.
Je pense pour le coup qu'il eft dans le délire.
LE MARQUI S..

Que la foudre à tes yeux m'écrase, si je mens!
LA FLEUR à part.

Oh! voilà les vapeurs qui troublent fon bon fens.

Par les difcours qu'il tient, la chose est averée;
Et je n'en doute plus, à fa vue égarée.

LE MARQUI Ș.

Tu vois qu'en ce Pays tout m'oblige à refter.
LA FLEU R.

Tout vous fait un devoir, Monfieur, de le quitter.
LE MARQUIS.

Plutôt que j'abandonne une Epoufe que j'aime,
Il n'est point de parti, ni de moyen extrême,
Que mon cœur ne foit prêt d'embraffer dans ce jour.
Tu dois dans ce deffein seconder mon amour.
LA FLEUR.

Sortons d'un lieu fatal; & courons en Provence,
Ou vers le Languedoc volons en diligence,
Pour chaffer l'humeur noire où vos fens font plongez.
LE MARQUIS.

Tai-toi, tes feuls propos la font naître,

LA FLEU R.

LE MARQUIS.

Songez....

Songe, fonge toi-même à respecter ma flâme.
LA FLEUR à part.

Gardons de l'obstiner, j'irriterois fon ame,
Et ne ferois qu'aigrir fon mal encor plus fort.

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Il faut, fans perdre tems, que je parle à Belfort

Que je régle avec lui.... Je le vois qui s'avance.

Laiffe-nous; & fur-tout, garde bien le filence.
LA FLEUR à part, en s'en allanı.
C'eft, de fa maladie, un effet trop certain.
Quel affaut pour fon Pere! Il mourra de chagrin.

SCENE

I I.

BELFORT, LE MARQUIS,

BELFORT.

EH bien, quelle nouvelle as-tu reçû de France ?

Ton Pere...

LE MARQUIS.

M'affaffine il veut qu'en diligence

Je parte, pour aller épouser un Parti,

Que, fans me confulter, fa rigueur m'a choifi.
Juge de l'embarras, où cet ordre me livre.

Comment parer ce coup? Quel chemin dois-je fuivre ?
BELFOR T.

Mais prens, fi tu m'en crois, dans cette extrêmité,
Celui qui t'eft prefcrit par la neceffité

Retourne en ton Païs, & laiffe-moi ta Femme.
Son état ne doit pas inquiéter ton ame,

Compte que j'en aurai le même foin que toi.
J'ai le titre d'Epoux, j'en remplirai l'emploi.
LE MARQUIS.

Epargne ton Ami; laiffe le badinage.

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