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Et fe former un goût qui ne foit
goût qui ne foit pas commun,
Une Maîtreffe dans chacun.

LUCINDE.

Mais la méthode eft admirable! Et le voile eft charmant pour fa légéreté. LEANDRE.

C'est un devoir indifpenfable,

Dont le monde lui fait une néceffité.

Il faut, pour le former, plus d'un Talent aimable, Comme pour compofer un Bouquet agréable,

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Il faut plufieurs fortes de fleurs.

On y doit marier, par un adroit mélange,

Qui faffe fortir les couleurs,

L'Oeillet & la Grenade, avec la fleur d'Orange, Vous raffemblez toutes les trois,

Les differentes fleurs, dont mon coeur a fait choix.
MELANIE.

Mes Soeurs & moi, nous fommes la Grenade
La fleur d'Orange, avec l'Oeillet
Dont Monfieur forme fon Bouquet
Pour réveiller fon goût malade.

C'est beaucoup d'honneur qu'il nous fait!
ISABELLE.

Apprenez qu'en voulant effleurer chaque chofe,
Vous prenez un mauvais parti.

Il vaut mieux ignorer, qu'être inftruit à demi,

LEANDRE.

A votre fentiment fouffrez que je m'oppose.
Trop de favoir fait un pédant,

Et l'extrême ignorance un fot impertinent,
De qui l'entretien nous affomme.

Un peu

de tout est justement

La devife de l'honnête-homme.

LUCINDE.

On n'a qu'à l'écouter; il n'aura jamais tort.
ISABELLE.

Pour moi, je ne fai plus que dire.
MELANIE.

Je voudrois contre lui me fâcher & très fort.
Mais inutilement, il eft fait pour féduire.

SCENE DERNIERE.

LEANDRE, MELANIE, LUCINDE;

ISABELLE, GERONTE.

GERONTE.

JE viens dans ce moment, je viens hâter les

noeuds,

Qui vont nous rendre tous heureux.

Mon cher Léandre, en époufant ma fille,

Vous ferez le bonheur de toute ma famille.

LEANDRE,

L'honneur que je reçois flate mes plus doux voeux, Et me voir votre Gendre eft un bien où j'aspire Mais l'embarras du choix, puifqu'il faut vous le dire,

Tient mes efprits, Monfieur, dans la perplexité. Pardonnez à l'aveu plein de fincérité,

Que je fuis forcé de vous faire,

Tout m'en fait dans ce jour une loi nécessaire,
Je l'avoue à ma honte, aux traits de la beauté
J'ai toujours eu le coeur inacceffible.

C'est pour les Talens feuls que je fuis né sensible.
Je leur rends, tour à-tour,un hommage affidu.
La Danfe, la Mufique, avec la Poësie,
Regnent également fur mon ame afservie,
Et tiennent mon goût fufpendu.

Chacune de ces Demoifelles

Pofféde un de ces dons dans un degré divin.
Voilà ce que j'admire en elles,

Et voilà ce qui rend mon esprit incertain.

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Il n'eft pas queftion de leur préeminence.
Il s'agit aujourd'hui de celle des Talens.
Ils fe trouvent en concurrence.

Je ne difpute ici que pour l'honneur du mien.

LUCINDE.

Je ne dois pas céder en rien.
La gloire de mon art s'y trouve intereffée.
MELANIE.

Attendez, il me vient une bonne pensée.
De finir la difpute, elle m'offre un moyen
Qui paroît le plus fimple, & même le plus fage.
Pour juger quel Talent doit avoir l'avantage,
Et couronner l'une de nous,

Il faut qu'en lice ils entrent tous.
Si vous voulez l'approuver l'une & l'autre.
Chacune nous pouvons faire briller le nôtre
Tout-à-l'heure dans un Balet

Dont j'ai conçu le plan, & qui vient au fujet.
Ce font les trois Mufes Rivales,
Differentes de goût, mais en mérite égales,
Celles dont mon art a fait choix

Sopt Melpomene, Erato, Terpficore,
Qui fe difputent à la fois,

L'honneur de foumettre à leurs loix

Un génie agréable & plus léger encore.

(à Ifabelle.)

Vous ferez Melpomene, & Lucinde Erato s
Moi, je ferai la Mufe de la Danse;
Léandre, le génie enclin à l'inconftance
Qui volera tout autour du trio.

Celle de nous dont l'art & la puissance, Près d'elle fixeront ce Silphe favori, Obtiendra la victoire, & l'aura pour mari, GERONTE.

Je trouve cette idée heureufe,
Et je donne mon agrément
D'avance à la victorieufe.

LUCINDE.

Sans balancer un feul moment

J'accepte le parti, fûre que la victoire

Va, bientôt, par mes foins, pencher en ma faveur.

ISABELLE.

J'y confens auffi de bon cœur,
Et j'efpére y trouver ma gloire.
LEANDRE.

Moi, je fuis fûr d'y trouver mon bonheur.

?

La Piéce dénoue par une Pantomime, où l'on voit d'abord Melpomene endormie. Plufieurs Songes volent au tour d'elle, & veulent empêcher le Génie qui paroît d'approcher du Trône où elle repofe, Melpomene fe

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