MELANIE. Moi? Je ferois la feule; Et tout Paris de moi riroit certainement, Mais tout Paris auroit grand tort vraiment: Vous me permettrez de vous dire Qu'à peine favoit-on jadis former fes pas. A porté ce talent à fon point le plus haut. GERONTE. C'est celui de l'extravagance. Cette perfection devient même un défaut. D'entrechat & de bond, de gambade & de faut. O fiécle! O temps! Omoeurs! Quelle indé cence! MELANIE. C'eft où de ce grand art confifte l'excellence. GERONTE. Gardez-vous bien d'en imiter le fin, Mon pere, quel ordre inhumain! Aux nouveaux pas, je déclare la guerre. Le beau fexe eft formé pour danser terre à terre. MELANIE.. A fauter à vingt ans on a le coeur enclin. On peut élégamment & décemment fauter. D'ailleurs, Monfieur, à ne point vous flatter, On n'aime plus la Danfe unie. La Danfe haute eft la Danfe du jour. Elle gagne à la Ville, elle prend à la Cour. Elle gagne, elle prend, Danfe du jour; j'enrage. De tant de changemens je demeure furpris. Et je ferai bientôt étranger dans Paris. ISABELLE. A mon tour, je fuis étonnée. Mon pere, vous aimez l'efprit ; Votre ame cependant femble être consternée, Quand notre Langue s'enrichit. GERONTE. Cette richeffe l'appauvrit. Le jargon ufurpe fa place. Je vois, pour comble de difgrace, Je vois mon fang, que l'exemple féduit, Suivre du mauvais goût la dangéreuse trace. il ne fera pas dit, Non, non, il ne Que chacune de vous, dans le bel Art qu'elle aime, Se laiffant entraîner aux torrens des abus, nomme, J'eftime & chéris les talens ; Et quoique je fois Gentilhomme, J'aime à les voir briller dans mes enfans. Mais dans leur pureté je veux qu'ils les confervent, Tels qu'ils étoient du temps de nos ayeux. Les Talens mal conduits nuifent plus qu'ils ne fervent. C'eft pourquoi j'ai tourné les yeux Vers trois époux, dignes fur tous les autres, Au fort de la contagion, Qui s'étend malgré la critique. Mon pere, de fes droits mon efprit est jaloux, LUCINDE. Oh! Des frais d'un mari, pour moi,difpenfez-vous. L'hymen gâte la voix, & tout maître me bleffe. Mes filles, les talens ont des charmes plus doux, Ces Meffieurs, la plûpart, ont tant de maladresse! Quand vous les connoîtrez vous changerez de ton. J'ai pris foin à vos goûts d'affortir leur perfonne. Qui femble fait exprès pour modérer l'effor Et par cette raifon je vous l'ai destiné. Son goût vous guérira,quand vous ferez sa femme, Profcrira le jargon maudit, Et vous montrera l'art d'écrire fans esprit. ISABELLE. Pour apprendre cet art il ne faut point de maître, |