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Il paroîtroit si c'étoit lui.

Je fuis feule en ces lieux, & voilà qui m'étonné! Qui que tu puiffes être, homme, esprit, ou démon, Je fens qu'en ce moment tu me fers d'Apollon. Oui, tu m'inspires, tu m'animes.

Ecrivons, écrivons, je tiens déjà trois rimes.
(elle écrit & récite tout haut.)

Fixez vos yeux fur ce palais charmant,
Et regardez, Daphnis, cette étincelle,
Vous l'allez voir dans un moment ....
T répandre l'éclat d'un vafte embrafement.
LEANDRE derrière le fauteuil d'Ifabelle.
Ainfi le regard d'une belle

Met tout en feu dans le coeur d'un amant;
Des jeux d'Amour c'est l'image fidéle.
ISABELLE.

Dieu! quel fucroît d'étonnement!
Mais, que vois-je ? C'est vous, Léandre?
LEANDRE.

Pardon, j'ai voulu vous furprendre.
ISABELLE.

Le tour est trop galant pour ne pas l'excufer.
Vous étes donc l'Apollon qui m'infpire',
Et qui vient me favorifer

LEANDRE.

Vous étes, vous, la Mufe qui m'attire ; D'exciter mes tranfports, vous avez la vertu. Signalons tous les deux le feu qui nous anime, Et prenons un chemin qui ne foit point battu. ISABELLE.

Converfons en vers impromptu ;

Et dans cet entretien n'employons qu'une rime.
LEANDRE.

Soit. Il me fera doux d'être par vous vaincu,
Quelle rime choisir?

ISABELLE.

Faites ce choix vous-même.

LEANDRE.

Mais fans chercher plus loin, prenons la rime en

ême.

ISABELLE.

Elle eft pour les rimeurs d'une reffource extrême.

LEANDRE.

D'elle j'attens mon bien fuprême.

ISABELLE.

Pour furprendre mon cœur, elle est un ftratagême.

LEANDRE.

La chanter de concert eft le plus doux fiftême.

ISABELLE.

Je fens qu'elle m'arrête, & devient un emblême,
LEANDRE.

Par elle, vous pouvez résoudre le problême.

ISABELLE.

Le ferpent eft caché fous les fleurs qu'Amour feme.

Jefuis...

LEANDRE.

Je vous fuivrai, fuffiez-vous en Boheme.

J'arracherai l'aven...

ISABELLE.

Grace, au nom de Barême.

LEANDRE.

'Non, je cours après vous à pas de Poliphême.

Rimez.

ISABELLE.

Pour vous répondre, il faut que je blafphême.
LEANDRE.

Uu mot de mes tourmens peut être l'aposême.

Prononcez.

ISABELLE.

Je ne puis, je rougis, deviens blême,

Comme un jeune écolier qui n'a pas fait fon thême.

LEANDRE.

LEANDRE.

He quoi ? me ferez-vous languir jusqu'au Carême ?

ISABELLE.

Dieux! pour me fecourir, je ne vois que Telême.
LEANDRE.

Pour vous reduire à fec, je faifis Harpagême.
ISABELLE.

Ah! la rime me force à dire, je vous aime.
LEANDRE.

O rime defirée, & qui fait mon bonheur !

ISABELLE.

Moderez ce transport flateur.

Dans un tel badinage où votre art me furmonte,
Ce n'eft que de l'efprit que vous étes vainqueur.
LEANDRE.

Non, je compte fur votre cœur.
ISABELLE.

A le donner je ne fuis pas fi prompte:.
Mais, j'entens mon pere qui monte.

Le cruel contretems! j'en ai le coeur faifi.
O Ciel ! que va-t-il dire en vous voyant ici.

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Mais ne pouvez-vous pas me foustraire à sa vûe; Et me cacher dans quelque coin ?

C

ISABELLE.

Non, je voudrois en vain prendre ce foin. Il entre. Le voilà. Je demeure éperdue.

SCENE

X I.

LEANDRE, ISABELLE, GERONTE,

GERONTE s'emportant feal.

OH! je le foutiens hautement.

Ce Choeur eft volé de Roland. Je fuis fûr de gagner la gageure à bon compte. LEANDRE à part.

O Ciel! que vois-je ? c'est Géronte. Oui, je le reconnois. Oh, bonheur fans égal!

GERONTE.

De m'y connoître je me pique.
LEANDRE à part.

Nous fommes grands amis, & j'ai parlé musique
Trente fois avec lui dans le Palais Royal.

GERONT E.

Un jeune homme eft chez moi feul avec Ifabelle: A qui parlez-vous-là, dites, Mademoiselle?

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