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ACTE I I.

SCENE PREMIERE.

LEANDRE, L'EPINE.

L'EPINE.

Vous voilà bien content!

LEANDRE.

J'ai lieu de le paroître.

Mes affaires font en bon train

Près d'Ifabelle...

Le

L'EPINE.

Hé bien!

LEANDRE.

Par mon efprit badin;

Je fuis auffi-bien qu'on peut l'être Et, par un coup du plus heureux deftin, pere des trois foeurs eft de ma connoiffance. Au fpectacle je l'ai plufieurs fois rencontré. Comme il eft du vieux goût un partisan outré, J'ai flatté fa manie, &, par ma complaisance, Depuis long-temps je me suis attiré

Son eftime & fa confiance.

Pour mieux gagner fa bienveillance,
Je viens, dans un pari boufon,

Je viens, tout haut, de prendre fa défense. J'ai fait, en plein Café, voir qu'il avoit raison. Je dois tout espérer de fa reconnoiffance, Et je me vois, par là, l'ami de la maison. L'EPINE.

Monfieur, pour vos deffeins l'heureufe circonf

tance!

LEANDRE.

Ce n'eft pas tout. Apprens un bonheur inoui.
J'ai rendu raisonnable un fat, un petit maître,
Mais des plus pétulens que Bayonne ait vû naître.
L'EPINE.

Vous avez fait, Monfieur, un chef - d'oeuvre aujourd'hui !

LEANDRE.

Géronte, c'est le nom du pere des trois belles,
Dont les divers talens m'ont attiré chez lui.
Géronte fur les bras avoit cet ennemi.

J'ai terminé leurs burlesques querelles.
Son adverfaire a payé le pari.

La douceur que j'ai fait paroître

A fubjugué cet étourdi ;

Et j'ai tant fait, que du partil
Qu'il défendoit, fans le connoître,
Il eft paffé dans le camp de Lully.
L'EPINE,

Cet avantage eft remarquable.
LEANDRE.

Ce qui va te paroître encor plus incroyable,
Lui-même à tous les deux il nous donne à dîner.

L'EPINE.

De la part d'un Gafcon cela doit étonner!

LEANDRE.

Notre homme impatient de couronner la fête,
Eft allé commander le dîner qui s'apprête.
Géronte a faifi ce temps-là

Pour reporter chez lui fes livres d'Opera,
Et pour écrire une lettre preffante,

D'où dépend le fuccès d'une affaire importante.
Comme je l'ai fuivi, j'attens dans cet instant
Qu'il ait fait, pour nous rendre où Monffu nous

attend.

L'EPINE.

Je ne puis m'empêcher de faire Une réfléxion fur votre état préfent.

Vous arborez tout haut l'étendard du vieux

Chant,

Que Géronte idolâtre tant:

Mais, par malheur, Lucinde eft du parti contraire.
Le pas me paroît très-glissant;

En faisant votre cour au pere,
A la fille, Monfieur, vous rifquez de déplaire.
LEANDRE.

Apprens, l'Epine, à me connoître bien.
Je prens de tout le bon & l'agréable,
Et je n'épouse aucun parti fur rien.
Chaque chofe ici bas a fa face estimable,
Je la faifis toujours, pour en dire du bien.
Par ce tempéramment, & par cet art aimable,
Je fais à l'indulgence allier l'équité.

Sans être adulateur, je sai me rendre aimable. J'approuve tout, & dis la vérité.

L'EPINE.

Mais, Monfieur, il n'eft pas poffible Que vous ne panchiez pas d'un ou d'autre côté LEANDRE.

Non, je fuis avec foin la partialité.

A nos amusemens elle est toujours nuisible.
Chaque Mufique a fa beauté.

A leurs accords divers mon oreille eft fenfible.
Je trouve mon bonheur dans cette égalité;
Et mon plaifir par elle eft augmenté.

Du tendre Atys, de l'aimable Thefée;
J'adore la fimplicité.

Oui par leur mélodie, auffi tendre qu'aifée,
Le sentiment est imité.

Jufques au fond de mon ame attendrie
Son doux pouvoir se fait sentir.

Mon cœur eft le premier toujours à l'applaudir;
La nature eft par tout fi bien peinte & saisie,
Qu'il en foupire de plaifir,

Et fe méprend à la copie.

Mais de ces Opera quelques foient les attraits, Leurs graces douces & touchantes

Ne ferment point mes yeux fur les beautés frappantes,

Sur les coups pleins d'audace, & les fublimes

traits

Dont brillent Hippolite & les Indes galantes. Quelle harmonie ! O Ciel! Quels accompagne

mens!

Quels tourbillons! Quels éclairs furprenans !

Des nouveautés fi tranfcendantes

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