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Font murmurer l'ignorant fpectateur,

Et tiennent en fufpens les oreilles favantes
Qu'étonnent tant de force & tant de profondeur.
Pour moi, j'admire & bénis le génie,
Dont les hardis travaux & la mâle vigueur.
Enrichiffent Paris des trésors d'Italie.

L'EPINE.

L'Auteur eft fort heureux de n'être

LEANDRE.

pas tombé.

Il a tout réuni dans fes Fêtes d'Hebé;

Et le Savant s'y marie à l'aimable. Il étoit fort, hardi, profond, harmonieux. Dans ce dernier Balet il devient agréable; Il est tendre, amufant, doux, leger, gracieux; Mais, que dis-je? Il eft plus, il eft voluptueux. Il remplit mes efprits d'une yvresse nouvelle, Et je me fens plonger dans des ravissemens... Il eft, quand je me les rappelle,

Certains momens, Dieux ! Quels momens !

Où fuis-je ? & qu'est-ce que j'entens ? Ah! C'est un Dieu qui chante. Ecoutons, il m'enflamme.

Jufqu'où vont les éclats de fon gozier flateur? De la voûte des Cieux ils percent la hauteur!

Sur l'aile de fes fons je fens voler mon ame;
Je crois des Immortels partager la grandeur !
La voix de ce divin Chanteur,

Eft tantôt un Zéphir qui vole dans la plaine,
Et tantôt un Volcan qui part, enléve, entraîne,
Et difpute de force avec l'art de l'Auteur.
L'EPINE.

Tout Paris avec vous.est son admirateur :
Mais on me vante en vain la Mufique nouvelle,
Je lui déclare une guerre mortelle.

Je fuis, jusqu'à la mort, ferviteur de Lully.
Il fuffit qu'il ait fait, pour avoir mon appui,
L'Air de Charmante Gabrielle.

Je ne vois rien de si joli.
LEANDRE.

Bon,la chanfon eft du temps d'Henri quatre,
L'EPINE.

En ce cas-là, tant pis pour lui;

Je fuis obligé d'en rabattre.

LEANDRE.

Tu n'es qu'un ignorant, tais-toi.

L'EPINE.

Beaucoup d'honnêtes gens s'y trompent comme

moi.

LEANDRE.

Mais Géronte est long-temps. Ses trois filles, j'en

tremble,

Peuvent ici fe rendre enfemble.

Un pareil contre temps me déconcerteroit.
Et mon deffein avorteroit.

Dans le Palais Royal, où je m'en vais déscendre.
Je fonge que je puis plus fûrement l'attendre.
Toi, pour l'en informer, ne quitte point ces lieux.
Il faut d'ailleurs que tu demeures,

Tandis que je ferai d'un répas ennuyeux,

Je dois voir Lucinde à trois heures.
L'Epine, parle lui, prens foin de t'éclaircir
Si le rendez-vous doit tenir.

Quand elle aura pris les mesures
Les plus fages & les plus fûres,
D'abord tu viendras m'avertir

De l'instant, où je puis feule l'entretenir.

L'EPINE.

Il fuffit. Mais voilà Géronte qui s'avance.

SCENE I I.

LEANDRE, GERONTE, L'EPINE.

GERONTE.

Eandre, pardonnez ; partons en diligence.
Mais non, auparavant, je veux vous présenter
A ma famille réunie.

LEANDRE.

Je craindrois de vous arrêter.

GERONTE.

Je veux que vous voyiez Lucinde & Mélanie.
Aux graces d'Isabelle, elles ne cédent pas.
L'EPINE à part.

Pour mon maître, quel embarras!
GERONTE.

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Je fuis forcé, quoique je fois leur pere, De convenir qu'elles ont des appas, Et des talens fur-tout, dont je fais plus de cas.

LEANDRE.

Votre fang eft formé pour plaire.

Mais, Monfieur, pour les voir, je prendrai mieux

mon temps.

GERONTE.

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Non, elles ont dîné; & quand même, Monsieur... LEANDRE.

C'est un manque d'égard que je ne puis com

mettre.

GERONTE.

Mais, étant avec moi, pourquoi cette fraïeur?

LEANDRE.

C'est un bien que je dois remettre,
Je n'en pourrois jouir qu'un feul instant.
Il fe fait tard, notre Gascon attend.

GERONTE à part.

Ce jeune homme a pour moi des façons qui m'entraînent!

Voilà ce qui s'appelle un véritable ami!

Ce ne font point mes filles qui l'améñent,
C'est pour moi feul qu'il vient ici.

Je serois trop heureux d'avoir un pareil gendre,

D

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