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MELANIE.

Je ne meurs pas de fon abfence.

Il eft vrai qu'avec lui, plus volontiers, je danfe;
Mais il n'a point fixé ni mon coeur, ni mes pas.
'Ainfi tout bien péfe, tout mis dans la balance,
Je le goute, ma Soeur, mais je ne l'aime pas.
ISABELLE.

Je n'aime pas non plus, quoiqu'on veuille me

plaire ; J'eftime, je fais cas.

LUCIND E.

Et moi, je confidére.

Le mot d'aimer dit plus que nous ne reffentons.

MELANIE.

Oui, chacune a trouvé fon terme convenable. ISABELLE.

Oh! les mots font vraiment d'un fecours admira

ble!

Par leur moyen, aux chofes, nous prêtons
Les couleurs que nous fouhaitons.

( à Mélanie.)

Mais fur un point, daignez m'inftruire, Celui que vous goutez, a t-il pris par hazard La liberté de vous écrire? {

MELANIE.

Oui, j'ai reçu tantôt un billet de fa part.
Ce que vous estimez, en a-t-il fait de même ?

Oui, ce matin,

ISABELLE.

MELANIE.

Du ton que vous le defirez? ISABELLE.

Le billet étoit court & tel que je les aime.

MELANIE à Lucinde.

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Vous a-t-il honoré d'un femblable message

LUCIND E.

Oui.

MELANIE.

Vous étes contente?

LUCINDE.

On ne peut davantage.

Et je compte le voir dans cet après midi.

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MELANIE.

Bien loin de l'envier, je plains votre destin,
Et vous perdez beaucoup à m'avoir dévancée.
La preuve en eft claire, ma foeur;

D'un bien qu'on a goûté la volupté paffée
D'un bonheur qu'on attend, ne vaut pas la dou-

ceur.

ISABELLE.

Il m'en refte toujours un fouvenir flateur.
D'ailleurs fi j'ai perdu ce bonheur qui s'envole,
En le renouvellant, j'en puis encor jouir;
Et le plaifir paffé, c'eft ce qui me console,
Ne détruit pas le plaifir à venir.
MELANIE.

Il lui fait bien fouvent le tort de l'affoiblir.
Mais donnons nous ici parole,

Quoiqu'il puiffe arriver de ne pas nous trahir.
Faifons toutes les trois une commune ligue,
Pour empêcher les noeuds où l'on veut nous for-

cer,

Et pour conduire à bien notre innocente intrigue. Si chacune de nous ne peut fe difpenfer

De fubir aujourd'hui le joug du mariage:

Pour nous rendre ce joug moins dur & moins fauvage;

Tâchons du moins d'y lier avec nous Ceux dont nous faifons cas, & qui flatent nos

goûts.

LUCINDE.

Moi, je vous le promets, & ma parole eft fûre.

ISABELLE.

Ma chere Mélanie, & moi, je vous le jure,
Oui, je mourrai plutôt que de céder.
MELANIE.

Moi, je fais le ferment fincére

A toutes deux de vous bien feconder.

ISABELLE.

J'ai cet après-midi des emplettes à faire. (à Mélanie.)

Voulez-vous m'accompagner?

MELANIE.

Qui.

Mais dépêchez-vous, je vous prie,

Il faut que je me trouve à cinq heures ici.
LUCINDE à Ifabelle.

Isabelle, je vous supplie,

Ne paffez pas quatre heures & démie; Car nous devons enfemble aller à l'Opéra.

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ISABELLE.

C'eft à condition que Lucinde viendra
Voir avec moi demain la Comédie.

LUCINDE.

Va,

ISABELLE.

Suivez-vous nos pas ?,

LUCINDE.

Non, je ne puis fortir.

Un foin des plus pressans mé tient ici liée
Et vous étes par moi très-humblement priée
De vouloir bien avant que de partir,
Changer deux vers de votre Cantatille.
ISABELLE.

Tous mes vers font fort bons.

LUCINDE.

Beaucoup d'efprit y brille;

Mais de vous, la Mufique exige ce plaifir.

ISABELLE.

Soit. Je fuis bonne.

MELANIE.

Oh, moi, je n'y puis consentir. ISABELLE.

C'est l'ouvrage d'une feconde;

Et

t

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