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LUCINDE.

Ils ne gâteront pas vos vers.
ISABELLE.

S

En bonne opinion on voit que chaque Art brille. Eft-ce un Air fimplement que vous me demandez?

LUCINDE.

Non, en forme de Cantatille

Faites un dialogue.

ISABELLE.

Entre qui ? Répondez.

LUCINDE.

Mais entre Daphnis & Silvie.
ISABELLE.

Quel fera le fujet d'un pareil entretien ?

LUCINDE.

Mais un dont j'ai la tête encor toute remplie ;
Et qui doit exercer votre Art comme le mien.
Ce font les jeux, dont la magnificence
Vient d'étonner & d'amufer la France,
ISABELLE.

Oui, le feu furprenant qui vient d'être tiré,
Eft digne d'être célébré.

J'approuve votre idée, elle fera remplie.

Je fens que cette image échauffe mon génie.

LUCIND E.

Que par le chant tous vos vers foient coupés, Et foient féconds en arietes.

ISABELLE.

Et que vos Airs moins efcarpés, Soient de nos fentimens les images parfaites; Qu'ils foient agréables, touchans.

SCENE I I.

ISABELLE, LUCINDE,

ET

MELANIE.

MELANIE.

Τ qu'ils foient fur-tout bien danfans.

Point de récitatif, il affomme, il ennuye.

Le plus beau ne vaut pas un fimple rigaudon.
Vive les Airs de violon!

Tout Paris, comme moi, les aime à la folie.

ISABELLE.

Comme la Danfe eft fes amours,

Elle voudroit que l'on danfât toujours.
MELANIE.

Oui, le Chant langoureux me fait mal à la tête.

Je voudrois qu'on ôtât les Scénes tout à fait.
Il fuffiroit d'un feul couplet,
Pour bien amener chaque Fête,
Et faire briller le Balet.

ISABELLE.

Ma petite foeur Mélanie,

Vous moquez vous? Sur ce pié-là
L'on feroit donc des Opéra,

Sans conduite, fans art, fans efprit, fans génie
MELANIE.

Ma grande foeur, quelle manie!
On les fait tels malgré cela.
LUCINDE.

Que deviendra donc l'Harmonie?
MELANIE.

Je vous permets à la rigueur
Trois Ariétes, un grand Choeur;
Avec deux Airs de fimphonie

LUCIND E.

Ah! grand-merci de la faveur.

MELANIE,

Vous mettrez tout le refte en Daníes expreffives,

En pas nouveaux & des plus fins

En mufettes tendres, naïves,

En fourdines, en tambourins,

En contredanses des plus vives,
Et le fuccès fera des plus certains.
ISABELLE.

Pour régle sûre, & pour parfait modéle, Chacun toujours donne fon goût. Qui veut bien réuffir, y met un peu de tout. LUCINDE.

C'est ce que je ferai. J'ai là dans ma cervelle, Le plan d'un Balet fort joli.

Il fera dans un goût de Musique nouvelle.

SCENE III

ISABELLE, LUCINDE, GERONTE.

MELANIE.

GERONTE.

Moi, je préter

Oi, je prétens qu'il foit dans le goût deLully,
Entendez-vous, Mademoiselle ?

LUCINDE.

Mon pere, j'ai pour vous un refpe&t infini;
Mais le vieux goût me désespére;

Et tout l'effort que je puis faire,

Eft de donner pour vous un morceau dans l'uni.

GERONTE.

Qu'est-ce à dire, un morceau? Je veux être obéi. J'entens que vous fuiviez le ton de la nature. La Mufique du temps me met à la torture, Jufqu'à me rendre convulfif.

Je vous défens un chant dont la raison murmure, Qui ne dit rien au coeur, ou qui le défigure.

Je veux du bon, du vieux récitatif,

Qui, par fa mélodie égale, mais touchante, Lentement m'attendriffe, & par degré m'enchante. LUCINDE.

: C'eft une pfalmodie, un vrai foporatif !

MELANIE.

Lorsque j'entens chanter fur un ton fi plaintif,
Pour moi, je crois danfer une courante.
GERONTE.

Ofez vous bien tenir, petite impertinente,
Un difcours fi peu circonspect?

Parlez, avec plus de respect,
D'une Danfe augufte & décente
Que votre grand mere dansoit,
D'une façon qui ravissoit.

Imitez-la plûtôt.

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