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SCENE VIII.

LEANDRE, LUCINDE.

LUCINDE.

JE vous attens, Monfieur, le papier à la main.

Secondez mon tranfport lirique.

Executons ensemble un morceau tout divin, J'entens parler de la Mufique.

Elle eft nouvelle, elle eft unique.

Vous en ferez charmé.

LEANDRE.

Vous en étes l'Auteur.

LUCINDE.

Jufte, vous venez de le dire,

LEANDRE.

Sans contredit, d'avance je l'admire.

LUCINDE.

Je ne dis rien des vers, car ils font de ma Soeur. Ils font entre nous deux d'une mifére extrême.

LEANDRE.

Tant mieux, vous favez qu'à préfent

On ne prend plus garde au Poëme,

Et pour qu'il n'ôte rien à la gloire du Chant,
Il n'eft pas mal qu'il foit méchant.
Mais concertons fans tarder davantage.
Je vais
gouter un bonheur des plus doux.
Ah! quel plaifir pour moi de chanter votre ou-

vrage,

Bon.

Et de le chanter avec vous !

LUCINDE.

Tenez, voilà votre Partie.

LEANDRE.

LUCINDE.

Le Feu de la Ville eft dépeint par mes fons. Vous, vous étes Daphnis, & moi, je fuis Silvie. L'un & l'autre enchantés des jeux que nous

voyons,

Nous admirons de compagnie.

LEANDRE.

Nous ne nous quittons pas, & mon ame eft ravie. Allons, m'y voilà, commençons.

(il chante.)

Eft-ce l'effet de la magie?

Où de l'art des Mortels eft-ce l'heureux pouvoir ?

Des clartés de la nuit la vûe eft éblouie,

Et des globes des Cieux je vois l'onde embéllie.
Un fpectacle plus beau jamais ne fe fit voir..

Dieux! qu'il eft doux pour moi ! j'y fuis près de Silvie
LUCINDE chante.

Fixez vos yeux fur ce Palais charmant Et regardez, Daphnis, cette étincelle ; Vous allez voir dans un moment, Trépandre l'éclat d'un vafte embrafement. LEANDRE chante.

Ainfi le regard d'une belle

Met tout en feu dans le cœur d'un Amant.
Des jeux d'Amour c'est l'image fidéle.
LUCINDE parle.

Souvent fon coeur brûlé tout le premier
Des feux que fon regard allume,
A le fort de l'Artificier,

Qu'embrafe & que confume,

Le falpêtre avec le bitume,
Que fes mains viennent d'employer.
LEANDRE parle.

De ce péril, à tort, votre esprit tremble.
Lorsque l'amour affortit nos ardeurs,
Et fait jouer fa mine dans nos cœurs,
Il est doux de fauter ensemble.

LUCINDE chante.

Quel prodige nouveau !
Le fen difpute

Les couleurs au pinceau.
Il peint, il exécute,

Il trace en bean

Le plus parfait tableau.
LEANDRE chante.

L'Amour de même en notre ame

D'un objet vainqueur

Avec des traits de flamme
Peint l'éclat flateur.

LEANDRE & LUCINDE ensemble.

Quel vafte globe de Lumiére

De fes feux répand les amas!
Du Dieu du jour eft-ce la sphére
Qui vient de défcendre ici bas?

De feux quelle fource brillante!
Quels jets de flamme étincelante!
De l'Olimpe c'eft le tableau.

Ab Rien n'eft fi beau !

LEANDRE parle.

Et vraiment cet Ah me ravit, m'enchante.

Belle Lucinde, qu'il peint bien

La surprise toujours conftante,
Et le cri du Parifien!

(Il répete avec Lucinde, Ah! Rien n'eft fi beau LUCINDE chante.

L'Amour femblable

A ce foleil radieux

Répand une lumiére aimable,
Et brille d'un feu gracieux.
Sa clarté fuprême

Fait trouver les cieux

Dans les yeux

De ce qu'on aime.

LEANDRE chante.

La gerbe foudroyante

Peint les efforts,

Les tranfports,

Les fureurs,
Les horreurs,

Qu'éprouvent les cœurs
Que l'Amour enchante.

Il est l'image effrayante

Du chagrin noir,
Du défefpoir

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