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FINETTE.

Je le refuferois de la main de tout autre ; Mais il m'eft précieux en venant de la vôtre. (Elle s'en va.)

Le Baron en donnant l'argent à Finette, avoit laiffe tomber une piéce qu'il ramasse promptement, fans qu'elle l'apperçoive, & qu'il remet dans fa poche avec un air de joie.

SCENE IX.

LE BARON, ISABELLE.

LE BARON.

Ucile tâche en vain d'éluder mon amour, Il faut qu'elle s'explique avant la fin du jour.' Je viens d'être informé que le Marquis arrive, Et voilà ce qui rend ma recherche plus vive. C'eft, de mes concurrens, le plus à redouter Il réunit en lui tout ce qui peut flatter Et furprendre le coeur d'une jeune perfonne. Il revient de Paris; ce vernis feul lui donne Un prix, un relief qui ternit fes rivaux, Et m'avilit moi-même aux yeux Provinciaux: Il a de plus, pour lui, la jeuneffe en partage Et de la nouveauté le piquant avantage; Sans compter qu'il eft noble & riche comme moi. Lucile va l'aimer, & j'en frémis d'effroi!

ISABELLE.

Son pere eft pour vous.

LE BARON.

Oui, j'ai même fa parole. Dans fa petite Terre en cet inftant je vole : Elle n'eft qu'à deux pas ; & fûr de fon appui, Dans une heure en ces lieux je reviens avec lui. Vous, pendant mon abfence agiffez auprès d'elle; Sur-tout, pour gagner l'oncle, employez votre

zèle.

Vous m'avez dit qu'il a de l'eftime pour vous,
Et vous avez l'efprit infinuant & doux.
Servez-vous-en, ma foeur, pour avoir fon fuf-
frage;

Et fi, d'y réuffir, vous avez l'avantage
Sur ma reconnoiffance, oh! vous pouvez comp-

ter

Et mon cœur généreux va la faire éclater: Mon humeur libérale égale mes richesses. 1SABELLE.

Oui, vous êtes fur-tout magnifique en promeffes.

LE BARON.

Je le fuis en effet. Je vous établirai.

ISABELLE.

Et de tout mon pouvoir, moi, je vous fervirai.
Vous pouvez, du fuccès, être affuré d'avance.
Je puis tout fur Lucile, & j'ai fa confiance.
L'oncle m'écoute en tout, & j'ai fur fon efprit,
Par mes attentions, acquis tant de crédit
Qu'il eft rempli pour moi d'égard, de politesse;
Ses bontés vont fouvent jufques à la tendreffe:
Je n'ai qu'à le prier de me faire un plaifir
Pour être, dans l'instant, fûre de l'obtenir.

LE BARON.

En ce cas, près de lui, mettez tout en ufage ;
Songez que de lui feul dépend mon mariage.
L'autorité toujours eft du côté du bien.

L'oncle est tout, en un mot, & le pere n'eft rien; Ce nom n'eft qu'un vain titre en ce vieux Militaire.

Ayant eu le malheur d'avoir plus d'une affaire,
D'un exil rigoureux, il a fubi les Loix;
Et perdant fa fortune, eft déchu de fes droits.
Son exemple doit être une leçon terrible
Et qui nous rend des biens l'utilité fenfible.
Je les méprise au fonds: Mais peut on s'en paffer?
Non; malgré qu'on en ait, il faut en amaffer.
Le plus ou moins d'argent nous fait ce que nous
fommes;

Et c'eft par fa valeur que l'on compte les hommes:
On refpecte, on honore un coquin opulent,
Et l'honnête homme pauvre eft mort civilement.

Fin du premier Acte.

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Livrez-vous à la joïe; Voilà votre neveu que Paris vous renvoïe, Beau, poli, gracieux, brillant & fait au tour, Tel qu'il paroît formé par la main de l'Amour : Pour le coup fes rivaux n'ont qu'à quitter la place, Leur vainqueur va paroître & fon air les terrasse. LE CHEVALIER.

Il est donc bien aimable?

FINETTE.

Il eft des plus charmans: Ma foi, vive Paris pour façonner les gens.

Il entre. Regardez, quel maintien ! Sa prefence Vous en dit cent fois plus que ma vaine éloquen

ce.

SCENE II. 3

LE CHEVALIER, LE MARQUIS; FINETTE.

LE MARQUIS

JE vous revois, mon oncle : après un fi long

tems,

Je ne puis exprimer ma joïe en ces inftans.

LE CHEVALIER, l'embraffant.

La mienne la furpaffe, elle eft des plus parfaites.
De vous voir de retour, formé comme vous l'êtes.
Je dois bien augurer de cet abord fi doux,
Il confirme le bien que l'on m'a dit de vous.
FINETTE.

Plus je le confidere, & plus j'en fuis contente!
LE MARQUIS regardant Finette.~:\/

Cette fille a bon air.

FINETTE.

Votre mine m'enchante Lucile eft dans le Parc, & j'y cours faire un tour Pour l'avertir, Monfieur, de votre heureux res

tour.

(Elle fort.)

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